En m’appuyant sur la sociologie des attentes technoscientifiques et les études critiques du handicap, j’analyse dans cette thèse l’expérience de personnes diagnostiquées comme obèses ou obèses « morbides » ayant subi une chirurgie bariatrique (ou de perte de poids). Alors que la lutte contre l'obésité a longtemps mis l’accent sur les changements de mode de vie, les discours de santé publique ont pris un ton plus urgent à partir des années 2000, qualifiant l’obésité d’« épidémie » justifiant des interventions radicales. Parallèlement, le stigmate contre la graisse corporelle s’est intensifié, et le nombre de chirurgies bariatriques a connu une croissance exponentielle, notamment chez les femmes. Je défends que ces phénomènes concomitants doivent être interprétés dans le contexte d’une « économie de l’espoir » qui englobe les anticipations des promoteurs de la santé publique, des chercheurs en obésité et chirurgiens bariatriques, des personnes en situation d’obésité, et de leurs proches. Au sein de cette dynamique, la clinique bariatrique devient un lieu où se croisent et se heurtent plusieurs définitions de l’« obésité » et différentes priorités de santé. En me basant sur des entretiens semi-directifs menés avec des patientes bariatriques et des cliniciens, j’explore comment les patientes qui s’est manifesté de manière à la fois discursive, émotionnelle et matérielle, influençant leurs adoptent, rejettent ou réinterprètent les notions médicalisées de l’obésité. Je le fais en examinant les motivations des personnes en obésité à subir une chirurgie bariatrique, ainsi que les transformations physiques, physiologiques, identitaires et sociales qui découlent de ce processus. Je fais valoir que la décision de recourir à la chirurgie de perte de poids n’a pas pour seul objectif l’amélioration de leur santé actuelle et future, mais vise également à obtenir une corpulence conforme aux normes sociales, qui leur permet d’accéder à certains espaces communs et partagés et de remplir des rôles sociaux spécifiques. Je montre que les participantes ont fait l'expérience d’un stigmate attentes à l’égard de la chirurgie, ainsi que leurs expériences de ses effets multiples et parfois contradictoires. J’analyse comment cet objectif de normalisation corporelle est atteint au prix de l’acquisition de nouvelles formes de chronicité, dont la gestion reconfigure le rôle de la patiente et la relation entre la patiente et le médecin. En analysant les contradictions propres à la clinique de l’obésité, cette analyse réinterprète le processus de biomédicalisation comme une logique de substitution ou de déplacement de la chronicité plutôt que de normalisation ou d’optimisation. / Drawing on the sociology of technoscientific expectations and critical disability studies, this thesis investigates the experiences of individuals diagnosed with obesity or morbid obesity who have undergone bariatric (weight loss) surgery. While the fight against obesity has long emphasized lifestyle changes, public health discourse has taken on a more urgent tone since the early 2000s, labeling obesity as an "epidemic” justifying radical interventions. Concurrently, the stigma against excess body weight has intensified, and the number of bariatric surgeries has grown exponentially, particularly among women. I argue that these concurrent phenomena should be understood within the framework of an "economy of hope" that encompasses the expectations of public health advocates, obesity researchers, bariatric surgeons, individuals with obesity, and their closed ones. Within this dynamic, the bariatric clinic becomes a site where multiple definitions of "obesity" and different health priorities intersect and collide. Using semi-structured interviews with bariatric patients and clinicians, I investigate how patients either adopt, reject, or reinterpret medicalized notions of obesity. I achieve this by examining the motivations of individuals with obesity for choosing bariatric surgery and the ensuing physical, physiological, identity, and social transformations. I argue that the decision to undergo weight loss surgery is not solely driven by a desire to enhance current and future health but also to attain a body shape that aligns with societal norms, enabling access to shared spaces and the fulfillment of specific social roles. I demonstrate that participants experience a stigma that manifests itself in discursive, emotional, and material ways, shaping their expectations regarding surgery and their experiences of its multifaceted and at times contradictory effects. I analyze how the pursuit of bodily normalization leads to the acquisition of new forms of chronicity, which, in turn, reshapes the patient's role and the patient-physician relationship. By highlighting the contradictions within the clinic of obesity, this analysis reinterprets the process of biomedicalization as a logic of substitution or shifting chronicity rather than normalization or optimization.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/33406 |
Date | 11 1900 |
Creators | Alary, Anouck |
Contributors | Lafontaine, Céline |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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