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La rédaction d' À la recherche du temps perdu ou l'illusion de la perte

Notre travail a cherché ce qui pouvait distinguer l'oeuvre de la création. La création serait un temps singulier du sujet, quand l'oeuvre tenterait quant à elle de mettre à distance ce qui a surgi, laissant le sujet dans une vérité hors sens. Cette vérité du sujet le confronte à la question de la perte, point d'horreur de la castration pour lequel l'oeuvre tente, dans une mise au travail sans fin, de maintenir le sujet arrimé à la chaîne signifiante, dans laquelle le signifiant manquant se dérobe au sujet parlant : ce réel de l'objet non pas perdu, mais à retrouver. Nous avons tenté de cerner le temps du deuil sans fin, dont le premier acte se joue en 1903, à la mort d'Adrien Proust. Marcel, sur l'injonction de sa mère et au nom du père, donne le manuscrit de la Bible d'Amiens à la publication. Le livre est un trait d'union entre mère et fils et interroge ce qui, de n'être pas perdu, rend la séparation impossible. Deux ans plus tard, à la mort de sa mère, c'est dans un hôtel proche de Versailles (l'hôtel des Réservoirs) où il se réfugie sous le prétexte d'un déménagement, qu'isolé de tout, il annonce son renoncement à écrire. Il fait le choix d'un lieu sans mémoire, comme l'exprime sa correspondance. Paradoxalement, c'est le moment où, commençant à rédiger " sur les carnets ", il inaugure celui de 1908. Ce dernier et les autres restent aujourd'hui la trace de l'oeuvre inachevée. Ce qui n'est pas perdu se répète et engage l'être en position de signifiant. L'écriture de l'oeuvre imaginaire en témoigne : " moi je dis que la loi cruelle de l'art est que les êtres meurent et que nous-mêmes mourions en épuisant toutes les souffrances, pour que pousse l'herbe non de l'oubli, mais de la vie éternelle, l'herbe drue des oeuvres fécondes, sur laquelle les générations viendront faire gaiement, sans souci de ceux qui dorment en dessous, leur "déjeuner sur l'herbe" "1. Le principe de réalité viendrait recouvrir l'horreur de cette perte impossible et la construction de l'oeuvre serait, pour le sujet, une tentative de border ce qui hors d'elle, le contraint à disparaître. L'oeuvre écrite pour l'artiste nie la destruction du temps et se distingue du processus créatif pour le sujet, dont le désir est hors temps.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00623265
Date07 July 2011
CreatorsTanguy, Béatrix
PublisherUniversité Rennes 2, Université Européenne de Bretagne
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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