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Qui "mérite" la déjudiciarisation? : analyse de la population cible des tribunaux de santé mentale québécois selon la perspective des bureaucrates de proximité

Titre de l'écran-titre (visionné le 22 novembre 2023) / Les tribunaux de santé mentale (TSM) proposent un cheminement judiciaire alternatif qui est adapté aux besoins des personnes psychiatrisées et judiciarisées, une population actuellement surreprésentée dans l'appareil pénal et carcéral québécois. L'approche des TSM consiste à traiter les causes sous-jacentes de la petite criminalité chronique plutôt qu'à simplement punir les comportements criminels. Dans le Plan d'action interministériel en santé mentale 2022-2026, le gouvernement du Québec (2022) a annoncé qu'un TSM sera implanté dans chaque district judiciaire québécois au cours des prochaines années. Or, l'accès aux TSM dépend de la manière dont les bureaucrates de proximité utilisent leur pouvoir discrétionnaire. En effet, les bureaucrates de proximité sont des professionnels chargés d'interpréter et d'appliquer concrètement les critères formels d'admissibilité et d'exclusion des politiques publiques. La façon dont ils utilisent leur pouvoir discrétionnaire dans l'accomplissement de leur rôle peut induire une distorsion dans la population cible d'une politique publique comme les TSM. La présente recherche vise donc à identifier les principes informels et les biais individuels qui influencent l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire dans le cadre du processus de sélection des participants potentiels aux programmes des TSM québécois. Plus spécifiquement, la recherche a pour but de mesurer l'influence des attitudes des bureaucrates de proximité sur les recommandations formulées dans le cadre de ce processus. Les analyses ont été conduites à partir de données provenant d'un sondage factoriel rempli par un échantillon de 156 professionnels québécois. Le sondage comportait deux vignettes présentant le cas fictif d'une personne accusée d'un délit. Les caractéristiques des vignettes étaient itérées aléatoirement. Les répondants ont formulé leurs recommandations quant au cheminement pénal de la personne accusée présentée dans chaque vignette. Des analyses bivariées et multivariées ont été réalisées afin d'identifier les caractéristiques de l'événement, de la personne accusée, ainsi que du répondant qui ont exercé une influence sur ses recommandations. Ces résultats ont ensuite été interprétés à partir d'une analyse de contenu basée sur les commentaires fournis par les répondants pour justifier leurs décisions pénales. D'après les résultats des analyses quantitatives, plus les bureaucrates de proximité présentent une attitude négative envers les personnes psychiatrisées et judiciarisées, plus ils sont susceptibles de recommander une peine d'incarcération, de recommander le maintien dans le système pénal traditionnel et d'être en désaccord avec un référencement au programme d'un TSM québécois. De plus, les bureaucrates de proximité qui ont une perception négative de l'efficacité pénale des TSM sont plus susceptibles de recommander le maintien dans le système pénal traditionnel, d'être en désaccord avec le référencement de la personne accusée au programme d'un TSM et d'être en désaccord avec l'inclusion des personnes accusées d'un délit violent dans les programmes de déjudiciarisation en santé mentale. Enfin, la perception qu'entretiennent les bureaucrates de proximité de l'efficacité thérapeutique des TSM est fortement corrélée avec leur perception de l'efficacité pénale des TSM, mais elle n'exerce aucune influence directe sur leurs recommandations. Les résultats indiquent également la présence de plusieurs biais préférentiels basés sur les caractéristiques de la personne accusée. En effet, les personnes psychiatrisées de genre féminin, les personnes qui sont accusées d'un délit mineur et les personnes qui n'ont pas d'antécédents criminels sont plus susceptibles d'être référées et admises dans le programme d'un TSM québécois. Ces biais provoquent une distorsion entre la population ciblée en principe et en pratique pour les programmes des TSM, mais ne sont pas justifiés par les données probantes. Au contraire, ils favorisent l'admission de personnes pour qui les TSM sont peu efficaces et efficients, voire contre-productifs, tout en favorisant l'exclusion de personnes vulnérables ayant de grands besoins. Finalement, les analyses qualitatives ont montré que les bureaucrates de proximité ont tendance à évaluer le mérite des candidats potentiels aux programmes des TSM en se basant sur l'ampleur de leurs besoins, mais que plusieurs principes de la justice pénale traditionnelle interfèrent avec l'évaluation des besoins. Ces principes sont la protection du public par la prévention de la récidive, la responsabilité criminelle, la rétribution et la proportionnalité de la peine. / Mental health courts (MHC) are jail diversion programs which provide an alternative judicial path that is adapted to the specific needs of mentally ill persons charged with a criminal offense. The objective of MHC is to reduce the criminalization of mentally ill persons and their overrepresentation in jail. MHC aims to directly address the underlying causes of chronic criminality instead of simply punishing criminal behaviors. In Plan d'action interministériel en santé mentale 2022-2026, Quebec government (2022) announced that a MHC will be implemented in every Quebec judicial district over the next few years. However, the access to MHC depends on how street-level bureaucrats (SLB) use their discretion. SLB are professionals responsible of interpreting and applying formal inclusion and exclusion criteria for policy. The way they use their discretion while accomplishing their role can induce distortions in the target population of a policy. This research aims to identify informal principles and individual bias that influence how SLB use their discretion in the selection process of potential MHC participants in Quebec. More specifically, this research aims to quantify the influence of street level bureaucrat's attitudes over their recommendation they make in the context of that process. Analyses have been conducted on data collected with a factorial survey from a sample of 156 Quebec professionals. That factorial survey contained two vignettes presenting a fictional case of a person charged with a criminal offense. Characteristics of the defendant and the offense presented in each vignette were randomly iterated and assigned to respondents. Respondents were asked to make recommendations about the judicial treatment of the defendant presented in each vignette. Bivariate and multivariate analyzes were conducted to identify which characteristics of the case, the defendant and respondents influenced their recommendations. Then, the results of those quantitative analyses were interpreted in the light of a qualitative analysis of the respondents' comments about the motives for their recommendations. According to the results of quantitative analyses, negative attitude towards mentally ill offenders increases the probability that street-level bureaucrats recommend imprisonment for the accused, that they don't recommend a jail diversion program for the accused and that they disagree with referring the accused specifically to MHC. Likewise, negative perception of the MHC capacity to attain standard criminal justice goals increases the probability that street-level bureaucrats don't recommend a jail diversion program for the accused, that they disagree with referring the accused specifically to MHC and that they disagree with the inclusion of violent offenders in mental health diversion programs. The street-level bureaucrats' perception of MHC therapeutic effectiveness was highly corelated with their perception of MHC criminal justice effectiveness but didn't influence respondents' recommendations. Results also showed the existence of multiple preferential biases based on the defendant's characteristics: female defendants, defendants that were charged with less serious offense and defendants without criminal history were more likely to be referred and accepted into MHC's program. Those biases induce distortion between the formal target population of MHC and their target population in practice and were not justified by evidence-based practices. On the contrary, those biases favor the selection of offenders for who MHC are known to be less effective, less efficient, and even possibly counter-productive. Those biases also favor the exclusion of offenders that are more vulnerable and with greater needs. Qualitative analysis showed that street-level bureaucrats tend to evaluate deservingness of potential candidates for MHC by basing their judgment on the needed-deservingness principle. However, multiples traditional criminal justice sentencing principles interfere with the evaluation of offenders' needs: public safety and recidivism prevention, criminal responsibility, retribution, and proportionality of punishment.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/129684
Date01 December 2023
CreatorsRichard-Pelchat, Daniel
ContributorsCharette, Yanick
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeCOAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise
Format1 ressource en ligne (iii, 164 pages), application/pdf
CoverageQuébec (Province)
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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