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Analyse ethnolinguistique de l’immigration turque à Montréal : communautés de pratique et sens social

Cette recherche se penche sur l’organisation post-migratoire de la communauté turque de Montréal
et sur l’influence de cette organisation sur l’utilisation de la langue turque. La recherche a pour but
de vérifier deux hypothèses interdépendantes. La première hypothèse est que la communauté
turque de Montréal, loin d’être monolithique, est hautement structurée. La deuxième hypothèse est
que la structuration de la communauté se reflète dans le discours et se manifeste dans l’utilisation
de la langue turque.
Afin de vérifier ces deux hypothèses, nous avons utilisé une triple méthodologie. D’abord, les
caractéristiques et les dynamiques sociales de la communauté immigrante ont été notées et décrites
selon la méthode d’observation participante. Par la suite, des entrevues semi-dirigées ont été
réalisées auprès de quarante immigrants turcs (17 femmes et 23 hommes, âgés de 18 à 70 ans et à
Montréal depuis au moins 5 ans). Les entrevues ont été structurées en trois modules thématiques :
le premier portait sur l’histoire personnelle ; le deuxième traitait de la langue, et le troisième était
consacré à l’organisation de la communauté turque et à l’actualité. Finalement, des variables
linguistiques pouvant révéler les différences d'utilisation de la langue des groupes de la
communauté turque ont été étudiées : 1- le choix lexical pour parler des femmes et des conjoints,
et 2- la variété et la fréquence des marqueurs métadiscursifs.
Notre étude ethnographique démontre que les Turcs de Montréal forment une communauté
immigrante divisée en au moins deux communautés de pratique (CP), traditionnaliste et
progressiste, chacune avec ses propres lieux d'interaction sociale, son propre discours et son propre
style. L'affiliation des participants à l’une ou à l’autre est tributaire de leurs orientations politiques
et de leurs pratiques religieuses. Notre étude a permis d’identifier parmi les participants un
troisième groupe, périphérique, n’appartenant à aucune des deux CP.
L’analyse du choix lexical a montré que la caractérisation lexicale de la conjointe variait
considérablement entre les CP. Il a été observé que les hommes de la communauté traditionnelle
préféraient le mot hanım (fr. dame) lorsqu'ils parlaient de leurs femmes, tandis que ceux de la
communauté progressiste choisissaient le mot eş (fr. épouse). Ce résultat vient confirmer notre
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hypothèse selon laquelle les membres de la communauté indexent leur identité sociale à travers la
variation lexicale dans les vocables liés au genre.
L’analyse a aussi montré que l’identité sociale des individus influence l’utilisation des marqueurs
métadiscursifs selon le thème de discussion. Même si l’utilisation des supporteurs semble favorisée
par les membres périphériques, les tests statistiques n’ont pas montré de différence significative
entre les groupes. Dans le cas des atténuateurs, leur utilisation est significativement favorisée par
les membres périphériques, ce qui reflète leur neutralité sociopolitique. L’utilisation des marqueurs
métadiscursifs varie également en fonction des thèmes abordés. Si l’utilisation de marqueurs
métadiscursifs atténuateurs et supporteurs des participants est équilibrée lorsqu’ils parlent de leur
histoire personnelle d’immigration ou de la langue, l'utilisation d'atténuateurs augmente et
l'utilisation de supporteurs diminue lorsqu’ils parlent de l’organisation de la communauté turque
et de l’actualité. C’est surtout parmi les membres progressistes et traditionnels que cette différence
est plus évidente. Cette tendance des participants peut s’expliquer par la volonté d’éviter de
marquer son identité en lien avec des enjeux sociopolitiques sensibles en contexte d’entrevue
sociolinguistique. / This research examines the post-migration organization of the Turkish community in Montreal
and the influence of this organization on the use of the Turkish language. The research aims to test
two interrelated hypotheses. The first hypothesis is that the Turkish community in Montreal, far
from being monolithic, is highly structured. The second hypothesis is that the structuring of the
community is reflected in the discourse and manifested in the use of the Turkish language.
In order to test these two hypotheses, we used a triple methodology. First, the characteristics and
social dynamics of the immigrant community were noted and described using the participant
observation method. Then, semi-structured interviews were conducted with 40 Turkish immigrants
(17 women and 23 men, aged 18 to 70 and in Montreal for at least 5 years). The interviews were
structured in three thematic modules: the first dealt with personal history; the second with
language; and the third with Turkish community organization and current events. Finally,
linguistic variables that may reveal differences in language use among groups in the Turkish
community were studied: 1- the lexical choice to talk about women and spouses, and 2- the variety
and frequency of metadiscursive markers.
Our ethnographic study shows that Montreal Turks form an immigrant community divided into at
least two communities of practice (CP), traditionalist and progressive, each with its own sites of
social interaction, its own discourse and its own style. Participants' affiliation to one or the other
is dependent on their political orientations and religious practices. Our study identified a third,
peripheral group of participants who do not belong to either CP.
The analysis of lexical choice showed that the characterization of the spouse in particular varied
considerably between the CPs. It was observed that men from the traditional community preferred
the word hanım (eng. lady) when talking about their wives, while those from the progressive
community chose the word eş (eng. spouse). This result supports our participant observation that
community members index their social identity through lexical variation in gender context.
The analysis also showed that individuals' social identity influences the use of metadiscursive
markers according to the topic of discussion. Although the use of boosters appeared to be favored
by peripheral members, statistical tests did not show a significant difference between groups. In
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the case of hedges, use was significantly favored by peripheral members, reflecting their socio political neutrality. The use of metadiscursive markers also varied by topic. While participants' use
of hedge and booster is balanced when talking about their personal immigration history or
language, the use of hedge increases and the use of booster decreases when talking about Turkish
community organization and current events. This differentiation is most evident among
progressive and traditional members. This tendency of participants may be explained by the desire
to avoid the risk of marking one's identity in connection with such sensitive socio-political issues
in the context of a sociolinguistic interview.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/27472
Date12 1900
CreatorsBoyacıoğlu, Utkan
ContributorsTremblay, Mireille, Blondeau, Hélène
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageFrench
Typethesis, thèse
Formatapplication/pdf

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