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Ô Canada: un hymne national, deux nations vingt-cinq traductions et lectures d’un chant identitaire canadien-français

Alberti, Louis 26 September 2018 (has links)
Cette thèse analyse dans une perspective historique quelques aspects d’une vingtaine de traductions de l’hymne national canadien « Ô Canada », publiées entre 1906 et 1931. Ce chant a été composé à l’occasion d’un important rassemblement à Québec des Sociétés Saint-Jean-Baptiste en 1880. Les paroles françaises originales du Chant national furent écrites par Adolphe Basile Routhier, sur une musique de Calixa Lavallée. Jusqu’à ce jour, le texte français est demeuré intact. Vers 1901, cette chanson patriotique canadienne-française fut introduite au Canada anglais et divers auteurs anglophones ont entrepris de la traduire ou l’adapter. Cette thèse examine particulièrement les conditions de cette appropriation à travers la traduction de 1900 à 1931. Cette période fut, particulièrement en effet, un point d’orgue dans l’évolution de la société canadienne : tensions entre certains sujets attachés à l’Empire britannique et ceux revendiquant une plus grande affirmation nationale; participation du Canada à la Guerre des Boers et à la Première Guerre mondiale; en 1919, signature comme Dominion britannique du Traité de Versailles, ce qui contribua à la montée du nationalisme canadien; reconnaissance en 1931 par le Traité de Westminster de la souveraineté des pays membres de l’Empire britannique — dont le Canada. Les traductions de ce Chant national réalisées au cours de cette période sont presque indissociables des lectures que les traducteurs canadiens-anglais ou britanniques font des changements sociaux, culturels et politiques de leur époque qui se produisent au Canada et ailleurs dans le monde. Plus qu’un texte original, ces traductions expriment les différents avatars de ces lectures identitaires. Cette approche lectorielle forme le socle de notre analyse théorique. Charles Le Blanc le résumait ainsi dans son ouvrage, Le complexe d’Hermès : « Le traducteur est tout à la fois lecteur du texte original et auteur du texte traduit. […] L’original naît de l’écriture — avec tout ce que la culture de l’écrit comporte de libertés — alors que la seconde vient de la lecture – avec tout ce que l’acte de lire présume de culture, de dispositions sentimentales, de mémoire, de réciprocité aussi ». Comme Le Blanc disait de sa traduction de Bruni : « Il s’agit bien plus de comprendre un texte pour le traduire : il faut aussi comprendre une époque et une conscience ». « La fin du travail du traducteur […] n’est pas simplement celle de livrer une version acceptable d’un grand texte. Il faut assurer également que le texte traduit puisse jouer un rôle dans le développement des idées et le progrès de la culture [de son époque] ». Bien que cette thèse ne porte pas sur l’ensemble des traductions réalisées entre les années 1900 et 1980, l’étude illustre, entre autres, que la version-traduction-adaptation-réécriture de l’hymne national canadien actuel promulgué le 1er juillet 1980 — quelques mois après l’échec référendaire du Québec — résulte elle-même d’une lecture idéologique, à tout le moins politique par nos parlementaires fédéraux soucieux de doter le Canada d’un symbole identitaire national comme fondement à cette unité nationale tant recherchée par les fédéralistes des années Trudeau- père. Cette appropriation graduelle d’un symbole patriotique canadien-français résulte du cheminement dans l’imaginaire du Canada anglais des lectures du pays rattachées aux premières traductions du Chant national. Celles apparues entre 1906 et 1931 ont déclenché et concouru à cette mainmise.

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