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La praxis dans le Marx de Michel HenryBaassiri, Mahmoud 24 April 2018 (has links)
Si le Marx de Michel Henry reconduit plusieurs thèses développées dans les écrits antérieurs et anticipe celles de « la trilogie » sur le christianisme, le dialogue qu’il instaure autour du thème de la praxis lui confère un statut singulier dans l’ensemble de l’oeuvre. Parce que Marx attribue à la pratique de l’individu et aux rapports réels entre les pratiques le pouvoir de créer les idéalités, notamment celle de la valeur, Henry est lui-même conduit à déplacer le champ d’immanence qu’il avait jusque-là situé du côté de l’ego et du corps vers la pratique et le système du travail vivant aux prises avec le monde objectif. Or du point de vue d’une phénoménologie matérielle, pour autant qu’il renvoie à un point de vue extérieur à la stricte immanence, le seul usage de la notion d’« individu » manifeste déjà une prise en compte de « la transcendance », poussant Henry à suspendre pour une part l’approche phénoménologique. Même si l’acosmisme de L’essence de la manifestation transparait encore dans le Marx, il est mis en tension extrême avec le monde des déterminations sociales et économiques et contraint l’auteur à développer la thèse de l’enracinement de ces déterminations dans l’immanence de la vie et de la praxis. C’est en même temps ce qui fait la force et l’originalité de la lecture henryenne de Marx. D’un autre côté, quand bien même elle hérite d’une éthique de la praxis, la trilogie semble perdre de vue la stricte individualité de la praxis qui apparaît dans le Marx. C’est ainsi que le concept de Vie Absolue qu’elle promeut est associé à une exigence d’universel que Henry avait préalablement disqualifiée, notamment à travers sa critique de Hegel. La thèse qu’on va lire cherche ainsi à rendre compte de l’originalité absolue du Marx dans l’oeuvre du phénoménologue français. / Although Michel Henry's book Marx (1976) both revives philosophical presuppositions that were developed in his previous writings and anticipates several themes that are central in his later writings (i.e., the Trilogy), Marx nevertheless is a particularly important moment in his oeuvre due to its elaboration of the concept of "praxis." Given that Marx locates the genesis of economic value in the individual's practical action, Henry is forced to shift his attention from his earlier focus on the ego and the body toward a more careful consideration of living labour, an activity constantly at grips with the objective world. When viewed from the vantage point of material phenomenology, and particularly given that such a perspective is external to immanence, the term "individual" (which replaces the term "ego") allows Henry to take into account transcendence, that is, in Marx we can see a suspension of phenomenology itself. Even though the acosmism that is defended by Henry in The Essence of Manifestation (1963) reappears in Marx, it is now presented in a state of extreme tension with the economic world, a tension that Henry tries to resolve by integrating socio-economic determinations into the immanence of life. This is precisely what makes Henry's reading of Marx so powerful and so original. On the other hand, Henry' s trilogy runs the risk of losing sight of the strict individuality of praxis, an aspect that was emphasized in Marx. Thus, even though the trilogy inherits an ethics of praxis, it nonetheless seems to us that Henry's concept of Absolute Life, as developed in the trilogy, requires a type of universalism that Henry himself had previously disqualified, notably in his critique of Hegel. The present dissertation defends the idea that there is an absolute originality to Marx in relation to the complete works of Michel Henry.
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