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Altérations épigénétiques associées à l’encéphalomyélite myalgique et la COVID longue (Méthylation de l’ADN)CHALDER, Lynda 08 1900 (has links)
L'encéphalomyélite myalgique (EM), communément appelée syndrome de fatigue chronique (SFC), est une maladie chronique complexe, impliquant divers facteurs biochimiques, métaboliques, génétiques et épigénétiques dans sa pathogenèse. L'EM se caractérise par une fatigue persistante et débilitante, un malaise post-effort (PEM), des douleurs, des troubles du sommeil, des troubles cognitifs et d'autres symptômes. L'EM constitue un problème de santé important, compte tenu de sa prévalence dans la population générale. Cependant, notre compréhension des origines de l’EM reste limitée; son diagnostic est difficile et il n’existe aucun traitement curatif définitif ni de biomarqueur officiellement approuvé. Les approches de prise en charge actuelles visent principalement à soulager les symptômes, soulignant le besoin urgent de mieux comprendre ses causes sous-jacentes. Le développement de l’EM est reconnu comme une confluence de prédispositions génétiques et d’expositions environnementales, compte tenu de l’hétérogénéité clinique de cette pathologie.
Ces dernières années, de nombreuses voies étiologiques ont été suggérées, notamment un développement post-infectieux de l’EM, qui reste l’une des principales hypothèses. L'implication de mécanismes épigénétiques, principalement la méthylation de l'ADN, un régulateur bien documenté de l'expression des gènes, est également apparu comme un acteur essentiel dans la pathogenèse de l'EM.
Il est intéressant de noter, et avec une note d’inquiétude, que près de deux ans après la pandémie de SRAS-CoV-2 à l’origine du COVID-19, une cohorte croissante d’individus auparavant en bonne santé souffre du Long COVID (LC), une manifestation de symptômes persistants provenant de l’infection initiale. Il est remarquable de constater qu’il existe un chevauchement évident entre les présentations cliniques de l’EM et de la LC. Cependant, les mécanismes qui sous-tendent ce chevauchement restent encore à élucider.
Dans le cadre de cette thèse, je me suis intéressée dans un premier temps à identifier les changements épigénétiques associés à l'EM à partir de la salive. Le choix d’utiliser la salive représente une approche non-invasive et découle également du fait que des études précédentes ont mis en évidence que les profils de méthylation de l’ADN obtenu des cellules buccales présentes dans la salive étaient assez similaires aux profiles observés au niveau du cerveau et des muscles (des tissus difficilement accessibles mais pourtant atteints dans l’EM) comparativement aux cellules mononuclées du sang périphériques (PBMCs). Cette approche pourrait aider à établir une signature épigénétique susceptible de combler le fossé conceptuel entre la génétique et l'influence environnementale dans la pathogenèse de l'EM. En effet, les sites CpG/gènes identifiés avec une méthylation différentielle pourraient être impliqués dans des mécanismes physiopathologiques associés au développement et/ou à la gravité de l'EM.
Après correction de Bonferroni, mes travaux ont révélé un seul site CpG, "cg19803194", différentiellement méthylé chez les patients atteints d'EM par rapport aux sujets sains appariés pour l’âge. Ce site CpG est situé dans le corps du gène PTPRN2 codant pour la tyrosine phosphatase receptor type N2. De plus, le gène PTPRN2 contient un microARN intronique, le miR-153-3p (miR-153-2), qui est corégulé avec son gène hôte. En raison des défis éthiques et logistiques liés à l'accès aux tissus cérébraux ou musculaires, nous avons mesuré les niveaux circulants en miR-153-3p dans le plasma comme mesure de substitution pour évaluer les fluctuations de l'expression de PTPRN2. Nous avons donc analysé ce miARN comme un proxy prometteur pour mieux comprendre la dynamique d’expression de PTPRN2.
Notre stratification des patients atteints d'EM basée sur les niveaux de méthylation de l'ADN cg19803194 (hypo vs hyper) a révélé qu'une réduction des niveaux circulants du miR-153-3p a été observée dans le groupe hypo-méthylé, ce qui concorde avec de précédentes études montrant que l'hypométhylation au niveau du corps des gènes, entraine habituellement une diminution de leur transcription. Cependant, l’intrigue a été amplifiée par un schéma contre-intuitif observé chez un sous-ensemble de patients. Cette découverte inattendue, nous a incité à découvrir un mécanisme alternatif régissant la régulation des niveaux de miR-153-3p en circulation, qui implique de manière complexe une interaction dynamique des niveaux nucléaires de PHB2 (Prohibitine 2) dans le contrôle de la maturation de certains miARN dont le miR-153-3p.
La LC est un trouble complexe avec des symptômes prolongés et hétérogènes qui s’apparentent avec l’EM. Dans le cadre de ma seconde étude, nous avons utilisé une manoeuvre de provocation standardisée pour induire un malaise post-effort (PEM), ce qui nous a permis de stratifier les patients LC en deux groupes : LC1 (sévère) et LC2 (léger à modéré) en fonction de la gravité du PEM. Les patients LC1 présentaient des scores de gravité de la maladie significativement plus élevés et des scores neurocognitifs plus mauvais que les patients classés dans le groupe LC2. Ceci était étroitement lié aux scores PEM élevés chez les patients LC1 et aux scores PEM réduits chez les patients LC2.
Nous avons également utilisé le profilage de la méthylation de l'ADN des cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) pour étudier les changements dans la méthylation de l'ADN associés aux symptômes de la LC (n = 24) par rapport aux participants ayant eu la COVID-19, suivie d’une rémission complète (SC pour Short COVID en anglais) (n = 4). Il est intéressant de noter que nous avons identifié des altérations de plusieurs gènes impliqués dans le dysfonctionnement neurocognitif et le changement de la réponse immunitaire liés à la persistance des symptômes de la LC.
En outre, dans le cadre de ma troisième étude, nous avons effectué une analyse complète de la méthylation de l'ADN à l'échelle du génome, à partir d'échantillons de salive provenant du même groupe de patients LC (n=24) LC, de 4 participants SC et de 13 témoins sains (HC) pré-pandémiques. Nous avons étudié les signatures épigénétiques associées à la LC. Nous avons constaté que les patients LC présentaient une hypométhylation significative de trois gènes communs, MEST, DDR1 et LRP1, par rapport aux participants SC et HC. Ces gènes sont impliqués dans la cascade de l’inflammation, l’altération de la réponse immunitaire et des maladies neurologiques. Nous avons également signalé des altérations de la méthylation de LGR6, ZFAND2A et TDG dans les PBMCs et la salive chez les mêmes individus associés à la sévérité de la LC. Plus précisément, nous avons constaté une hypométhylation au niveau des gènes LGR6 et ZFAND2A et une hyperméthylation au niveau du gène TDG dans les cas graves (groupe LC1) par rapport aux cas légers à modérés (groupe LC2). Cette convergence de profils entre la salive et les PBMCs souligne l'importance de LGR6, ZFAND2A et TDG dans la gravité des LC.
L’ensemble des résultats obtenus dans le cadre de cette thèse apporte un éclairage nouveau et pertinent sur les mécanismes épigénétiques qui sous-tendent l’EM et la COVID longue. Les nouvelles connaissances présentées dans les trois manuscrits ci-joints devraient nous permettre de mieux comprendre l’EM et la COVID longue, de développer de futures stratégies diagnostiques, thérapeutiques et préventives, mais également de mieux gérer les effets à long terme de ces conditions. En effet, les altération épigénétiques identifiées dans ces deux contextes pathologiques, plus précisément au niveau de la méthylation de l’ADN, pourraient être impliquées dans la sévérité et la persistance des symptômes de ces pathologies complexes, distinctes et présentant tout de même des similitudes. / Myalgic encephalomyelitis (ME), also known as chronic fatigue syndrome (CFS), is a complex chronic disease involving various biochemical, metabolic, genetic, and epigenetic factors. Patients with ME experience persistent and debilitating fatigue, post-exertional malaise (PEM), pain, sleep disturbances, cognitive impairment, and other symptoms. ME is a significant health problem, with an estimated prevalence of 0.2% to 0.5% in the general population. However, our understanding of the origins of ME remains limited; its diagnosis is complex, and there is no definitive cure or officially approved biomarker. Current management approaches focus primarily on relieving symptoms, highlighting the urgent need to understand its underlying causes better.
The development of ME is thought to be a confluence of genetic predispositions and environmental exposures. In recent years, many etiological pathways have been suggested, including a post-infectious development of ME, which remains one of the main hypotheses. The involvement of epigenetic mechanisms, primarily DNA methylation, a well-documented regulator of gene expression, has also emerged as a critical player in the pathogenesis of ME.
Interestingly, and with a note of concern, nearly two years after the SARS-CoV-2 pandemic that caused COVID-19, a growing cohort of previously healthy individuals suffer from Long COVID (LC), a manifestation of persistent symptoms from the initial infection. Remarkably, there is a clear overlap between the clinical presentations of ME and LC. However, the mechanisms underlying this overlap remain to be elucidated. This thesis investigated the epigenetic mechanisms underlying ME and LC.
As part of this thesis, I was initially interested in identifying the epigenetic changes associated with ME from saliva. Saliva is a non-invasive sample that can be easily collected, and previous studies have shown that the DNA methylation profiles obtained from buccal cells present in saliva are similar to those observed in the brain and muscles. This suggests that saliva could be used as a proxy for these tissues, which are difficult to access but are thought to be involved in the pathogenesis of ME.
I used Bonferroni's correction to identify a single CpG site, "cg19803194", differentially methylated in ME patients compared to age-matched healthy subjects. This CpG site is located in the body of the PTPRN2 gene, which encodes the tyrosine phosphatase receptor type N2. The PTPRN2 gene also contains an intronic microRNA, miR-153-3p (miR-153-2), which is co-regulated with its host gene.
Due to ethical and logistical challenges, I measured circulating levels of miR-153-3p in plasma as a surrogate measure to assess fluctuations in PTPRN2 expression. This miRNA is a promising proxy for understanding the expression dynamics of PTPRN2 because it is located in the same gene and is co-regulated with it.
My stratification of ME patients based on cg19803194 DNA methylation levels (hypo vs hyper) revealed that a reduction in circulating levels of miR-153-3p was observed in the hypo-methylated group. These findings agree with previous studies showing that hypomethylation in the body of genes usually decreases their transcription. However, a counterintuitive pattern was observed in a subset of patients. This unexpected finding prompted me to discover an alternative mechanism governing the regulation of circulating miR-153-3p levels. This mechanism involves a dynamic interaction of nuclear PHB2 (Prohibitin 2) levels in controlling the maturation of certain miRNAs, including miR-153-3p.
LC is a complex disorder with prolonged and heterogeneous symptoms that resemble myalgic encephalomyelitis (ME). In my second study, we used a standardized provocative maneuver to induce post-exertional sickness (PEM), which allowed us to stratify LC patients into two groups: LC1 (severe) and LC2 (mild to moderate), depending on the severity of the PEM.
LC1 patients had significantly higher disease severity scores and worse neurocognitive scores than patients classified in the LC2 group. This was closely related to high PEM scores in LC1 patients and reduced PEM scores in LC2 patients.
We also used peripheral blood mononuclear cell (PBMC) DNA methylation profiling to investigate changes in DNA methylation associated with LC symptoms (n=24) compared to participants who had COVID followed by complete remission Short COVID (SC) (n = 4). Interestingly, we identified alterations in several genes implicated in neurocognitive dysfunction and changes in immune response related to the persistence of LC symptoms.
In my third study, we also performed a comprehensive genome-wide DNA methylation analysis of saliva samples from the same group of LC patients (n=24), 4 SC participants, and 13 pre-pandemic healthy controls (HC). We studied the epigenetic signatures associated with LC.
We found that LC patients showed significant hypomethylation of three common genes, MEST, DDR1, and LRP1, compared to SC and HC participants. These genes are involved in the cascade of inflammation, impaired immune response, and neurological disease.
We also reported LGR6, ZFAND2A, and TDG methylation alterations in PBMCs and saliva in the same individuals associated with CL severity. Specifically, we found hypomethylation at the LGR6 and ZFAND2A genes and hypermethylation at the TDG gene in severe cases (LC1 group) compared to mild to moderate cases (LC2 group). This convergence of profiles between saliva and PBMCs highlights the importance of LGR6, ZFAND2A, and TDG in the severity of CL.
All the results obtained in this thesis shed new and relevant light on the epigenetic mechanisms underlying ME and LC. The new knowledge in the three attached manuscripts allowed us to understand ME and LC better, develop future diagnostic, therapeutic, and preventive strategies, and better manage these conditions' long-term effects. Epigenetic alterations, more precisely at the level of DNA methylation, have been identified in both ME and long-term COVID. These alterations could be involved in the severity and persistence of the symptoms of these complex pathologies, which are distinct but share some similarities. The findings of this thesis suggest that epigenetics could be a promising target for developing new treatments for ME and long-term COVID. Further research is needed to confirm these findings and to develop effective therapeutic interventions.
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