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La théorie de l'État fiduciaire et le contrôle judiciaire des actes de l'Administration en matière environnementale : vers une redéfinition des obligations de l'État

Roy, Stéphanie 13 December 2023 (has links)
Malgré l'émergence du droit de l'environnement dans les années 70, les écosystèmes ont continué de se dégrader de façon croissante au cours des dernières décennies. L'omission des États de protéger adéquatement les écosystèmes pousse d'ailleurs les citoyens à entreprendre des recours judiciaires, par exemple en matière climatique, afin de les forcer à exercer leurs responsabilités. L'État est un acteur essentiel en matière de gouvernance climatique et son rôle doit donc évoluer pour faire face à l'ampleur du défi. Notamment, la large discrétion dont il dispose d'agir dans l'intérêt public doit être encadrée afin de l'exercer dans le respect des contraintes écologiques. La théorie de l'État fiduciaire, dont discutent des auteurs depuis les années 70, pourrait contribuer à encadrer sa discrétion et imposer de plus grandes responsabilités à l'État. Selon cette théorie, l'État dans ses fonctions exécutive et en partie législative, exercerait le rôle de fiduciaire de l'environnement. Détenant les pouvoirs de gestion, il devrait agir dans l'intérêt public des citoyens canadiens actuels (bénéficiaires de cette gestion), mais également dans celui des générations futures. La fiducie publique (ou public trust doctrine), un outil basé sur ces principes, est déjà appliquée aux États-Unis et dans certains autres pays du Commonwealth. Cependant, son application demeure très limitée, n'englobant, dans plusieurs États américains, que les ressources naturelles près des cours d'eau. De plus, cette doctrine n'impose que peu d'obligations positives aux gouvernements, qui ne doivent justifier leur action dans une logique fiduciaire que lorsque les citoyens la contestent devant les tribunaux. Néanmoins, plusieurs auteurs ont récemment suggéré d'appliquer cette logique fiduciaire plus largement pour redéfinir la gouvernance publique et la démocratie, forçant les États à considérer les intérêts écologiques dans l'ensemble de leurs actes. L'intérêt de la théorie de l'État fiduciaire réside dans l'imposition d'obligations positives de protection, d'une obligation de rendre compte de la gestion des écosystèmes et, finalement, dans son intégration de la notion de responsabilité dans la gestion de l'environnement. Le contenu et la portée des devoirs fiduciaires qui seraient imposés à l'État en vertu de cette théorie restent à préciser. Afin de combler cette lacune, cette recherche explore, dans un premier temps, les causes sous-jacentes à l'inefficacité du droit de l'environnement, dont notamment la croissance économique et le néolibéralisme. Ces éléments sont aussi ceux qui balisent la notion d'intérêt public - donc la discrétion de l'État - à l'heure actuelle. Les changements nécessaires du système économique envisagés par les économistes écologiques et le rôle de la propriété privée dans la surexploitation des ressources naturelles sont également abordés. Il décrit par la suite le modèle d'État fiduciaire le plus prometteur, après avoir tracé le portrait de son évolution dans les dernières décennies et sa comparaison avec la fiducie publique américaine. Dans un second temps, une étude des décisions de contrôle judiciaire environnemental rendues par la Cour suprême du Canada et les tribunaux d'appel des provinces des Prairies et du Québec permet d'établir les caractéristiques de l'application des obligations de raisonnabilité et d'équité en matière environnementale. Ces obligations peuvent être considérées comme l'équivalent en droit public de l'obligation fiduciaire de loyauté du droit privé. Cette recherche décrit par la suite les arguments juridiques qui permettraient d'invoquer les devoirs fiduciaires environnementaux devant les tribunaux, puis propose une définition de ces derniers à l'aide des enseignements de l'analyse jurisprudentielle, de la doctrine et de l'expérience néo-zélandaise du guardianship entourant la protection de l'ancien parc national Te Urewera et de la rivière Whanganui. Il fournit, finalement, un portrait des responsabilités supplémentaires qui incomberaient à l'État en matière de protection de l'environnement et des changements nécessaires à la mise en œuvre de devoirs fiduciaires, advenant l'imposition claire de ces devoirs par les cours de justice ou la législation. / Judicial Review of Environmental Matters and the Trusteeship Theory: Rethinking State's Obligations Towards the Environment. Despite the advent of environmental law in the '70s, ecosystems have increasingly degraded in the past decades. The failure of States to protect ecosystems adequately has led to several climate lawsuits launched by citizens all over the world, asking their government to take responsibility. The State is a fundamental actor of climate governance. The evolution of the role of the State is thus required to face the challenges brought by the environmental crisis. Its broad discretion to act in the public interest has to be exercised within ecological constraints. The trusteeship theory, discussed by authors also since the '70s, could contribute to guiding State's discretion and imposing greater responsibilities on governments. This theory suggests that the State would act as fiduciary of the environment - our common patrimony - in its executive and legislative functions. It would therefore exercise its managing powers in the best interest of current and future generations of Canadian citizens, beneficiaries of this "trust". The public trust doctrine, already applied in the United States and in other Commonwealth countries, is based on this principle. Its application is, however, limited, considering that in many American states, only natural resources close to public waterways are comprised in the trust. In addition, only a few positive duties are imposed on governments based on this doctrine, so that they do not have to justify their actions based on fiduciary principles until citizens challenge them in court. Redefining public governance and democracy with this fiduciary rationale, therefore forcing the State to consider ecological constraints in all of its decisions, has nevertheless been suggested by many authors over the last few years. The fiduciary theory's value resides in the imposition of positive obligations of protection, of a duty to account for ecosystem management, while also integrating a notion of responsibility in environmental protection. The content and scope of the fiduciary duties that would be imposed on the State remain to be defined. In order to fill this gap, this research project explores, in the first part, the underlying causes that explain environmental law's lack of effectiveness and that shape the notion of "public interest", including economic growth and neoliberalism. The necessary changes of the economic system suggested by ecological economists, as well as the role of private property in resources overexploitation are also addressed. After providing an overview of its evolution in the past decades, and a comparison with the American public trust doctrine, the most promising fiduciary model for environmental governance is explored. In the second part, environmental judicial review judgments rendered by the Supreme Court of Canada, as well as the Prairie Provinces' and Quebec's appellate courts, are studied to define the obligations of reasonableness and equity in environment. Indeed, those obligations are considered to be public law equivalents of private fiduciary duties. Legal arguments that could be used to invoke the application of public fiduciary duties in court are subsequently analyzed. A working definition of those fiduciary duties is then articulated based on the case law analysis, doctrinal developments, and Aotearoa New Zealand's experience with the guardianship that has been implemented to protect Te Urewera - a former national park - and the Whanganui River. In short, this project presents an overview of the additional duties of environmental protection that would be incumbent upon the State should a clear fiduciary obligation be recognized and imposed on the latter by courts or legislation.

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