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Impacts des conditions de logement sur la santé psychologique et le bien-être d’adultes inuits au Nunavut et au Nunavik : une intervention de relogement issue d’investissements publics dans la construction et la rénovation de logements sociaux

Perreault, Karine 01 1900 (has links)
Problématique. La crise du logement qui sévit dans le Nord canadien depuis plus de 50 ans engendre des conséquences sérieuses sur la santé psychologique et le bien-être des Inuit, le peuple autochtone ayant historiquement occupé le territoire aujourd’hui connu comme l’Inuit Nunangat. La situation du logement y est actuellement caractérisée par un manque criant de logements, une large proportion de logements non convenables et les taux de surpeuplement des ménages les plus élevés au Canada. Intervention et question de recherche. Le projet de thèse se déroule dans le contexte d’une intervention de relogement au Nunavut et au Nunavik – deux des quatre régions formant l’Inuit Nunangat – et s’intéresse à son fort potentiel de réduction des inégalités sociales de santé mentale entre les Inuit et les autres Canadiens. En 2014-2015, des investissements publics ont mené à la construction et la rénovation de centaines de logements sociaux, permettant ainsi à des familles inuites de déménager et d’améliorer considérablement leurs conditions de logement. Le cadre de référence de Dunn, qui conceptualise le logement comme déterminant social de la santé des populations, ainsi que la théorie de la sécurité ontologique de Giddens ont été mobilisés pour répondre à la question suivante : comment les conditions de logement influencent-elles la santé psychologique et le bien-être d’adultes inuits et de leur famille, dans le contexte d’une intervention de relogement au Nunavut et au Nunavik ? Plus spécifiquement, la thèse s’intéresse aux mécanismes qui relient le surpeuplement des ménages au sentiment d’avoir un chez-soi et ensuite à la santé psychologique et au bien-être d’adultes inuits et de leur famille. Devis de recherche, principales variables d’intérêt et participants. L’étude s’appuie sur une approche collaborative impliquant des partenaires régionaux. Le devis utilisé est un devis mixte explicatif, par lequel les résultats issus d’une enquête réalisée dans 12 communautés inuites sont ensuite approfondis par une série d’entrevues réalisées dans une de ces communautés. Dans l’enquête, un logement est considéré comme surpeuplé s’il comprend plus d’une personne par pièce (>1 PPP). Le sentiment d’avoir un chez-soi est quant à lui opérationnalisé selon les repères conceptuels de la sécurité ontologique du chez-soi. Les perceptions que les participants entretiennent envers leur environnement domestique sont mesurées selon huit construits : espace, identité, sécurité, contrôle, intimité, relations, satisfaction et localisation. Finalement, la santé psychologique est mesurée à l’aide de l’échelle de détresse psychologique de Kessler à 6 items. Dans les entrevues, le surpeuplement et le sentiment d’avoir un chez-soi sont explorés comme un ensemble de processus socio-psycho-affectifs découlant des expériences et des représentations du chez-soi qui influencent le bien-être des individus et de leur famille. Au total, 102 participants ont complété les questionnaires pré- et post-relogement de l’enquête réalisée au Nunavut et au Nunavik, alors que 25 participants ont été rencontrés pour des entrevues semi-dirigées dans une communauté du Nunavut, parmi lesquels 14 figuraient sur la liste d’attente d’un logement social et 11 autres avaient déménagé dans un nouveau logement social un à trois ans auparavant. Résultats intégrés. La thèse montre que le surpeuplement des logements est associé négativement au sentiment d’avoir un chez-soi puisqu’il crée des contraintes multiples et soutenues au quotidien et qu’il limite le contrôle que les individus ont sur leur vie. La nécessité de partager des ressources essentielles et limitées (nourriture, eau, espace) avec un trop grand nombre de personnes dans le ménage génère des dilemmes moraux et crée des tensions sociales, qui deviennent difficiles à contenir et peuvent donner lieu à des épisodes de violence. Pour plusieurs, la pénurie de logements est source d’instabilité résidentielle puisqu’elle les force à se déplacer d’un logement à l’autre (itinérance cachée). L’ensemble de ces situations génère de l’inquiétude de la part des parents au sujet du bien-être de leurs enfants, en plus de s’accompagner d’un sentiment d’impuissance et d’engendrer de la détresse. À la suite du relogement, la réduction du nombre d’adultes dans le ménage et l’augmentation du sentiment d’avoir un chez-soi sont associées à un déclin cliniquement significatif de la détresse psychologique. Concrètement, le chez-soi que les familles se sont créé offre la stabilité et la sécurité que plusieurs attendaient pour entreprendre des étapes de vie signifiantes, comme se marier ou agrandir la famille, tout en permettant d’éduquer les enfants d’une manière plus autonome et dans un cadre plus sain. L’ensemble de ces processus a permis aux familles (immédiates et élargies) de redéfinir leurs relations en dehors des contraintes du surpeuplement et de reprendre contact avec des pratiques culturellement valorisées, rendues possibles par la liberté de choix et l’espace qu’offre le nouveau chez-soi. Discussion. L’intervention a permis aux familles de mettre en place des processus relationnels et identitaires qui correspondent à la définition d’une « personne saine » dans une perspective inuite, c’est-à-dire une personne vivant en harmonie avec sa famille et dans un environnement favorable aux pratiques culturelles. Pour plusieurs, ces pratiques s’inscrivent dans un processus de guérison. L’interprétation des résultats à la lumière de la théorie de la sécurité ontologique révèle que, d’une part, les conditions de logement non convenables contribuent à la perpétuation des traumas intergénérationnels et, d’autre part, que la mise à l’échelle des opportunités que génère le relogement sous la forme de « politiques du chez-soi » pourrait représenter une source de résilience sociale dans la société inuite contemporaine. Toutefois, le contexte socioéconomique et politique de ces régions, largement déterminé par l’histoire coloniale récente, continue d’influencer la situation du logement et limite de plusieurs façons l’ampleur des bénéfices du relogement sur la santé psychologique et le bien-être. Les logements sont encore aujourd’hui construits d’une manière à accommoder un mode de vie occidental et demeurent inadéquats culturellement. Même pour la fraction de la population qui accède à un nouveau logement, la pauvreté, l’insécurité alimentaire et les taux de surpeuplement dans les communautés continuent d’avoir des répercussions sur les relations familiales et les processus de réappropriation culturelle, limitant ainsi la portée de l’intervention. Implications. La thèse appuie les revendications des partenaires de recherche qui militent pour des investissements accrus dans le logement abordable pour atteindre leurs objectifs de promotion de la santé mentale et favoriser le développement des communautés. Les résultats sont appliqués à la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, qui reconnaît le droit au logement convenable comme un droit humain fondamental. Sur la base des effets observés et des expériences des participants, la thèse propose de revoir les principes à la base du système d’habitation dans le Nord et de réviser les critères d’acceptabilité du logement en les fondant sur les droits de la personne, pour finalement poser les bases d’un continuum de logement porteur de santé dans l’Inuit Nunangat. Les investissements que de telles propositions exigent sont nécessaires pour rapprocher les Inuit d’un véritable droit au logement convenable et, ce faisant, pour promouvoir des conditions de vie qui favorisent la dignité et le bien-être. / Introduction. The housing crisis that has plagued Northern Canada for over 50 years has led to serious consequences on the psychological health and well-being of the Inuit, the Indigenous group who has historically occupied the territory now known as Inuit Nunangat. The housing situation in this area is characterized by a severe housing shortage, a large proportion of inadequate housing and by rates of household overcrowding that are among the highest in Canada. Intervention and research question. The doctoral project takes place in the context of a rehousing intervention in Nunavut and Nunavik, two of the four Inuit regions within Inuit Nunangat. It focuses on the strong potential of this intervention to reduce social inequalities in mental health that exist between the Inuit and other Canadians. In 2014-2015, governmental investments for this area led to the construction and renovation of hundreds of social housing units. This enabled Inuit families to relocate and significantly improve their housing conditions. Using Dunn's framework of conceptualizing housing as a social determinant of population’s health, as well as Giddens' theory of ontological security, the thesis seeks to answer the following question: how do housing conditions influence the psychological health and well-being of Inuit adults and their families, within the context of a rehousing intervention in Nunavut and Nunavik? Specifically, the thesis investigates the mechanisms that link household overcrowding to the sense of home and to the psychological health and well-being of Inuit adults and their families. Study design, Main Outcomes of Interest, and Participants. The thesis’s project was conducted using an integrated knowledge translation approach involving regional partners. Using a mixedmethods sequential explanatory design, the research collected data from a survey carried out in 12 Inuit communities, followed by a series of interviews conducted in one of these communities to gain a deeper understanding of the survey data. In the survey, household overcrowding is defined as the presence of more than one person per room in a dwelling (>1 PPP), and sense of home is operationalized according to conceptual components of the ontological security from the home. Participants' perceptions of their home environment are measured across eight constructs: space, vii identity, safety, control, privacy, relationships, satisfaction, and location. Lastly, the psychological health is measured using the psychological distress Kessler 6-item scale. In interviews, overcrowding and sense of home are explored as a set of social-psycho-affective processes arising from the experiences and representations of home that influence the well-being of individuals and their families. A total of 102 participants completed pre- and post-rehousing survey questionnaires in 12 communities in Nunavut and Nunavik, and 25 participants were met for semi-structured interviews in a Nunavut community, among whom 14 participants were on a waiting list for social housing, and 11 others had moved to new social housing one to three years prior. Integrated findings. The thesis demonstrates that housing crowding is negatively associated with sense of home as it creates multiple and sustained constraints on daily routines and therefore limits the control that individuals have on their lives. Overcrowding implies sharing essential and limited resources, such as food, water, and space, with many other people in the household, thus creating moral dilemmas and tensions that are difficult to appease, which can escalate into verbal and physical violence. For many, the housing shortage causes residential instability, since it forces people to constantly move from one dwelling to another (hidden homelessness). All of these situations generate concern on the part of parents about the well-being of their children, as well as a sense of powerlessness and distress. Following rehousing, a reduction in the number of adults in a household and an increase in the sense of home are associated with a clinically significant decline in psychological distress. Specifically, the homes that families are able to create for themselves provide stability and security that many need to make significant life decisions, such as getting married or expanding the family, all the while allowing children to be raised more independently and within a healthier environment. Taken together, these processes have allowed families (immediate and extended) to redefine their relationships without the constraints of overcrowding and to reconnect with cultural practices, all of this made possible by freedom of choice and the less constrained space that the new home offered. Discussion. The rehousing intervention allowed the families to set up relational and identity processes that correspond to the definition of a “healthy person” from an Inuit perspective. This includes living in harmony with family members and maintaining an environment that favours cultural connectedness. For many, these practices are part of a healing process. Interpretation of viii the results in light of ontological security theory firstly reveals that unsuitable housing conditions contribute to the perpetuation of intergenerational trauma, and secondly, that scaling up the opportunities brought about by the intervention in the form of "home policies" can act as a source of social resilience in the contemporary Inuit society. However, the socioeconomic and political context of these regions, largely determined by recent colonial history, continues to influence the housing situation, and limits the extent of the rehousing benefits on psychological health and well-being in many ways. Housing today in Inuit Nunangat is still built to accommodate a western lifestyle and remains culturally inadequate. Additionally, even for the fraction of the population that accesses new housing, poverty, food insecurity, and overcrowding rates in communities continue to impact family relationships and cultural reclaiming processes, limiting the scope of the intervention. Implications. The thesis supports research partners who advocate for increased investment in affordable housing, so that existing objectives for mental health promotion and community development can be achieved. The results are applied to the National Housing Strategy Act, which recognizes the right to adequate housing as a fundamental human right. Based on the observed effects and the experiences of the participants, the thesis proposes: i) to revisit the principles underlying the housing system; ii) to revise the criteria for housing acceptability in keeping with the concept that adequate housing is a recognized fundamental human right, and iii) the thesis lays the foundation for what could form a healthy housing continuum in Inuit Nunangat. The investments that the thesis proposes are a necessary element in the establishment of housing rights for the Inuit, ensuring better living conditions that foster dignity and well-being.

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