Afin de mieux connaître les bases fondamentales de l'initiation à la cartographie, nous nous sommes intéressés au développement des premières références spatiales chez l'enfant. Une épreuve a été mise au point, le Paysage II, pour étudier le développement spatial des enfants de 4 à 9 ans. Inspirée de l'épreuve du "Bonhomme à situer dans un Paysage" de Piaget et Innelder (1948), qui a été reprise par Laurendeau et Pinard (1968) lors d'une standardisation, elle se différencie de ces deux études par le fait qu'au lieu de comporter un paysage divisé en 4 secteurs (respectivement, par une route et une rivière, une route et un chemin de fer) notre Paysage comporte deux croisements de routes, divisant le Paysage en secteurs et sous-secteurs. Cette épreuve a pour but d'étudier l'influence réciproque des systèmes directionnels (haut-bas, gauche-droite) et sectoriels (étendues) dans la construction d'un espace-plan. Piaget et Innelder (1948), concernant l'épreuve en jeu, avaient insisté surtout sur la construction d'un espace cartésien de coordonnées comme système d'orientation dans l’espace. Nous voulons montrer ici que le système directionnel (orientation) et le système d'étendue (secteurs) se construisent simultanément par articulation réciproque. Neuf positions de difficultés diverses ont été déterminées à l'intérieur du Paysage II. Nous gardons la technique piagétierine de présenter côte à côte deux paysages identiques, l'un destiné à l'examinateur, l'autre au sujet, et demandons au sujet de reproduire sur son Paysage, la position du bonhomme sur le Paysage de l'examinateur. Puis l'un des Paysages subit, devant l'enfant, une rotation de 180 et les mêmes positions sont réexaminées en tenant compte de la rotation effectuée. C'est ainsi la transposition d'un Paysage sur un autre, placé dans une orientation différente, que nous étudions chez l'enfant, avec analyse des procédés que ce dernier utilise pour réussir le problème. Ceci se fait dans le but de faire ressortir les mécanismes de formation de la structuration spatiale. L'épreuve du Paysage II a été passée en langue Montagnaise à soixante enfants Amérindiens de Sept-Iles, âgés de 4 à 9 ans, et fréquentant les classes de pré-maternelle à la troisième année. L'étude comporte deux parties: une partie quantitative, sur les positions ratées ou réussies par l'enfant à divers âges; une partie qualitative ou structurale, faisant intervenir pour chacune des positions,' les relations établies par l'enfant, lors de ses réussites ou de ses échecs. L'étude des échecs des enfants de divers âges aux diverses positions se montre, en particulier, révélatrice des stratégies utilisées par l'enfant. La présente recherche précise et confirme nos hypothèses: Notre première hypothèse concerne la structuration de l'espace selon deux systèmes: Hyp. la: L'espace se structure par coordination de deux systèmes opératoires: un système d'étendue (inclusion) et un système de direction (ordre); Hyp. lb: Chaque item opératoire de l'épreuve du Paysage II est caractérisé par des composantes fonctionnelles appartenant aux deux systèmes d'étendue et de direction; Hyp. le: Les erreurs aux items de l'épreuve du Paysage II sont caractérisées par des critères de complexité structurale appartenant aux deux systèmes d'étendue et de direction. Notre seconde hypothèse porte sur la structuration spatiale selon des niveaux de développement. Hyp. 2a: Le développement spatial se caractérise par des niveaux hiérarchisés d'organisation correspondant à des niveaux d'articulation des deux systèmes d'étendue et de direction; Hyp. 2b: Chacun de ces niveaux de développement de l'espace (stades ou étapes) correspond a la réussite de certains items de l'épreuve du Paysage II; Hyp. 2c: Chacun de ces niveaux de développement de l'espace (stades ou étapes) correspond à une structuration-type (catégorie) d'erreur aux items de l'épreuve du Paysage II. i Notre troisième hypothèse porte sur la cohérence dans la conduite des sujets, dans la réussite et dans l'échec. Hyp. 3a: Les erreurs aux items du Paysage II peuvent se catégoriser hiérarchiquement d'après leur complexité. (Cette hypothèse a été vérifiée par une corrélation entre les catégories d'erreur et le score obtenu par les sujets) Hyp. 3b: Plus la stratégie d'un enfant est complexe, lui permettant de réussir un plus grand nombre d'items de l'épreuve du Paysage II (score plus élevé), plus la structuration de ses erreurs est complexe. Notre quatrième hypothèse concerne la relation entre l'âge et le comportement des enfants. Hyp. 4a: Plus un sujet est âgé, plus son score de réussite est élevé; Hyp. 4b: Plus un sujet est âgé, plus ses erreurs sont structurées de façon complexe. Notre cinquième hypothèse porte sur une comparaison entre les enfants Montagnais de Sept-Iles et les enfants Blancs de la région de Québec Hyp. 5a: Les enfants Montagnais de Sept-Iles se développent selon les mêmes stades de développement spatial que les enfants Blancs de la région de Québec. Hyp. 5b: Les enfants Montagnais de Sept-Iles se développent, au point de vue spatial, selon le même rythme chronologique que les enfants Blancs de la région de Québec. Les hypothèses 1 et 2 sont précisées au chapitre 6 qui présente le modèle théorique de la structuration spatiale, les composantes fonctionnelles des positions du Paysage II, les critères de complexité structurale des catégories •d'erreurs trouvées et les différents niveaux de structuration spatiale qui correspondent à la réussite de certains items du Paysage II et à une catégorie d'erreurs particulières. Ces niveaux sont ensuite comparés aux stades de développement d'autres auteurs dans le tableau XXVIII. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2014