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Le poète et le parolier : liminaire pour une cantopoésie francophone / The poet and the lyricist : introduction for a french cantopoetry

Saliceti, Sylvie-E. 02 March 2017 (has links)
Michel Deguy, à l’appui de sa conviction selon laquelle la poésie n’est pas seule, expose dans son traité de poétique une idée à la fois belle et réaliste : « les étoiles sont arrivées ! ».Notre temps connait un risque extrême : celui de l’abandon de l’Idéal, abandon dont les manifestations résident indifféremment dans le discours creux d’une espérance scindée du réel, dans le nihilisme autant que dans les voeux pieux, dans l’indifférence des foules autant que dans les discours de propagande sectaires ou terroristes.Sous ce jour, les étoiles peuvent quelque chose ; les mots de nos jours peuvent encore quelque chose. La poésie se soucie du monde. Mieux : « la poésie n’est pas seule (à s’en soucier) ; elle est la partie « comme-une ». Dans un monde fragmenté qui à son tour fragmente les identités, la poésie est affaire de rapport. « La poésie entre dans un milieu qu’elle ouvre (…) elle est entre ». Dit autrement chez Michaux, la poésie se trouve entre les plis ; la poésie « est vie dans les plis ».Le cantopoème, la ritournelle, le chant dans l’écrit : c’est tout un, et cette unité créée par la musicalité du poème rassemble les brisures. Ce que nous appelons cantopoésie va en réalité au-delà du poème chanté : c’est une aptitude renouée avec la force de vie, le sens, le rêve ; les drames personnels contemporains souvent signent la défaite du symbole collectif : celui de la paix impossible entre les peuples, de la singularité cassée par les discours totalisants.On pense à ce chant d’Hubert Haddad : Hochéa Meintzel, violoniste meurtri par un attentat, ayant perdu ses illusions, part en voyage et quitte tout ce qu’il aime. Lors de son périple, c’est la puissance des légendes communes et la redécouverte des premiers récits de l’histoire qui vont agir sur lui comme le « chant joyeux de la guérison, le chant précieux de la délivrance ».Ce que l’on nomme cantopoème, c’est la réunion du sens avec le « faire » (poiésis), le rétablissement du verbe agissant, propre à s’opposer au risque généralisé du repli, de l’individualisme, bref de l’isolement contemporain. Face à l’aspiration vers le deuil, le découragement voire vers la décadence, le cantopoème propose une réponse ; une littérature d’une forme inédite, qui allie la puissance des récits fondateurs avec les formes contemporaines de la cantologie. Le poème, humble fabrique, ainsi gagne en poïen, il démultiplie sa puissance, celle du verbe porté par le son. C’est insuffisant en soi et pourtant ce n’est pas rien, cette réponse apportée au défi d’aujourd’hui : celui de renouveler la voie/voix de la communauté de solitaires. Le cantopoème est l’une des réponses de la littérature à la menace totalitaire.Preuve en est cette autre assertion de M. Deguy, selon laquelle « la poésie comme l’amour risque tout sur des signes ». Elle est affaire d’échos, de correspondances baudelairiennes.Une observation du poète d’une « Histoire de bleu » va jusqu’à inaugurer le poème comme « le cérémonial de curieuses noces blanches » : « N’est-il pas curieux d’observer, à la suite des surréalistes, le rôle lyriquement opératoire de la rencontre ? Autrui m’ouvre le monde et me livre instantanément les clefs de moi-même. Celui ou celle dont j’ignore tout vient me faire don de mon espace et de ma figure. Autrui me rend visible et lisible à la fois.»Espérance du chant. Dans le chant. Espérance en l’homme, ainsi que le chante Nougaro sur les mots de Musset.Emprunté au jazz, le titre de ce disque d’ailleurs à lui-seul figure — après les notes cendrées de Celan — le sens de la présente recherche doctorale : retrouver « la note bleue ».Nous nous attacherons à arpenter le terrain d’une matière non révélée, en arpentant ses fondements, son état des lieux, ses enjeux en poésie contemporaine.D’une question : se pourrait-il que l’on doive notre besoin de chant au désir de reprendre la parole ? / In his treatise on poetry, Michel Deguy, to support his conviction that poetry is not solitary, came up with an idea that is both beautiful and realistic: "the stars have arrived!" Our epoch is experiencing an extreme risk: that of giving up the Ideal, an abandon whose expressions reside in a hollow discourse of a hope that is cut off from reality, in nihilism as much as in wishful thinking, in the indifference of the masses as much as in sectarian or terrorist propaganda discourse. In this light, the stars can provide us with something: today, words can still provide us with something. Poetry is concerned about the world. Even better: poetry is not alone (in this concern); it is the "common" part. In a fragmented world, which in turn fragments identities, poetry is a question of links. "Poetry is part of a world that it opens (…) and is between the various parts. In other words, according to Michaux, poetry can be found between the folds. Poetry is "life in the folds." A cantopoem, a tune, music in words: it is all in one and this unity created by the musicality of a poem assembles the pieces. What we call cantopoetry goes beyond a poem that is sung: it is an aptitude that is revived with a force of life, a sense, a dream. Modern personal tragedies are often the signature of the defeat of a symbol: that of the hope of peace among peoples and the singularity broken by a global discourse. One can think of Hubert Haddad's very beautiful novel which recounts the destiny of Hochéa Meintzel who was a violinist hurt by a terrorist attack and after becoming disillusioned, went on a trip and left everything he loved behind. During his trip, the power of folk legends and the rediscovery of the first written narratives will affect him like a "joyous song of healing, a precious song of relief." What one calls a cantopoem is the joining of the meaning with the "action" (poiesis), the reestablishment of verb that acts, likely to ward off the general risk of withdrawal, nihilism, individualism, in short, contemporary isolation. Facing the attraction for mourning, discouragement or even decadence, a cantopoem offers an answer: literature in a new form which reunites both the power of the founding narratives with the contemporary forms of cantology. The poem therefore acquires poïen, it increases its power, that of the verb carried by the sound. The cantopoem becomes a humble maker that creates a prodigious and unexpected effect: a sense maker, a conjunction of individuality with the foundations of the community and the singularity with the whole. This response to today's challenge is in itself insufficient and yet it is considerable: that of renewing the way(voie)/voice(voix) of the community of solitaries. A cantopoem is one of literature's answers to the totalitarian threat. The proof is in Michel Deguy's other assertion that "poetry like love risks everything on symbols". It is a question of echos, of Baudelairen Correspondences. And this other observation by the poet who wrote A “History of Blue” goes to the point of calling the poem as "the rite of […] strange white weddings": "Isn't it curious to observe, like the surrealists, the lyrically operative role of the meeting? Others expose the world to me and instantly give me with the keys to myself." Hope of the song. In the song. Hope in Man, as Nougaro sings with Musset's words. Borrowed from jazz terminology, the name of this record represents in itself – after the ashen notes of the poet Celan – the sense of this doctoral research: find the Blue Note again. We will seek to survey the field of a singular subject by identifying the foundations, by marking out its actual situation and by identifying its stakes in the field of contemporary poetry. One question: do we owe our need to sing to our desire to begin to take the floor again?

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