Au Congo-Kinshasa, la diminution des variétés locales de manioc et la difficulté d’adapter celles fournies par les ONG aux conditions locales de production agricole suscitent des questions sur la façon dont les agronomes et les baloni, semeurs, peuvent coopérer pour maintenir et augmenter le potentiel de vie de cette plante nourricière. Alors que dans les champs-écoles, certains agronomes, privilégiant la pensée arborescente, traitent le manioc uniquement comme un organisme vivant se reproduisant selon ses propres caractéristiques biologiques, au sein des champs familiaux, les baloni s’entourent d’alliés de la vie, ancêtres et génies, et des forces latentes, animales et végétales, qu'ils peuvent éveiller par diverses pratiques. La thèse se propose de comprendre dans quelles mesures ces entrelacements de vies humaines et autres qu’humaines affectent, de manières bénéfiques ou non, humains et plantes. À partir d’une ethnographie des pratiques horticoles des baloni habitant le paysage Maringa-Lopori-Wamba, et en m’appuyant sur l’approche de l’engagement corporel attentif de Tim Ingold, le devenir des humains et du manioc est conceptualisé autour de trois mo(uve)ments vitaux: rencontres transformatrices des lignes de vie; nouages entre champ de manioc, champ social et champ cosmique; tissages des corps visibles et invisibles, affectant et affectés, qui affermissent les forces des humains et des plantes. Cette thèse aide à mieux comprendre ce qui se joue par-delà les projets agricoles dont le savoir est de type naturaliste, à tendance universaliste et dualiste, pour s’intéresser aux pratiques des baloni qui promeuvent au contraire une indissociabilité des co-existences humaines et non humaines.