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Une double subversion de genre(s) chez Nietzsche, ou comment philosopher par le poétiqueDesloover, Elise 12 1900 (has links)
Friedrich Nietzsche fait appel à un nouveau langage au service de la philosophie de l’avenir dans Par-delà le bien et le mal (1886). Son écriture s’en fait l’ostentation là même où elle se refuse à des descriptions explicites jugées trop conceptuellement fixes. Fidèle à une perspective résolument pluridisciplinaire, ce mémoire propose de souligner comment Nietzsche se tient à dessein sur la frontière mouvante entre philosophie et littérature pour mettre en œuvre ces nouveautés. Puisque la complexité du monde s’avère irréductible aux concepts philosophiques traditionnels, il s’agit plutôt d’illustrer ses vérités perspectivistes en ayant recours à la stylisation poétique et joueuse du texte. Ainsi s’expriment et s’élaborent maintes interprétations artistiquement créatrices du réel. La métaphore de la femme filée dans les œuvres de Nietzsche, qui personnifie tour à tour la vérité, la vie et la sagesse, s’avère centrale à cette pensée pleinement affirmative de la réalité. Elle met en scène des personnages féminins d’apparence voilée et pudique, entités qui se dérobent à la saisie conceptuelle tentée par la philosophie. Obéissant au principe de dévoilement de l’alètheia, la visée de celle-ci se compare à l’indécence juvénile du prétendant qui ne saurait s’y prendre pour conquérir l’objet de son amour et par là lui ferait violence.
Nous proposons une exposition chronologico-thématique des diverses occurrences de la métaphore de la femme, enrichie de nombreux parallèles avec les écrits et commentaires de Jacques Derrida, de Sarah Kofman et d’Hélène Cixous. La caractérisation de figures mythologiques féminines (Sphinx, Baubô, Méduse) s’entrelaçant dans les passages étudiés indiquera que les textes de Nietzsche opèrent subrepticement des subversions de genres. La théorie queer de Judith Butler sera mobilisée afin de saisir les subtilités du bouleversement des figures canoniques de la vérité/vie/sagesse-femme et de la philosophie-homme. Il apparaîtra que ces subversions de l’identité de genre sont intimement liées à des subversions du genre textuel. L’interprétation du motif du voile, qui rattache tangiblement la métaphore de la femme à l’acception nietzschéenne du poète-philosophe de l’avenir, montrera que la valorisation des apparences par l’écriture poétique, habituellement perçues comme trompeuses, défie les formes consacrées de l’écriture philosophique et, par conséquent, l’appréhension du réel. / In Beyond Good and Evil (1886), Friedrich Nietzsche proclaims the necessity of a new language serving the philosophy of the future he envisions. While his writing refuses to advocate for explicit descriptions deemed too conceptually fixed, it becomes the ostentation of this new language. Faithful to a resolutely multidisciplinary perspective, this dissertation proposes to underline how Nietzsche’s work purposefully blurs the border between philosophy and literature. Since the complexity of the world is irreducible to traditional philosophical concepts, it is rather a matter of illustrating perspectivist truths through poetic and playful textual stylization. Many artistically creative interpretations of reality are thus expressed and elaborated through writing. Specifically, the metaphor of the woman spun in Nietzsche’s works personifies in turn truth, life and wisdom, and is central to his affirmative philosophy of reality. It depicts veiled, modest female characters, such entities evading philosophy’s attempted conceptual grasp. Obeying aletheia’s (truth’s) principle of unveiling, its aim is comparable to the juvenile indecency of the suitor who knows not how to conquer the object of his love, hence committing acts of violence toward it.
I propose to exhibit chronologically and thematically the various occurrences of the metaphor of the woman, which will then be read in parallel to the works or commentaries by Jacques Derrida, Sarah Kofman and Hélène Cixous. A characterization of certain female mythological figures intertwined in the examined passages (namely the Sphinx, Baubo and Medusa) will indicate that Nietzsche’s texts surreptitiously operate gender subversions. I will call upon Judith Butler’s Queer Theory to grasp in detail the upheaval of that canonical figures represented by truth/life/wisdom-woman and philosophy-man. As a result, these gender identity subversions will appear intimately tied to subversions of the textual genre. An interpretation of the veil motif, by tangibly linking the metaphor of the woman to the Nietzschean meaning of the future poet-philosopher, will show that the valorization of appearances by poetic writing, usually perceived as deceptive, defies the consecrated forms of philosophical writing. Consequently, it has a significant incidence on human beings’ apprehension of reality or realities.
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