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Par-delà l'histoire : regards sur l'identité et la mémoire dans l'œuvre d'Andreï MakineBellemare-Page, Stéphanie 16 April 2018 (has links)
Cette thèse, intitulée "Par-delà l'Histoire : regards sur l'identité et la mémoire dans l'œuvre d'Andreï Makine" propose une analyse originale des rapports entre Histoire, mémoire et littérature dans l'œuvre de cet écrivain français d'origine russe. La thèse dans l'ensemble tend à démontrer que l'univers makinien est marqué à la fois par une emprise et une mise à distance de l'Histoire : aux migrations géographiques et identitaires forcées par l'Histoire se juxtaposent d'autres formes de déterritorialisation, ontologique et poétique, qui projettent les personnages dans un monde différent. L'œuvre, tout en étant ancrée dans l'Histoire, défend une vision idéalisée de l'Art, de l'amour et de la nature, comme territoires du sacré. La première partie, intitulée "Du mythe au mirage : perspectives identitaires", débute par un survol des mythes fondateurs de l'imaginaire franco-russe, explorés sous l'angle de l'histoire de ses dynamiques interculturelles. Les stratégies d'appropriation de cet héritage par Makine sont ensuite analysées à travers des personnages et des symboles "limitrophes", c'est-à-dire à la croisée des mondes français et russe. L'argumentaire de la thèse tend à défendre l'idée que la richesse de l'œuvre réside non seulement dans son biculturalisme mais aussi et surtout dans le rapport à l'identitaire qu'il dévoile, exploré à travers tout un réseau de métaphores optiques ; le regard posé sur l'autre est constamment brouillé par les mirages, les effets-trompeurs, dans un style déroutant pour le lecteur qui peut, à son tour, difficilement échapper aux pièges des illusions que lui tend le narrateur. En résulte une écriture du doute qui marque de façon indélébile, dans toute l'œuvre de Makine, la rencontre de l'altérité. La deuxième partie, "De l'indicible à l'innommable : les voix de la beauté et de la violence", propose une lecture diachronique de l'œuvre et s'attarde à la notion de "surconscience linguistique" (Gauvin), qui s'exprime chez Makine par une focalisation sur la voix et renonciation. Cette analyse met en lumière les rapports de domination entre les différentes formes de discours (idéologique, individuel, collectif, etc.). L'objectif est de montrer comment, chez Makine, l'Histoire, le collectif, s'interpose dans les rapports humains et forme une entrave à l'expression des personnages, confondue avec une voix persécutrice intériorisée ou un discours hégémonique dominant. Ces voix sont des obstacles à la constitution de l'ethos discursif des personnages, qui tend à se renforcer au fil de l'œuvre jusqu'à devenir une parole forte, signifiante, résistante. Contre une pensée obstruée par les mécanismes qui la gouvernent, l'intertextualité joue le rôle de réfèrent qui occupe une large part de l'espace symbolique des premiers romans. Or, cette fonction de l'intertextualité est remise en question dans les dernières œuvres de l'écrivain, où l'on observe une confrontation entre une figure d'écrivain de plus en plus assumée et diverses formes d'autorité telles que l'institution, la loi ou l'éditeur. La troisième partie, "Histoire, mémoire, filiations" porte sur la philosophie de l'Histoire chez Makine, sur l'exercice de la mémoire et les configurations temporelles du roman. L'analyse de la représentation de l'Histoire dans le roman makinien tend à démontrer que celle-ci est tributaire d'une mémoire directe ou indirecte de la dictature et la guerre, et a comme fonction dans le roman de bouleverser les destinées humaines. Ce constat conduit à la compréhension du projet poétique de l'écrivain, qui vise à combattre l'instrumentalisation de l'Homme par les idéologies pour mettre en lumière la singularité de chaque vie humaine. On en conclut que la mémoire mythifiée constitue une narration alternative à un discours hégémonique omnipotent, et vient panser les blessures du passé et du présent. Contre une représentation de l'Histoire dont la marche semble inexorable, le personnage makinien survivra grâce à la reterritorialisation dans un espace poétique et atemporel, voire sacré. En bout de ligne, c'est l'Histoire qui est instrumentalisée par le roman, où elle est à la fois omniprésente et rejetée, et devient une véritable métaphore de la condition humaine.
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