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Une histoire japonaise de la névrose. La phobie interpersonnelle (taijinkyōfu) 1930-1970. Émergence, développement et circulation d’un diagnostic psychiatrique / A Japanese History of neurosis. Interpersonal phobia (taijinkyōfu) 1930-1970. Emergence, development and circulation of a psychiatric diagnosis

Terrail Lormel, Sarah 15 December 2018 (has links)
La « phobie interpersonnelle » (taijinkyōfu ou taijin kyōfushō) est définie par la psychiatrie japonaise comme une angoisse qui se manifeste en présence d’autres personnes et peut prendre des formes variées telles que la conviction de rougir excessivement, d’avoir un regard anormal, un aspect physique inesthétique, d’émettre une odeur nauséabonde, etc. ; elle provoque une inquiétude quant au fait de susciter le mépris, le rejet ou d’être source de désagrément, et conduit à l’évitement des relations interpersonnelles. Cette entité nosographique, formulée au Japon dans les années 1930, y a depuis lors fait l’objet d’une riche pratique clinique et d’abondantes recherches. L’idée que cette pathologie mentale y serait particulièrement fréquente et reflèterait des caractères spécifiques de la société et de la culture japonaises a longtemps été entretenue par les psychiatres japonais, et c’est ce motif qui a attiré l'attention des psychiatres, mais également des anthropologues étrangers sur ce concept. Dans les années 1990, la phobie interpersonnelle apparaît comme un «syndrome lié à la culture» dans les taxinomies psychiatriques internationales, en même temps que l’idée de la spécificité culturelle du taijinkyōfu s’affaiblit progressivement au Japon. C’est l’histoire particulière de ce concept que ce travail vise à retracer. Au croisement de l’histoire de la psychiatrie et de l’histoire des idées, nous cherchons à comprendre les facteurs théoriques, cliniques et idéologiques qui ont contribué à l’émergence et à la prospérité du concept de phobie interpersonnelle dans la psychiatrie japonaise. En repartant des origines euro-américaines au XIXe siècle du concept d’éreuthophobie, archétype de ce qui deviendra la phobie interpersonnelle, nous décrivons l’émergence du concept de taijinkyōfu, formulé par le psychiatre Morita Shōma (ou Masatake) dans les années 1930, puis analysons ses développements théoriques dans les années 1960-1970. / “Interpersonal phobia” (taijinkyōfu ou taijin kyōfushō) is defined in Japanese psychiatry as a form of anxiety that manifests itself in the presence of other people and can take various forms, such as the belief that one blushes excessively, or has an abnormal gaze, or an unsightly physical appearance, or that one's body produces a foul odor, etc.; it causes concern about being contempted, rejected or being an annoyance to others, and leads to avoidance of interpersonal relationships. This nosological entity, formulated in Japan in the 1930s, has since been the subject of a rich clinical practice and abundant research. The idea that this mental condition is particularly frequent and reflects specific characteristics of Japanese society and culture has long been maintained by Japanese psychiatrists, and this very reason has attracted the attention of foreign psychiatrists and anthropologists on this concept. In the 1990s, interpersonal phobia emerged as a “culture-bound syndrome” in international psychiatric nosologies, and at the same time the idea of taijinkyōfu's cultural specificity was gradually weakening in Japan. This work aims to trace out the particular history of this concept. At the intersection of the history of psychiatry and the history of ideas, we seek to understand the theoretical, clinical and ideological factors that have contributed to the emergence and prosperity of the concept of interpersonal phobia in Japanese psychiatry. Starting from the nineteenth-century Euro-American origins of the concept of ereuthophobia, the archetype of what will become interpersonal phobia, we describe the emergence of the concept of taijinkyōfu, formulated by the psychiatrist Morita Shōma (or Masatake) in the 1930s, and then analyze its theoretical developments in the 1960s and 1970s.

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