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L’émir Abdelkader et la franc-maçonnerie française : de l’engagement (1864) au renoncement (1877)

Kebache, Mouloud 11 1900 (has links)
Figure majeure de l’histoire des relations coloniales franco-algériennes, l’émir Abdelkader est généralement présenté par ses compatriotes comme le modèle politique, militaire et religieux du résistant au colonialisme français du 19ième siècle. L’historiographie officielle algérienne en véhicule l’image du chef religieux qui a initié al-jihad de résistance conforme aux règles exotériques de la chari’ia. Il est décrit comme un guerrier loyal et magnanime, fin stratège, dont la défaite militaire a paradoxalement marqué la fondation de l’Algérie moderne en tant que Nation et État. La construction sociopolitique postcoloniale de ce mythe a permis de légitimer les différents régimes politiques, qui se sont succédé dans l’Algérie indépendante et qui ont toujours tenu, dans le cadre d’une lecture littérale de l’Islam. Ceci dans le but de taire la dimension spirituelle d’Abdelkader disciple, héritier et commentateur de l’œuvre du magister Magnus soufi, IbnʻArabî. Fascinés dès le début de l’occupation par cet adversaire hors du commun, les français, de plus en plus sécularisés, en ont érigé une image utilitaire, l’aliénant ainsi de ses compatriotes coreligionnaires et le découplant de sa foi islamique. Les mémoires concurrentes de l’ancienne puissance coloniale et de son ex-colonie, l’Algérie, ont généré plusieurs débats contemporains en ce qui a trait à l’écriture de l’histoire de la colonisation. Le personnage d’Abdelkader a été instrumentalisé par les uns et les autres. Deux évènements controversés de sa biographie sont devenus les objets d’une polémique souvent âpre et amère entre auteurs chercheurs algériens et français : l’adhésion de l’émir à la franc-maçonnerie française et sa séparation d’avec celle-ci. Nous allons présenter que la prémisse d’auteurs algériens, selon laquelle Abdelkader n’aurait pas pu adhérer au Grand Orient de France, pour cause d’incompatibilité doctrinale musulmane, est inconsistante. Nous essayerons de démontrer au contraire, que son initiation à la maçonnerie telle qu’elle s’était présentée à lui était en accord avec sa vision soufie et légaliste du dogme islamique. En nous basant sur le choix de la franc-maçonnerie française pour la laïcité au moment de la réception supposée de l’émir dans la fraternité, nous montrerons qu’il s’en éloigna pour des raisons de doctrine islamique. En effet, l’élimination de toute référence déiste des textes constitutifs du Grand Orient de France fut inacceptable pour le musulman qu’était Abdelkader, vaincu militairement mais raffermi spirituellement par sa proximité grandissante avec son maître spirituel IbnʻArabî. L’humanisme des francs-maçons français avait motivé une refondation basée sur les droits de l’homme issus de la révolution française. Tandis que celui de l’émir Abdelkader prenait sa source dans l’Unicité de l’Être, concept-cadre Akbarien de la compréhension de la relation de Dieu avec ses créatures. Nous allons montrer que les polémiques franco-algériennes sur les relations d’Abdelkader avec la franc-maçonnerie française, masquent un autre débat de fond qui dure depuis des siècles dans le monde musulman. Un débat opposant deux herméneutiques légalistes des textes islamiques, l’une exotérique s’incarnant dans l’œuvre du théologien musulman Ibn Taymiyya et l’autre ésotérique se trouvant au cœur des écrits du mystique IbnʻArabî. / A major figure in the history of Franco-Algerian colonial relations Emir Abd-el-Kader is usually presented by his countrymen as the political, military and religious model of resistance to French colonialism in the 19th century. The official Algerian historiography conveys the image of Abd-el-Kader as the religious leader who launched a jihad resistance complying with the exoteric rules of sharî’a, loyal and magnanimous warrior, strategist, whose military defeat ironically marks the founding of modern Algeria as a nation and state. The postcolonial sociopolitical construction of this myth has helped to legitimize the different political regimes that have succeeded in independent Algeria that have under an exoteric reading of Islam, always silenced the spiritual dimension of Abd-el-Kader disciple-heir and commentator on the work of magister Magnus Sufi IbnʻArabî. Fascinated since the beginning of their colonization by this uncommon enemy the increasingly secularized French built a of Abd-el-Kader utilitarian image alienating his fellow countrymen. As this image took shape, it increasingly decoupled Abd-el-Kader from his Islamic faith. Competing memories between the former colonial power and its former colony have generated several contemporary debates in regard to writing the history of colonization. The character of Abd-el-Kader was exploited by all sides. Two controversial events of his biography have become the subject of often rough and bitter controversy between Algerian and French authors-researchers: the accession of the Amir to the French Freemasonry and his separation from it. In this thesis, we demonstrate that Algerian authors' premise that Abd-el-Kader could not have joined the Grand Orient de France because of a supposed incompatibility with Islamic doctrinal concerns is in contradiction with his initiation into Masonry as it was presented to him, when it was still in agreement with his legalistic and mystical vision of Islamic dogma. Basing our analysis careful periodization of the process of secularization of French Freemasonry during the period of the alleged reception of the Emir into the masonry, we show that he later withdrew from it for reasons of Islamic doctrine. The elimination of any deist reference in texts constituting the Grand Orient de France subsequent to Abd-el-Kader’s entrance could only make his participation eventually unacceptable as a Muslim defeated militarily but humanist spiritually strengthened by his growing proximity with his spiritual master IbnʻArabî. French Freemasonry had carried out an overhaul based on human rights stemining from the French Revolution, while Emir Abd-el-Kader is humanism had its source in the Unity of Being which is the Akbarian conceptual framework of understanding the relationship of God with its creatures. We show that Franco-Algerian controversies regarding Abd-el-Kader’s relations to French Freemasonry mask another substantive debate that has lasted for centuries in the Muslim world: that of two legalistic hermeneutics of Islamic texts, one exoteric embodied in the work of the famous Muslim theologian Ibn Taymiyya and the other at the heart of esoteric writings of the mystic IbnʻArabî.
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L’émir Abdelkader et la franc-maçonnerie française : de l’engagement (1864) au renoncement (1877)

Kebache, Mouloud 11 1900 (has links)
Figure majeure de l’histoire des relations coloniales franco-algériennes, l’émir Abdelkader est généralement présenté par ses compatriotes comme le modèle politique, militaire et religieux du résistant au colonialisme français du 19ième siècle. L’historiographie officielle algérienne en véhicule l’image du chef religieux qui a initié al-jihad de résistance conforme aux règles exotériques de la chari’ia. Il est décrit comme un guerrier loyal et magnanime, fin stratège, dont la défaite militaire a paradoxalement marqué la fondation de l’Algérie moderne en tant que Nation et État. La construction sociopolitique postcoloniale de ce mythe a permis de légitimer les différents régimes politiques, qui se sont succédé dans l’Algérie indépendante et qui ont toujours tenu, dans le cadre d’une lecture littérale de l’Islam. Ceci dans le but de taire la dimension spirituelle d’Abdelkader disciple, héritier et commentateur de l’œuvre du magister Magnus soufi, IbnʻArabî. Fascinés dès le début de l’occupation par cet adversaire hors du commun, les français, de plus en plus sécularisés, en ont érigé une image utilitaire, l’aliénant ainsi de ses compatriotes coreligionnaires et le découplant de sa foi islamique. Les mémoires concurrentes de l’ancienne puissance coloniale et de son ex-colonie, l’Algérie, ont généré plusieurs débats contemporains en ce qui a trait à l’écriture de l’histoire de la colonisation. Le personnage d’Abdelkader a été instrumentalisé par les uns et les autres. Deux évènements controversés de sa biographie sont devenus les objets d’une polémique souvent âpre et amère entre auteurs chercheurs algériens et français : l’adhésion de l’émir à la franc-maçonnerie française et sa séparation d’avec celle-ci. Nous allons présenter que la prémisse d’auteurs algériens, selon laquelle Abdelkader n’aurait pas pu adhérer au Grand Orient de France, pour cause d’incompatibilité doctrinale musulmane, est inconsistante. Nous essayerons de démontrer au contraire, que son initiation à la maçonnerie telle qu’elle s’était présentée à lui était en accord avec sa vision soufie et légaliste du dogme islamique. En nous basant sur le choix de la franc-maçonnerie française pour la laïcité au moment de la réception supposée de l’émir dans la fraternité, nous montrerons qu’il s’en éloigna pour des raisons de doctrine islamique. En effet, l’élimination de toute référence déiste des textes constitutifs du Grand Orient de France fut inacceptable pour le musulman qu’était Abdelkader, vaincu militairement mais raffermi spirituellement par sa proximité grandissante avec son maître spirituel IbnʻArabî. L’humanisme des francs-maçons français avait motivé une refondation basée sur les droits de l’homme issus de la révolution française. Tandis que celui de l’émir Abdelkader prenait sa source dans l’Unicité de l’Être, concept-cadre Akbarien de la compréhension de la relation de Dieu avec ses créatures. Nous allons montrer que les polémiques franco-algériennes sur les relations d’Abdelkader avec la franc-maçonnerie française, masquent un autre débat de fond qui dure depuis des siècles dans le monde musulman. Un débat opposant deux herméneutiques légalistes des textes islamiques, l’une exotérique s’incarnant dans l’œuvre du théologien musulman Ibn Taymiyya et l’autre ésotérique se trouvant au cœur des écrits du mystique IbnʻArabî. / A major figure in the history of Franco-Algerian colonial relations Emir Abd-el-Kader is usually presented by his countrymen as the political, military and religious model of resistance to French colonialism in the 19th century. The official Algerian historiography conveys the image of Abd-el-Kader as the religious leader who launched a jihad resistance complying with the exoteric rules of sharî’a, loyal and magnanimous warrior, strategist, whose military defeat ironically marks the founding of modern Algeria as a nation and state. The postcolonial sociopolitical construction of this myth has helped to legitimize the different political regimes that have succeeded in independent Algeria that have under an exoteric reading of Islam, always silenced the spiritual dimension of Abd-el-Kader disciple-heir and commentator on the work of magister Magnus Sufi IbnʻArabî. Fascinated since the beginning of their colonization by this uncommon enemy the increasingly secularized French built a of Abd-el-Kader utilitarian image alienating his fellow countrymen. As this image took shape, it increasingly decoupled Abd-el-Kader from his Islamic faith. Competing memories between the former colonial power and its former colony have generated several contemporary debates in regard to writing the history of colonization. The character of Abd-el-Kader was exploited by all sides. Two controversial events of his biography have become the subject of often rough and bitter controversy between Algerian and French authors-researchers: the accession of the Amir to the French Freemasonry and his separation from it. In this thesis, we demonstrate that Algerian authors' premise that Abd-el-Kader could not have joined the Grand Orient de France because of a supposed incompatibility with Islamic doctrinal concerns is in contradiction with his initiation into Masonry as it was presented to him, when it was still in agreement with his legalistic and mystical vision of Islamic dogma. Basing our analysis careful periodization of the process of secularization of French Freemasonry during the period of the alleged reception of the Emir into the masonry, we show that he later withdrew from it for reasons of Islamic doctrine. The elimination of any deist reference in texts constituting the Grand Orient de France subsequent to Abd-el-Kader’s entrance could only make his participation eventually unacceptable as a Muslim defeated militarily but humanist spiritually strengthened by his growing proximity with his spiritual master IbnʻArabî. French Freemasonry had carried out an overhaul based on human rights stemining from the French Revolution, while Emir Abd-el-Kader is humanism had its source in the Unity of Being which is the Akbarian conceptual framework of understanding the relationship of God with its creatures. We show that Franco-Algerian controversies regarding Abd-el-Kader’s relations to French Freemasonry mask another substantive debate that has lasted for centuries in the Muslim world: that of two legalistic hermeneutics of Islamic texts, one exoteric embodied in the work of the famous Muslim theologian Ibn Taymiyya and the other at the heart of esoteric writings of the mystic IbnʻArabî.

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