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L'église et le sport au Québec à la lumière du concept d'acculturationBoileau, Roger 12 April 2018 (has links)
La place centrale accordée à l'Église dans la sociologie et l'historiographie du Canada français contraste avec le peu d'attention consacrée à son rôle d'agent de socialisation envers la culture corporelle. Cette étude s'inscrit à la croisée de la sociologie du changement social, de la sociologie religieuse et de la sociologie du sport. Elle s'intéresse plus particulièrement aux rapports de l'Église envers le sport, pratique corporelle d'origine britannique. Elle cherche à démontrer (a) que ces rapports ne se résument pas au refus, comme le prétendent les commentateurs du début de la Révolution tranquille et (b) la pertinence du processus d'acculturation comme grille d'analyse. L'auteur explore d'abord la variété des liens entre le phénomène religieux et les pratiques corporelles agonistiques. Il s'attarde ensuite à l'utilisation du sport comme jeu, appât puis outil de socialisation par les institutions religieuses d'ici, et ce à partir d'une grille d'analyse des constantes associées au processus d'acculturation défini comme un mode d'interaction particulier qui s'enclenche lorsque deux cultures différentes doivent vivre en contact permanent. L'inévitable échange de traits culturels aboutit habituellement à l'une ou l'autre des trois avenues suivantes : l'assimilation du trait culturel étranger concerné ou le développement d'une culture métissée ou encore la contre-acculturation. La définition du sport de Donald Guay a été retenue afin de distinguer les manifestations de sport des autres pratiques corporelles et éviter une contamination des genres. L'analyse diachronique prend appui sur une vaste documentation couvrant les périodes de la Nouvelle-France à la Révolution tranquille pour établir d'abord le caractère unique et étranger des pratiques sportives britanniques transplantées ici, ce qui permet d'aborder le sujet en termes de processus d'acculturation, analyser ensuite les variantes du discours clérical sur le sport et finalement caractériser les pratiques corporelles dans huit milieux cléricaux de nature éducatif, caritatif ou festif. Les constantes issues du concept de l'acculturation s'avèrent pertinentes pour expliquer la polyvalence du discours clérical envers le sport. Un premier courant, du contact initial de 1760 jusqu'à 1850, se caractérise par «l'indifférence» de l'Église envers le sport qui se présente essentiellement sous la forme de courses de chevaux, de cricket, de curling et de jeux athlétiques réunissant des officiers et bourgeois britanniques et écossais. Un second courant, de 1850 jusqu'à la Révolution tranquille, exprime une «opposition» de plus en plus articulée. L'Église critique d'abord certaines conséquences des manifestations sportives puis des éléments fondamentaux du sport lui-même qui heurtent ses valeurs. Les témoignages les plus fréquents de ce courant s'observent entre 1900 et 1950. Un troisième courant, dit de «sélection», présente un discours religieux qui s'approprie le sport à partir des valeurs dominantes du foyer culturel de la société canadienne-française. Il s'étend de 1870 à la Révolution tranquille, chevauchant la période précédente et exprimant l'ambivalence d'une Église qui à la fois critique et sélectionne. Les décennies les plus actives sont celles de 1920 à 1950. Un quatrième courant exprimant «l'acceptation» du sport par l'Église apparaît modestement au début du XXe siècle et s'intensifie jusqu'à la fin de la Révolution tranquille. Il renferme des expressions essentiellement positives envers le sport considéré dorénavant comme un outil pédagogique particulièrement utile à la formation physique et morale des jeunes à l'école et en situation de loisir. Les décennies de 1940 à 1970 en sont les plus actives. Les rapports de l'Église et du sport ne se présentent pas seulement sous la forme d'un discours mais aussi sous la forme de pratiques corporelles concrètes. La pénétration du sport dans les institutions religieuses profite de deux brèches importantes : d'une part la conception hylémorphique de l'homme incite l'Église à se préoccuper de la santé, d'autre part le sport se confond avec le jeu, l'outil pédagogique privilégié d'occupation du temps libre. Ainsi, sous le couvert du jeu et des préoccupations de santé les sports britanniques pénètrent les œuvres religieuses et imposent progressivement leurs exigences. Ils apparaissent d'abord dans certains collèges classiques et les Jeux athlétiques associés aux fêtes patriotiques, ouvrières et religieuses (1850-1860), ensuite parmi les activités des cercles (1860) et les activités ludiques des étudiants de l'Université Laval (1890), au sein de l'Oeuvre des patronages (1920) et de l'Oeuvre des terrains de jeux (1920-1930) et finalement dans les salles et centres paroissiaux (1930-1940).
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