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Bases écologiques et moléculaires de la diversification adaptative chez Escherichia coli / Ecological and molecular bases of adaptive diversification in Escherichia coliConsuegra Bonilla, Jessika 13 December 2016 (has links)
Les événements de diversification adaptative sont des éléments primordiaux de l'évolution. En effet, ils engendrent des innovations phénotypiques telles que la colonisation de nouvelles niches écologiques et au final, la spéciation. Afin d'étudier les ressorts écologiques et moléculaires de la diversification adaptative, nous utilisons la plus longue des expériences d'évolution en cours. Depuis 1988, soit plus de 60 000 générations, douze populations indépendantes issues d'un ancêtre commun d'Escherichia coli sont propagées quotidiennement dans un milieu minimum comportant une faible quantité de glucose.Un événement unique de diversification s'est produit dans une des 12 populations (Ara–2). Deux lignées de phénotypes différents sont apparues après environ 6500 générations, les S pour «Small» et les L pour «Large», chacune présentant des tailles cellulaires différentes. Les deux lignées coexistent grâce à une sélection négative dépendant de la fréquence qui favorise la lignée la plus rare et permet de supplanter sa concurrente; ainsi, aucune des deux lignées ne s'éteint. Avant l’événement de diversification, la population Ara–2 a développé un phénotype hypermutateur suite à la mutation d'un gène de réparation de l'ADN. L'objectif de cette thèse est de caractériser les mécanismes écologiques, physiologiques et moléculaires sous-tendant l'émergence et la coexistence des lignées S et L.En premier lieu, nous avons utilisé un ensemble d'expériences d'évolution in vivo et in silico afin de déterminer les moteurs écologiques et physiologiques de l'émergence de ce polymorphisme. Plusieurs mécanismes écologiques, incluant les compromis (trade-off évolutifs), la saisonnabilité et les déplacements de caractères interviennent dans l'émergence et la persistance de la diversité au long terme. Nous avons montré que la lignée L, en produisant de l'acétate, créait une nouvelle opportunité écologique exploitée par les S. De plus, au cours du temps, les S et les L s'adaptent à leur niche écologique, respectivement l'acétate et le glucose.En second lieu, nous avons cultivé les S et les L séparément pour éliminer la compétition entre les deux lignées. Dans ces conditions, il y a perte des interactions dépendantes de la fréquence entre les S et les L. Ceci démontre l'importance de la compétition dans le maintien du polymorphisme.En troisième lieu, nous avons combiné des approches génétiques, physiologiques et biochimiques pour déterminer le rôle, dans l'émergence du polymorphisme, d'une mutation spécifique aux S survenant dans le gène arcA, codant un régulateur global. Nous avons montré que l'allèle évolué de arcA augmentait la transcription de gènes du métabolisme de l'acétate dans la lignée S. Au cours de cette étude, nous avons identifié une mutation supplémentaire dans le gène acs, impliqué dans le métabolisme de l'acétate, intervenant dans l'émergence de la lignée S. Nous avons aussi démontré que ces deux mutations étaient favorables à la lignée S au début de son émergence, puis que des mutations plus tardives agissaient de façon épistatiques avec les allèles évolués de acs et de arcA. Ainsi, ces résultats démontrent que l'établissement et le maintien du polymorphisme des S et des L est un processus en plusieurs étapes nécessitant des interactions épistatiques entre plusieurs mutations.En quatrième lieu, nous avons identifié la dynamique au long terme des taux de mutations dans cette population. L'apparition et l'invasion rapide du phénotype hypermutateur est suivie d'une réversion complète mais indépendante dans chacune des lignées S et L.L'émergence d'un polymorphisme bactérien durable reflète une restructuration complexe des réseaux métaboliques et de régulation dans ces lignées qui co-existent, ce qui aboutit à l'apparition et à l'exploitation de nouvelles opportunités écologiques. La compétition et l'évolution de l'utilisation de ressources différentes sont des forces sélectives permettant le maintien du polymorphisme. / Diversification events are central issues in evolution since they generate phenotypic innovation such as colonization of novel ecological niches and, ultimately, speciation. To study the ecological and molecular drivers of adaptive diversification, we used the longest still-running evolution experiment. Twelve independent populations are propagated in a glucose limited minimal medium from a common ancestor of Escherichia coli by serial daily transfers since 1988 for more than 60,000 generations. In one of the twelve populations, called Ara–2, a unique diversification event occurred: two phenotypically-differentiated lineages, named S (Small) and L (Large) according to their cell size, emerged from a common ancestor at ~ 6500 generations. The two lineages co-exist ever since, owing to negative frequency-dependent selection whereby each lineage is favored and invades the other when rare, such that no lineage gets extinct. Moreover, and before the split between the two S and L lineages, the population Ara–2 evolved a hypermutator phenotype, owing to a defect in a DNA repair gene. The objective of this thesis is to characterize the ecological, physiological and molecular mechanisms that allowed the emergence and stable co-existence of the S and L lineages.First, we used a combination of in vivo and in silico experimental evolution to determine the ecological and physiological drivers of the emergence of the polymorphism. Several ecological mechanisms including tradeoff, seasonality and character displacement are involved in the emergence and long-term persistence of diversity. In particular, we showed that the L lineage secretes acetate which generates a new ecological opportunity that the S lineage exploited. In addition, the S and L lineages became fitter and fitter over time in their respective ecological niches, respectively acetate and glucose. Second, we propagated S and L clones separately to remove competition between the two lineages. In these conditions, frequency-dependent interactions between the S and L clones evolved separately were completely abolished, revealing the importance of competition in the maintenance of the polymorphism. Third, we combined genetic, physiological and biochemical approaches to determine the role of an S-specific mutation that was previously found in arcA, encoding a global regulator, in the emergence of the S and L polymorphism. We showed that the evolved arcA allele conferred to the S lineage the capacity to growth on acetate by increasing the transcription of target genes involved in acetate consumption. During this study, we found an additional mutation, in the acs gene involved in acetate metabolism, that was also involved in the emergence of the S lineage. We further showed that these two mutations were favorable to the S lineage early during its emergence, and that other mutations occurred later that interacted epistatically with the acs and arcA evolved alleles. Therefore, these data showed that the establishment and further maintenance of the S and L polymorphism was a multi-step process involving epistatic interactions between several mutations. Fourth, we identified the long-term dynamics of mutation rates in this divergent population. A first early rise of a hypermutator was followed by a full reversion of this mutator state twice independently in each of the two S and L lineages.The emergence of a long-term bacterial polymorphism reflects a complex restructuration of the metabolic and regulatory networks in the co-existing lineages, resulting in the generation and exploitation of a new ecological opportunity. Competition and evolution of divergent resource consumption were the selective forces driving the maintenance of the polymorphism.
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Étude de l'évolution des micro-organismes bactériens par des approches de modélisation et de simulation informatique / Studying the evolution of bacterial micro-organisms by modeling and numerical simulation approachesRocabert, Charles 17 November 2017 (has links)
Variation et sélection sont au coeur de l'évolution Darwinienne. Cependant, ces deux mécanismes dépendent de processus eux-mêmes façonnés par l'évolution. Chez les micro-organismes, qui font face à des environnements souvent variables, ces propriétés adaptatives sont particulièrement bien exploitées, comme le démontrent de nombreuses expériences en laboratoire. Chez ses organismes, l'évolution semble donc avoir optimisé sa propre capacité à évoluer, un processus que nous nommons évolution de l'évolution (EvoEvo). La notion d'évolution de l'évolution englobe de nombreux concepts théoriques, tels que la variabilité, l'évolvabilité, la robustesse ou encore la capacité de l'évolution à innover (open-endedness). Ces propriétés évolutives des micro-organismes, et plus généralement de tous les organismes vivants, sont soupçonnées d'agir à tous les niveaux d'organisation biologique, en interaction ou en conflit, avec des conséquences souvent complexes et contre-intuitives. Ainsi, comprendre l'évolution de l'évolution implique l'étude de la trajectoire évolutive de micro-organismes — réels ou virtuels —, et ce à différents niveaux d'organisation (génome, interactome, population, …). L'objectif de ce travail de thèse a été de développer et d'étudier des modèles mathématiques et numériques afin de lever le voile sur certains aspects de l'évolution de l'évolution. Ce travail multidisciplinaire, car impliquant des collaborations avec des biologistes expérimentateur•rice•s, des bio-informaticien•ne•s et des mathématicien•ne•s, s'est divisé en deux parties distinctes, mais complémentaires par leurs approches : (i) l'extension d'un modèle historique en génétique des populations — le modèle géométrique de Fisher — afin d'étudier l'évolution du bruit phénotypique en sélection directionnelle, et (ii) le développement d'un modèle d'évolution in silico multi-échelles permettant une étude plus approfondie de l'évolution de l'évolution. Cette thèse a été financée par le projet européen EvoEvo (FP7-ICT-610427), grâce à la commission européenne. / Variation and selection are the two core processes of Darwinian Evolution. Yet, both are directly regulated by many processes that are themselves products of evolution. Microorganisms efficiently exploit this ability to dynamically adapt to new conditions. Thus, evolution seems to have optimized its own ability to evolve, as a primary means to react to environmental changes. We call this process evolution of evolution (EvoEvo). EvoEvo covers several aspects of evolution, encompassing major concepts such variability, evolvability, robustness, and open-endedness. Those phenomena are known to affect all levels of organization in bacterial populations. Indeed, understanding EvoEvo requires to study organisms experiencing evolution, and to decipher the evolutive interactions between all the components of the biological system of interest (genomes, biochemical networks, populations, ...). The objective of this thesis was to develop and exploit mathematical and numerical models to tackle different aspects of EvoEvo, in order to produce new knowledge on this topic, in collaboration with partners from diverse fields, including experimental biology, bioinformatics, mathematics and also theoretical and applied informatics. To this aim, we followed two complementary approaches: (i) a population genetics approach to study the evolution of phenotypic noise in directional selection, by extending Fisher's geometric model of adaptation, and (ii) a digital genetics approach to study multi-level evolution. This work was funded by the EvoEvo project, under the European Commission (FP7-ICT-610427).
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