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Aller-retour : l’incidence des pratiques et rituels de socialité sur le parcours migratoire des immigrants français au QuébecBlais, Pierre 11 1900 (has links)
Le phénomène du retour des immigrants dans leur pays d’origine est relativement peu étudié. Le plus souvent, les causes de ce phénomène sont ramenées à des facteurs économiques. Dans cette perspective, les immi- grants qui éprouvent le plus de difficultés à se trouver un emploi ou qui occupent un emploi de mauvaise qualité seraient les plus enclins à retourner dans leur pays d’origine. Cette explication ne semble toutefois pas s’appliquer au cas des immigrants français installés au Québec. Ces derniers dis- posent d’une bonne qualité de vie et sont généralement très bien intégrés au marché de l’emploi local. Étrangement, ils sont aussi parmi les immigrants les plus nombreux à quitter cette province canadienne. On peut déduire des témoignages laissés sur les médias sociaux que ces immigrants quitteraient la Belle Province des suites d’un sentiment de frustration et d’un profond mécontentement à l’égard de la culture locale. Pourtant, les immigrants français toujours présents au Québec disent en apprécier la culture d’ouverture et de liberté. Cet apparent paradoxe s’expliquerait selon moi par des variations dans les pratiques et les rituels de socialité entre les deux sociétés. La démarcation entre le public et le privé serait plus floue au Québec. On n’y trouverait pas de système aussi bien organisé et compartimenté qu’en France et, que ce soit en public ou en privé, les mêmes formes de socialité seraient indistinctement utilisées. Mes données laissent entendre que cette socialité indifférenciée et floue poserait de nombreuses difficultés sur le plan personnel aux immigrants français. La plus importante de ces difficultés concerne la rapidité avec laquelle certains comportements considérés comme privés et marqueurs d’intimité en France sont exhibés au Québec. Sans être foncièrement incompatible avec le système français, cette variation viendrait donner l’impression aux immigrants français qu’ils ont quitté un mode de socialité où les liens interpersonnels sont établis graduellement et en respectant des façons de faire bien déterminées pour intégrer un système extrêmement ouvert où l’intimité apparait se nouer dès les premiers moments de la relation. Bien qu’en apparence mineure, cette différence serait lourde de conséquences. Mes résultats ont montré que cette « familiarité » laisserait de nombreux immigrants français incertains quant à la consistance de leurs relations avec des Québécois. Plus précisément, cette familiarité les amènerait à présumer d’une certaine « solidité » dans leurs rap- ports avec leur contrepartie québécoise. Seule l’expérience leur permettrait de constater la « liquidité » de ces liens. Cette prise de conscience se ferait souvent dans la douleur, engendrant une forme de malaise qui pourrait déboucher sur un profond ressentiment à l’égard des Québécois, de la culture québécoise et du Québec en général. C’est ce malaise et non des facteurs économiques qui — selon moi — initierait chez ces immigrants le désir de quitter le Québec et de retourner en France. / The phenomenon of the return of immigrants to their country of origin has been little studied. Most often, the causes of this phenomenon are reduced to economic factors. In this perspective, unemployed immigrants or immi-grants who occupy poor quality jobs are the most likely to return to their country of origin. This explanation does not appear to apply in the case of French immigrants settled in Quebec. These immigrants have a good quality of life and are generally well integrated into the local employment market. Strangely, they figure also amongst the first groups of immigrants to leave the province. The testimonies left on social media suggest that these immi-grants leave the Belle Province due to frustration and a deep dissatisfaction with the local culture. Yet the French immigrants still present in Quebec say that they appreciate its culture of openness and freedom. This apparent paradox could be explained by variations in the practices and rituals of so-ciality of those two societies. The line between public and private would be blurrier in Quebec. It would not have a system as well organized and, whether in public or private, the same forms of sociality would be use indis-criminately. My data suggest that this undifferentiated sociality poses many difficulties on a personal level to those immigrants. The most important of these challenges concerns how quickly conducts that are considered to be markers of privacy and intimacy in France are exhibited in Quebec. Without being fundamentally incompatible with the French system, this variation would give the impression to French immigrants that they left a form of so-ciality where interpersonal relationships are established through time and incorporated an extremely open system where privacy appears to be estab-lish through the first moments of the encounter. Although seemingly minor, that difference would have serious consequences. My results have shown that this "intimacy" would leave many French immigrants incertain of the consistency of their relations with Quebecers. Specifically, this familiarity would lead them to assume a certain "solidity" in their relations with their Quebec’s counterpart. Only experience will enable them to see the "liquidity" of those links. This recognition would often occur in pain, causing discomfort that could lead to a deep resentment against Quebecers, Quebec’s culture and Quebec in general. It is this discomfort rather than economic factors — in my opinion — that would initiate among these immigrants the desire to leave Quebec and return to France.
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