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Phénoménologie linguistique, mutisme des sens et normativité chez John L. Austin

Dumas-Dubreuil, Pascal-Olivier 08 1900 (has links)
Nombre de travaux contemporains en philosophie de la perception s’inspirent de l’ouvrage Sense and Sensibilia du philosophe anglais John L. Austin (1911-1960). En examinant le langage ordinaire pour reconnaître la diversité des phénomènes perceptifs, Austin vise entre autres à démontrer l’impossibilité de les réduire aux catégories métaphysiques traditionnelles. Charles Travis est de ceux qui se sont risqués à réinvestir la phénoménologie linguistique d’Austin. Se réclamant ouvertement d’Austin qui soutenait que « nos sens sont muets », il développera la thèse du silence des sens selon laquelle la perception n’aurait pas un contenu représentationnel. Cette thèse aura une grande influence sur Jocelyn Benoist, qui reprendra à son compte l’idée selon laquelle la perception n’est pas intentionnelle. Travis et Benoist s’entendent donc pour dire qu’en tant que la perception est silencieuse — et donc non-conceptuelle — elle ne peut être intentionnelle. Or, il s’en suivrait alors que la phénoménologie serait fondamentalement incompatible avec la radicalité de leur critique réciproque contre le représentationnalisme, basée sur la thèse d’inspiration austinienne du silence des sens. L’intuition à l’origine de ce mémoire réside dans la perspective selon laquelle ces conclusions constitueraient en fait une radicalisation de la thèse véritablement défendue par Austin, le mutisme n’étant pas synonyme de silence. Si Austin a pu démontrer très efficacement l’autonomie de la perception par rapport au langage, la reprise de cette idée chez Travis et Benoist les a menés à une thèse plus radicale selon laquelle la perception ne serait pas une activité que l’on pourrait qualifier de normative. Partant de cette idée, j’interroge la portée et les limites de la thèse d’Austin et de ses héritiers en examinant le rôle de la normativité en jeu dans la perception. Dans ce mémoire, je soutiens que les conclusions que Travis et Benoist tirent de la thèse du silence des sens qu’ils attribuent à Austin constituent en fait une radicalisation de la position véritablement défendue par l’Oxonien. La thèse de Travis et Benoist doit être nuancée dans la mesure où d’autres types de normes jouent un rôle transcendantal pour la perception. Dès lors que l’on considère l’expérience sensible, non pas comme une activité exclusivement épistémique et cognitive, mais comme une pratique incarnée, la thèse du mutisme des sens devient compatible avec une conception normative de la perception. / Much contemporary work in philosophy of perception draws on the work Sense and Sensibilia by the English philosopher John L. Austin (1911-1960). By examining ordinary language to recognize the diversity of perceptual phenomena, Austin aims, among other things, to demonstrate the impossibility of reducing them to traditional metaphysical categories. Charles Travis is one of those who have ventured to reinvest Austin's linguistic phenomenology. Following in the footsteps of Austin, who maintained that "our senses are dumb", he developed the thesis of the silence of the senses, according to which perception has no representational content. This thesis had a major influence on Jocelyn Benoist, who took up the idea that perception is not intentional. Travis and Benoist agree that since perception is silent - and therefore non-conceptual - it cannot be intentional. It would then follow that phenomenology would be fundamentally incompatible with the radicalness of their reciprocal critique of representationalism based on Austin’s inspired thesis of the silence of the senses. The intuition behind this dissertation lies in the prospect that these conclusions might in fact constitute a radicalization of the thesis actually defended by Austin, since mutism is not synonymous with silence. If Austin demonstrated very effectively the autonomy of perception in relation to language, the revival of this idea by Travis and Benoist led them to a much more radical thesis, according to which perception would not be an activity that can be described as normative. Based on this idea, I question the scope and limits of the thesis of Austin and his heirs by examining the role of normativity at play in perception. In this dissertation, I argue that the conclusions Travis and Benoist draw from the silence of the senses thesis they attribute to Austin are in fact a radicalization of the position actually defended by the Oxonian. Travis and Benoist's thesis must be tempered insofar as other types of norms play a transcendental role for perception. As soon as we consider sensible experience not as an exclusively epistemic and cognitive activity, but as an embodied practice, the thesis of the mutism of the senses becomes compatible with a normative conception of perception.

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