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Perspectives des professionnels de la santé face au don d'organes après décès cardiocirculatoire suivant un retrait de traitement chez un patient apte ou une aide médicale à mourirAllard, Julie 09 1900 (has links)
Au cours de l’été 2014, le cas d’un patient conscient, dépendant d'un respirateur, ayant demandé un arrêt de traitement vital et exprimé le souhait de faire don de ses organes a secoué la communauté québécoise du don d’organes et de la transplantation. Ce fut le début d’une réflexion importante quant à l’acceptabilité du don d’organes chez des personnes conscientes et aptes ayant choisi de mettre fin à un traitement vital.
Cette réflexion était d’autant plus pertinente que le gouvernement québécois préparait sa Loi concernant les soins de fin de vie qui allait rendre légale l’aide médicale à mourir (AMM). Puisqu’il était cliniquement possible pour certains patients de faire un don d’organes suite à une AMM, il était probable que la légalisation de cette pratique augmente le nombre de patients conscients désirant donner leurs organes alors qu’ils auraient choisi de mourir. La littérature sur les enjeux éthiques soulevés par ce type de dons d’organes était alors quasi inexistante et, au moment de débuter le projet de recherche, des lignes directrices de pratique n’existaient pas au Québec et au Canada. Il devenait donc impératif de mieux identifier les enjeux éthiques et de les analyser afin de contribuer à l’encadrement de ces nouvelles pratiques. Il n’y avait également aucune étude décrivant les perspectives des professionnels de la santé face à de tels dons.
Les objectifs de ce projet de thèse étaient i) d’identifier les enjeux éthiques soulevés par le don d’organes chez un patient conscient et apte demandant un retrait de thérapie de maintien des fonctions vitales ou une AMM; ii) d’analyser ces enjeux à l’aide de théories éthiques; iii) de connaître et comprendre les perspectives des professionnels de la santé sur les enjeux soulevés par le don d’organes dans ces contextes particuliers; iv) finalement, de mettre en relation les perspectives des professionnels et les politiques qui ont été adoptées au Québec depuis sa mise en route.
Nous avons donc mené une étude exploratoire qualitative par le biais d’entretiens avec des professionnels du don d’organes susceptibles d’être impliqués à un moment ou un autre dans le processus du don d’organes par un patient apte ayant demandé un retrait de thérapie de maintien des fonctions vitales ou une AMM. Notre échantillon comprenait médecins et infirmiers des soins intensifs, de la salle d’opération ou impliqués en don d’organes dans deux centres hospitaliers montréalais très actifs au niveau du don d’organes (CHUM et l’Hôpital Sacré-Cœur) et à Transplant Québec.
Nous avons identifié les enjeux éthiques à l’aide d’une revue de littérature et par l’analyse des perspectives des professionnels. Les principaux enjeux éthiques sont liés au respect de l’autonomie des patients, à l’information à fournir ou non aux donneurs potentiels, à l’objection de conscience par les professionnels, à la possibilité pour les receveurs de refuser ou non les organes provenant de l’AMM, à l’acceptabilité du don d’organes suite à une AMM confidentielle, à la règle du donneur décédé́, à la possibilité de diriger un don d’organe vers un receveur désigné par le donneur et à l’acceptabilité de choisir l’AMM pour rendre possible le don d’organes. Nous avons d’abord analysé ces enjeux éthiques à l’aide du modèle de l’équilibre réflexif large de Norman Daniels et nous avons ensuite intégré à notre analyse les perspectives des participants sur les différents enjeux selon le modèle de l’équilibre réflexif- normatif empirique.
À la lumière de nos résultats, nous pouvons conclure que : i) le don d’organes pour les patients aptes demandant une AMM ou un retrait de thérapies de maintien des fonctions vitales était, de manière générale, éthiquement acceptable dans le contexte légal en vigueur au moment de notre recherche; ii) les patients demandant l’AMM et souffrant d’une maladie compatible avec le don d’organes devaient être informés de la possibilité qui s’offre à eux de faire un don d’organes; iii) les objections de conscience devraient être respectées dans la mesure où elles ne compromettent pas l’accès aux soins des patients; iv) la possibilité de refuser des organes provenant de l’AMM devrait être offerte aux receveurs lors de leur inscription sur la liste d’attente et v) un patient désirant faire don de ses organes suite à une AMM qu’il désire garder confidentielle devrait être informé de toutes les implications liées au contexte particulier du prélèvement et consentir à un bris de la confidentialité afin de minimiser les risques de nuire au don d’organes. Certaines de ces conclusions sont contraires aux politiques en vigueur.
Notre étude a contribué à mieux cerner les enjeux éthiques soulevés par le don d’organes dans ces nouveaux contextes. De plus, nous identifions les enjeux pour lesquels une réflexion plus poussée , et possiblement une révision des lignes directrices, s’imposent.
Plusieurs questions demeurent et de nouvelles questions surgissent alors que des modifications aux critères d’admissibilité à l’AMM sont entrevues à court ou à moyen terme (AMM en dehors de la fin de vie, en cas de maladie mentale ou pour les patients inaptes ayant fait une demande anticipée). / In the summer of 2014, the case of a conscious patient, respirator dependent, who requested a withdrawal of life-sustaining therapy and expressed the wish to donate his organs shook the Quebec organ donation and transplantation community. It was the beginning of an important reflection on the acceptability of organ donation in conscious and competent people who have chosen to stop vital treatment.
This reflection was timely as the Quebec government was preparing its End-of-Life Care Act, which would make medical assistance in dying (MAID) legal. Since it was clinically possible for some patients to donate organs following MAID, it was likely that the legalization of this practice would increase the number of conscious patients wishing to donate their organs when they would have chosen to die. The literature on the ethical issues raised by this type of organ donation was then almost non-existent and, at the time the research project began, practice guidelines did not exist in Quebec and Canada. It therefore became imperative to identify these ethical issues and to analyze them in order to contribute to the guidance of these new practices. There was also no study describing the perspectives of health professionals regarding such donations.
The objectives of this doctoral project were (i) to identify the ethical issues raised by organ donation in a conscious and competent patient requesting withdrawal of life sustaining therapy or MAID; (ii) to analyze these issues using ethical theories; (iii) to obtain and understand the perspectives of health professionals on the issues raised by organ donation in these particular contexts; (iv) finally, to compare the perspectives of professionals to the policies that have been adopted in Quebec since its inception.
We therefore conducted a qualitative exploratory study through interviews with organ donation professionals likely to be involved in the organ donation process by a conscious patient who has requested withdrawal of life-sustaining therapy or MAID. Our sample included physicians and nurses in intensive care, operating room or involved in organ donation in two Montreal hospital centers that are very active in organ donation (CHUM and Hôpital Sacré-Cœur) and at Transplant Québec.
We identified ethical issues through a literature review and by analyzing the perspectives of professionals. The main ethical issues are related to respect for patient autonomy, information to be provided to potential donors, conscientious objection by professionals, the possibility for recipients to refuse organs procured after MAID, the acceptability of organ donation following a confidential MAID, the dead donor rule, the acceptability of directing an organ to a specific recipient designated by the donor and the acceptability of choosing MAID in order to make organ donation possible. We first analyzed these ethical issues using Norman Daniels' wide reflexive equilibrium model and then incorporated participants' perspectives on the various issues using the normative empirical - reflexive equilibrium model into our analysis.
Based on our results, we can conclude that : (i) organ donation for competent patients requesting MAID or withdrawal of life-sustaining therapies was generally ethically acceptable within the legal context in effect at the time of our research; (ii) patients requesting MAID and suffering from a disease compatible with organ donation should be informed of the possibility of organ donation; and (iii) conscientious objections should be respected as long as they do not compromise patients' access to care; iv) recipients should be offered the opportunity to refuse organs procured after MAID when they are placed on the waiting list; and v) a patient who wishes to donate his or her organs following MAID that he or she wishes to keep confidential should be informed of all the implications related to the specific context of the procurement and should consent to a breach of confidentiality in order to minimize the risk of undermining public trust in organ donation. Some of these conclusions are contrary to current policies.
Our study has contributed to a better understanding of the ethical issues raised by organ donation in these new contexts. In addition, we identify issues that require further reflection and possibly a revision of the guidelines in place.
Many questions remain and new ones arise as changes to the MAID eligibility criteria are foreseen (MAID outside of the end-of-life context, in cases of mental illness or by advanced request).
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