1 |
Les impacts des stratégies patronales antisyndicales sur l’organisation des travailleursBigras, Bianca 11 1900 (has links)
L’utilisation de stratégies antisyndicales est un phénomène de plus en plus préconisé par l’acteur patronal (Bronfenbrenner, 2009b). Une piste d’explication de cette croissance serait liée à l’idéologie de gestion se basant sur une amertume inhérente à l’idée de partager le pouvoir avec une tierce partie représentant des travailleurs (Dundon et al., 2006). Dans le but de faire régner cette idéologie et de conserver un environnement de travail sans présence syndicale, des multinationales se sont même positionnées ouvertement contre la syndicalisation, que l’on pense à Wal-Mart, Mc Donald’s ou Disney (Dundon et al., 2006). Avec cette puissance que les multinationales détiennent actuellement, il ne fait nul doute qu’elles exercent une influence auprès des dirigeants des plus petites entreprises (Dundon et al., 2006), ce qui pourrait expliquer ce recours accru aux stratégies antisyndicales, que ce soit avant ou après l’accréditation syndicale. Mais qu’en est-il de l’antisyndicalisme de l’acteur patronal en sol canadien? Pour certains, les employeurs canadiens pratiqueraient davantage une stratégie d’acceptation du syndicalisme comparativement à nos voisins du sud à cause notamment de la plus forte présence syndicale historique dans le système des relations industrielles canadien, des tactiques syndicales canadiennes différentes (Thomason & Pozzebon, 1998) et des lois encadrant davantage les droits d’association et de négociation collective (Boivin, 2010; Thomason & Pozzebon, 1998). Des travaux montrent cependant une réelle volonté de la part des employeurs canadiens à avoir recours à des stratégies d’opposition à la syndicalisation (Bentham, 2002; Martinello & Yates, 2002; Riddell, 2001). Selon les auteurs Martinello et Yates (2002), six pour cent (6 %) des employeurs ontariens couverts dans le cadre de leur étude n’auraient adopté aucune tactique pour éviter ou éliminer le syndicat : quatre-vingt-quatorze pour cent (94 %) des employeurs couverts ont ainsi utilisé différentes tactiques pour s’opposer au syndicalisme. C’est donc dire que l’opposition patronale face au mouvement syndical révélée par l’utilisation de diverses stratégies antisyndicales est aussi présente chez les employeurs canadiens.
Peu d’études canadiennes et québécoises ont pourtant enrichi la littérature au sujet de ce phénomène. De manière générale, les travaux effectués sur la question, anglo-saxons et surtout américains, font principalement état du type de stratégies ainsi que de leur fréquence d’utilisation et proposent souvent une méthodologie basée sur une recension des décisions des tribunaux compétents en la matière ou l’enquête par questionnaire. Face à ces constats, nous avons visé à contribuer à la littérature portant sur les stratégies antisyndicales et nous avons construit un modèle d’analyse nous permettant de mieux cerner leurs effets sur les travailleurs et les syndicats. Notre recherche se démarque également de la littérature de par les démarches méthodologiques qu’elle propose. Nous avons en effet réalisé une recherche de nature qualitative, plus spécifiquement une étude de cas d’une entreprise multiétablissement du secteur du commerce au détail. Notre modèle d’analyse nous permet de dégager des constats quant aux effets de l’utilisation des stratégies patronales antisyndicales auprès des travailleurs visés et du syndicat visé, que ce soit sur les intérêts individuels, les intérêts collectifs ainsi que sur les intérêts du syndicat tels que proposés par Slinn (2008b). Également, nous cherchions à comprendre dans quelle mesure les stratégies antisyndicales contribuent à diminuer (effet paralysant) ou à augmenter (effet rebond) la propension à la syndicalisation des travailleurs visés par les stratégies, tout en tenant compte de la propension des travailleurs d’autres succursales qui n’étaient pas visés directement par cette utilisation (effet d’entraînement).
Pour atteindre nos objectifs de recherche, nous avons procédé en trois phases. La phase 1 a permis de faire la recension de la littérature et de formuler des propositions théoriques à vérifier sur le terrain. La phase 2 a permis de procéder à la collecte de données grâce aux entrevues semi-dirigées réalisées à deux niveaux d’analyse : auprès de représentants syndicaux et de travailleurs. Au cours de la phase 3, nous avons procédé à la retranscription des entrevues effectuées et nous avons analysé les principaux résultats obtenus. La méthode de l’appariement logique (Yin, 2009) a été utilisée pour comparer les phénomènes observés (données issues du terrain) aux phénomènes prédits (constats de la littérature et propositions théoriques).
À la suite de la réalisation de la phase 3, nous constatons que la campagne de peur a été celle qui a été la plus utilisée en réaction à la menace de présence syndicale avec les tactiques dites coercitives qui la composent : la fermeture de deux succursales, un discours devant un auditoire captif, la diffusion d’une vidéo interne, etc. De ce fait, un sentiment de peur généralisé (86 % des répondants) s’attaquant aux intérêts collectifs a été perçu à la suite de l’utilisation des tactiques antisyndicales. Par conséquent, nous avons pu observer l’effet de ces tactiques sur les travailleurs visés et sur le syndicat : elles auraient en effet gelé la propension de travailleurs d’autres succursales à se syndiquer (64 % des répondants) et donc freiné la campagne syndicale en cours. Nous constatons également que bon nombre de tactiques ont été déployées à la suite de l’accréditation syndicale en s’attaquant aux intérêts individuels. Mentionnons, pour n’en citer que quelques-uns, que les travailleurs feraient face à une plus forte discipline (72 % des répondants), qu’ils seraient victimes d’intimidation ou de menaces (80 % des répondants) et que ces tactiques provoquèrent des démissions à cause de l’ambiance de travail alourdie (50 % des répondants). / Anti-union management strategies are an increasingly popular phenomenon in the corporate world (Bronfenbrenner, 2009b). Management ideology could explain this tendency which results in the bitterness from sharing power with union worker representatives (Dundon et al., 2006). Corporations like WalMart, Disney, or McDonalds openly take position against unionization, thus spreading ideology and keeping work environments union-free (Dundon et al., 2006). Corporate power undeniably exerts power over smaller businesses (Dundon et al., 2006), a fact which could explain why anti-union strategies are often relied upon, even when unions are formally recognized. But what about Canadian anti-union movements? Many think that Canadian employers have officially acknowledged unionization in comparison with Americans, a belief supported by the unique historical background in regard to the Canadian industrial relation system and tactical preferences (Thomason & Pozzebon, 1998), alongside laws protecting union rights like association and negotiation (Boivin, 2010; Thomason & Pozzebon, 1998). Scientific scholarship however gives testimony of determination from Canadian employers in recourse to oppositional strategies against unionizing (Bentham, 2002; Martinello & Yates, 2002; Riddell, 2001). According to Martinello et Yates (2002), six percent (6%) of Ontarian employers covered would never use avoidance or oppositional tactics against unions: ninety four percent (94%) of employers covered thus would have used anti-union tactics. Therefore managerial opposition to union movements must certainly be present in the Canadian landscape.
However, few Canadian and Quebecer studies contributed to the literature on this phenomenon. Generally speaking, management scholars —British and especially American— explicitly mention strategy types and their frequency; they follow methodologies only taking court decisions in the subject matter into account or drawing almost exclusively on surveys. Keeping this in mind, we sought to contribute to the literature on anti-union strategies; we constructed an analytic framework for identifying their effects on workers and unions. Our research methodology is distinctly orig inal: we conducted a qualitative case study of a multi-sectorial retail organization. More specifically, our model is useful in identifying anti-union strategies against workers and unions, either targeting individual or collective interests or union interests, as suggested by Slinn (2008b). Moreover, we sought to understand to what extent anti-union strategies diminish (chilling effect) or augment (rebound effect) propensity to unionization among workers, whether they are targeted or not by these strategies (ripple effect).
To meet our goals, the research process was conducted in three steps. In Phase 1 several hypotheses were derived after reviewing the scientific literature. Phase 2 consisted of a data collection of union representatives and workers’ perceptions with semi-structured interviews. We then went on in phase 3 to a transcription of these interviews, and we analyzed results. Logical pairing methodology (Yin, 2009) was used in order to compare observed phenomena (fieldwork data) with predicted phenomena (theoretical and empirical predictions).
After the last step, we concluded that fear campaigns were most frequent in response to unionizing threats with coercive tactics such as: closure of two organizational branches, propaganda speeches given to captive audience, an internal video, and so on. As a matter of fact, a prevailing sense of fear for collective interests (experienced by 86% of research participants) followed from recourse to anti-union tactics by management. Consequently, we observed that in effect anti-union tactics would have stopped the unionizing process in other organizational branches (64% of research participants said so), and so disrupted union campaigns in general. We also remark that many tactics were employed following the official recognition of unions while also threatening individual interests. Many side effects could be enumerated: increased worker discipline (72%), intimidations or threats (80%) and resignations caused by a bad organizational climate (50%).
|
Page generated in 0.1303 seconds