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Poétiques de la crise dans les dramaturgies européennes des XXe et XXIe siècles / The poetics of crisis in european drama (20th and 21th centuries)

Diaz, Sylvain 24 November 2009 (has links)
Notion dramaturgique majeure au vu de la récurrence de son emploi dans les traités d’esthétique, la crise souffre toutefois d’un déficit théorique : ignorée par Aristote dans La Poétique, par Corneille dans ses Discours sur la tragédie ou encore par Hegel dans son Cours d’esthétique, la crise est une notion encore à construire. C’est à partir du XIXe siècle qu’est développée une interprétation de la tragédie classique comme crise : il s’agit alors de penser en quoi la représentation de dérèglements tant intimes que politiques participe d’une remise en cause de la conception classique du monde fondée sur un principe d’ordre et d’harmonie. Résolument, la crise se donne à penser, à partir de la tragédie classique, comme mise en crise. Une telle conception se trouve toutefois contestée dans le drame bourgeois qui conçoit la crise comme état de crise : dans le prolongement de l’esthétique du tableau que développe Diderot, il s’agit en effet de dépeindre sur scène des situations critiques qui ne menacent en aucun cas la conception bourgeoise du monde.C’est dans une hésitation face à ces deux définitions concurrentes de la crise que trouvent à s’inventer, aux XXe et XXIe siècles, des poétiques de la mise en crise et des poétiques de l’état de crise qui prétendent expliquer le monde ou simplement l’explorer, l’élucider ou simplement l’étudier. Pour Bertolt Brecht, Peter Weiss ou encore Edward Bond qui ont une approche processuelle de la crise, il s’agit en effet de susciter chez le spectateur un ébranlement qui lui permettra d’envisager à nouveaux frais la réalité et de déterminer comment agir pour pouvoir la transformer. À l’inverse, pour Ödön von Horváth, Michel Vinaver ou encore Martin Crimp qui ont une approche contextuelle de la crise, il s’agit d’inventer une situation à partir de laquelle il devient possible d’explorer de manière inédite la relation de l’homme à lui-même, aux autres et au monde, d’explorer la « condition de l’homme moderne », pour reprendre la formule d’Hannah Arendt. Dès lors, l’étude de ces poétiques de la mise en crise et de l’état de crise se révèle déterminante en ceci qu’elles sont fondatrices de deux traditions dramatiques qui structurent intégralement l’histoire du théâtre occidental : celles du théâtre critique et du théâtre clinique. / The dramaturgic notion of crisis recurrently appears in aesthetic treatises, which attests its importance in the frame of theatre theory. Nevertheless, a definition of this notion is still missing : crisis is not even mentionned in Aristotle's Poetics, in the Discourses on tragedy by Corneille, or in Hegel's Lectures on Aesthetics. Theatrical crisis therefore needs to be thoroughly examined and defined. From the 19th century, French neoclassical tragedy has been read as a theatre of crisis : attention was then drawn to the way the disorders depicted on stage – on intimate as well as political level – put into question a classical conception of a world based on order and harmony. From this startpoint, theoricians resolutely use the notion of crisis to think this undermining questioning of the world. However, this definition of crisis is not relevant to the 18th century drame bourgeois, in which crisis is only used as a dramatic plot device : in line with the tableau in his Aesthetics, Diderot calls for a theatre of critical situations, which do not however threaten a bourgeois conception of the world. The gap between these two definitions of theatrical crisis has left a space for invention in the 20th and 21th centuries : dramatists have used crisis in various ways to explain the world, or simply explore it, to decifer it, or simply reflect upon it. Bertold Brecht, Peter Weiss and Edward Bond have shaped crisis as a process of involvement of the audience : they aim to shake spectators to make them consider real life with new eyes, and to ask themselves how they can transform it. On the opposite, Ödön von Horvath, Michel Vinaver and Martin Crimp have used crisis as a contextual device : they invent a situation which allows them to explore in a totally new way how man behaves towards himself, towards the others, and towards the world, that is, to explore the modern « Human Condition » according to the words of Hannah Arendt. The study of these two different poetics of crisis is therefore decisive, inasmuch as they have given birth to two different dramatic traditions which structure the whole history of Western theatre : on the one hand, the critical theatre, on the other, the clinical theatre.
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La représentation du monde sans jugement : Réalisme et neutralité dans la dramaturgie moderne et contemporaine / Prejudice-free depictions of the world : Realism and neutrality in modern and contemporary theater

Boudier, Marion 10 December 2012 (has links)
L’idée de « représentation du monde sans jugement », double visée du réel et du neutre, rassemble des œuvres qui aspirent à donner à voir le monde sans en orienter le commentaire et en débusquant le jugement dans nos représentations. En faisant l’hypothèse d’un « réalisme neutre », nous étudions les stratégies dramaturgiques de suspension du sens qui répondent à cette intention. Nous interrogeons l’existence d’une lignée de dramaturges qui, depuis le théâtre clinique de Tchekhov et à l’opposé du théâtre critique brechtien, conduit le spectateur à « l’étonnement d’un monde sans procès » (Barthes). En confrontant ces représentations du monde sans jugement au théâtre documentaire et au réalisme critique brechtien, nous analysons un changement de paradigme dans la représentation du réel, sa modélisation clarifiante et engagée laissant place à une expérience ouverte à l’interprétation. De Horváth aux auteurs quotidiennistes, en passant par Fleisser, Adamov, Kroetz et jusqu’à des réinventions contemporaines d’un théâtre « presque documentaire », comment ces esthétiques de la monstration échappent-elles à une simple symptomatologie superficielle du monde ainsi qu’aux malentendus induits par la délégation du jugement au spectateur ? Cette question oriente notre étude des décentrements dramaturgiques du réalisme, à travers lesquels s’affirment une autre pensée de la responsabilité critique du dramaturge et une dimension politique du neutre. Les œuvres et démarches de M. Vinaver, O. Hirata, J. Pommerat et L. Norén illustrent quatre modalités de ce « réalisme neutre », de l’exemption à la pluralisation du sens, en passant par le trouble, l’errance ou le saisissement du spectateur. / Prejudice-free depictions of the world are the aim both of reality and of any neutral approach. They bring together works of art that show the world without inducing any commentary while exposing our opinions in all representations. We will hypothesise the concept of “neutral realism” to analyse the strategies used by dramatic arts to produce suspension of meaning. We question the existence of a tradition of dramatic authors – ranging from Tchekhov’s “clinical theater” to Brecht’s “critical theater” – that lead spectators to what Barthes termed the “astonishment upon discovering a trial-free world”. We will weigh such prejudice-free representations of the world against documentary drama and against Brecht’s critical realism. Such a comparison will evidence a paradigm shift where an explicit, committed type of modelling seems to give way to a more open interpretative experience. From Horváth to daily-life authors and to Fleisser, Adamov, Kroetz and other contemporary re-inventors of “quasi- documentary-style” drama, the question can be thus articulated: how do such illustrative aesthetics succeed in circumventing both merely superficial symptomatology of the world and the misunderstandings that might arise from the decision of leaving the viewer to judge the work on their own? The answer to the question guides our analysis of the dramatic arts’ decentering of realism, through which another vision of the responsibility of the dramatic author emerges, as well as a new take on the political nature of a neutral approach. The works and reflections of M.Vinaver, O. Hirata, J. Pommerat and L. Norén evidence four aspects of this “neutral realism”, ranging from the cancellation of meaning to multifaceted meaning and to troubled, disconnected or awed spectators.

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