L'objectif de cette thèse est d'interroger la manière dont Hegel conçoit la fondation absolue de la philosophie, c'est-à-dire la manière dont la philosophie fournit, à l'intérieur d'elle-même, la justification intégrale de la vérité absolue de son discours, justification qui, d'après Hegel, la caractérise en propre. Pour ce faire, après avoir brièvement replacé, à titre introductif, cette tentative hégélienne dans le cadre de la problématique de la fondation de la philosophie propre à la philosophie post-kantienne, nous étudions d'abord la manière dont Hegel rend compte de la genèse historique de l'exigence d'une auto-fondation absolue de la philosophie dans ses Leçons sur l'histoire de la philosophie, qui s'avèrent un espace hybride de position des problèmes philosophiques, à la fois historiquement donnés et toujours déjà philosophiquement construits. Nous interrogeons ensuite, à partir de la Doctrine de l'essence, le concept logique de fondement (Grund) dans ses tensions propres, pour montrer qu'il dégage l'espace des problèmes posés par la notion de fondation sans pouvoir leur apporter par lui-même une solution définitive : cette dernière nous paraît bien plutôt énoncée dans la Doctrine du concept, dont le mouvement d'ensemble (concept subjectif, objectivité, idée) fait l'objet d'une lecture permettant d'y faire ressortir à la fois l'Aufhebung interne du fondement et l'émergence de la notion d'auto-fondation, qui apparaît in fine dans la définition de l'idée comme processus de « développement progressif » et « fondation régressive » de soi. La fondation est alors définie comme un processus consistant à rendre raison de soi dans ses manifestations, ce que nous interprétons comme rupture avec le concept de fondement hérité de la métaphysique d'entendement, dont la logique hégélienne produit l'Aufhebung. L'idée ayant été ainsi définie, de manière formelle, comme processus de rendre raison de soi, nous étudions, dans une troisième partie, la manière dont la philosophie de la nature et la philosophie de l'esprit concourent au processus d'auto-fondation réelle de l'idée, c'est-à-dire, en dernière instance, à son effectuation comme esprit absolu ; à cette occasion, nous étudions plusieurs occurrences significatives de la notion de fondement dans la Realphilosophie, ainsi que le rapport du discours philosophique aux réalités dont il traite (rapport que Hegel nous semble prendre soin de distinguer d'une justification extérieure). Une quatrième partie vient alors étudier la manière dont la philosophie se pense elle-même comme fondation systématique de sa propre vérité : on soulève la question de savoir si le système a besoin d'un fondement externe pour garantir sa vérité (fondement que certains interprètes ont pu trouver dans la Phénoménologie de l'esprit ou dans l'histoire de la philosophie), et on étudie les syllogismes finaux de l'Encyclopédie pour y lire une réflexion de la philosophie sur sa propre fondation systématique. La thèse que nous soutenons au terme de ce parcours est que le profond remaniement spéculatif du concept de fondement qui aboutit à l'idée d'une autofondation au sens de « rendre raison de soi » (en rupture donc avec tout principe ou fondement réel ou formel tel qu'on en rencontre dans l'histoire de la philosophie), converge avec une redéfinition de la philosophie comme savoir rendant absolument raison de sa propre vérité, et même, au sens strict, ne fondant que sa propre vérité comme système, ce qui lui permet en même temps de libérer le sens vrai des objets qu'il parcourt et ordonne dans son déploiement systématique. / This thesis aims at questioning the way Hegel conceives the absolute foundation of philosophy, that is to say the way philosophy provides, within itself, the integral justification of its discourse's absolute truth, which, according to Hegel, characterizes it in specific. To do so, after sketching the historical frame of Post-Kantian debates about the foundation of philosophy, we first study the way Hegel relates, in his Lectures on the History of Philosophy, the historical genesis of the requirement of an absolute self-foundation of philosophy. We then question the logical concept of Grund within the Doctrine of Essence in order to show, that neither it or its subsequent specifications (e.g. cause) suffice to give an account of the process of foundation, whose truth we take to be stated instead in the Doctrine of the Concept ; we study Begriffslogik's overall movement (subjective concept, objectivity, idea) in order to bring out the notion of self-foundation (Selbstbegründung), which appears in fine in the definition of Idea as a process of “progressive development” and “regressive foundation” of itself. Foundation is thus defined as a process consisting in the justification of itself in its own moments, which we take to be a split from metaphysics' concept of foundation, of which the Hegelian Logic carries out the Aufhebung. In a third part, we try to study the way philosophy of nature and philosophy of spirit contribute to the process of a real self-foundation of the Idea, that is to say its realization as Absolute Spirit ; on that occasion, we study multiple occurrences of “foundation” in the Realphilosophie, and also the connection between philosophical discourse and the realities it deals with, which Hegel seems to distinguish from an external justification. The fourth part then studies the way philosophy thinks itself as systematical foundation of its own truth : we raise the question of knowing if the system needs an external foundation to guarantee its truth (which could be provided by the Phenomenology of Spirit or the history of philosophy), and we read the “syllogisms of philosophy” as philosophy looking back at its own foundation. The thesis we support at the end of this demonstration is that the profound speculative reshuffle of the concept of foundation that leads to the idea of a self-foundation within the meaning of “justifying itself” (breaking thus with every real or formal principle or foundation as we know them in the history of philosophy), converges with a redefinition of philosophy as knowledge justifying its own truth in an absolute manner, and even, in a precise meaning, founding only its own truth as a system, which allows it meanwhile to free the true meaning of the objects that it browses and orders in its systematical deployment.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018POIT5005 |
Date | 23 November 2018 |
Creators | Béguin, Victor |
Contributors | Poitiers, Marmasse, Gilles |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text, Image, StillImage |
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