Le dégel et l'affaissement des buttes de pergélisol riches en glace entraînent la formation de mares de thermokarst. Ces eaux sont connues pour émettre du CH₄ et du CO₂, mais la dynamique biogéochimique de ces émissions demeure méconnue. Les objectifs de cette thèse étaient d'évaluer les principales sources de variabilité des émissions de gaz à effet de serre par les mares de thermokarst formées sur un pergélisol plus ou moins riche en carbone, et d'évaluer certains changements non linéaires dans ces écosystèmes pouvant résulter du réchauffement climatique. Les concentrations et les flux de CH₄ et de CO₂ ont été mesurés dans 18 lacs de thermokarst situés dans six sous-régions biogéochimiquement distinctes du Québec subarctique, le long d'un gradient de dégradation du pergélisol. Ces sites renferment des mares de thermokarst issues soit du dégel de palses (buttes de tourbières gelées) ou de lithalses (buttes de pergélisol minéral), dont la teneur en carbone organique diffère d'un sol à l'autre. Pour évaluer l'effet potentiel de la dégradation du pergélisol sur ces systèmes d'eau douce soumis à l'influence du réchauffement climatique, des sites comparables ont été sélectionnés dans la zone de pergélisol discontinu au nord, ainsi que dans la zone de pergélisol sporadique au sud où le pergélisol se dégrade plus rapidement. Un profilage hivernal de cinq lacs situés sur des tourbières de pergélisol érodées a été effectué, et des enregistreurs automatisés de température, de conductivité et d'oxygène ont été utilisés pour évaluer comment le cycle annuel de stratification et de mélange peut affecter les rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Les mares étudiées étaient stratifiées thermiquement pendant la majeure partie de l'année, avec de forts gradients physico-chimiques dans la colonne d'eau, et la plupart avaient un hypolimnion anoxique. Les mares de lithalse les plus septentrionales présentaient une teneur en CO₂ de surface inférieure ou supérieure à la saturation, mais les lacs plus au sud présentaient des concentrations de surface beaucoup plus élevées, bien audessus de l'équilibre atmosphérique. Les concentrations de CH₄ dans les eaux de surface étaient au moins un ordre de grandeur au-dessus de l'équilibre avec l'air à tous les sites de lithalse, et les flux diffusifs des deux gaz augmentaient du nord au sud. Le taux d'oxydation du CH₄ dans les eaux de surface d’une mare de lithalse au nord ne représentait que 10% du taux d'émission, mais à l'extrémité sud, il atteignait environ 60% des émissions vers l’atmosphère, indiquant que la méthanotrophie pourrait jouer un rôle important dans la réduction des émissions nettes. Les eaux de surface des mares de palse du nord et du sud de la région d'étude étaient supersaturées en CH₄ et aussi saturées en CO₂, particulièrement les lacs du sud où les concentrations de CH₄ dépassaient de 5 ordres de grandeur l'équilibre atmosphérique. Les concentrations de CH₄ et de CO₂ augmentaient de plusieurs ordres de grandeur au fond des lacs du sud, mais les gradients verticaux étaient moins marqués ou absents au nord. De fortes émissions de CH₄ et de CO₂ provenaient de l'ébullition des gaz, mais elles étaient largement dépassées par les flux diffusifs, contrairement aux mares de thermokarst étudiées ailleurs en Alaska, en Europe, ou en Sibérie. La datation au radiocarbone des échantillons de gaz d'ébullition a montré que l'âge ¹⁴C du CH₄ variait entre 760 et 2005 ans, alors que le CO₂ était toujours plus jeune. Toutes les mares étudiées contenaient d'importants stocks de CH₄ en hiver sous leur couverture de glace saisonnière. Les concentrations sous la glace étaient jusqu'à 5 ordres de grandeur au-dessus de l'équilibre atmosphérique, correspondant à un taux d'émission lors de la débâcle de 1 à 2 ordres de grandeur plus élevé qu'au milieu de l'été, sans compter les émissions par ébullition. Le rapport estimé entre les émissions diffuses de CO₂ et de CH₄ serait deux fois plus élevé en été qu'au printemps, ce qui suggère la prédominance de la production hydrogénotrophique de méthane en hiver et l'augmentation de l'activité bactérienne aérobie en été. Les enregistrements annuels des instruments automatisés installés in situ suggèrent que la morphométrie lacustre (fetch et profondeur) pourrait jouer un rôle clé dans le contrôle du moment et de l'ampleur du rejet de CH₄ de la colonne d'eau vers l'atmosphère. Dans l'ensemble, ces observations montrent que les mares de lithalse peuvent émettre du CH₄ et du CO₂ rapidement après leur formation, avec des efflux de gaz qui persistent et augmentent à mesure que les mares continuent de se réchauffer et le pergélisol de s'éroder. Par ailleurs, les résultats indiquent que les mares de palse peuvent devenir une source de gaz à effet de serre de plus en plus importante alors que la limite sud du pergélisol continue à se déplacer vers le nord. Les résultats soulignent également la nécessité de tenir compte des grandes fluctuations saisonnières des émissions de méthane provenant des mares de thermokarst des tourbières dans les estimations des flux annuels de carbone. / The thawing and subsidence of ice-rich permafrost mounds results in the formation of thermokarst lakes and ponds. These waters are known to emit CH₄ and CO₂, but the biogeochemical dynamics of these emissions remain poorly understood. The objectives of this thesis study were to assess major sources of variability in estimates of greenhouse gas emissions from thermokarst lakes formed on permafrost of divergent carbon content, and to evaluate some of the non-linear changes in these freshwater ecosystems that may arise from global warming. CH₄ and CO₂ stocks and fluxes were measured in 18 thermokarst lakes in six biogeochemically distinct sub-regions of subarctic Quebec, along a permafrost degradation gradient. These sites contain thermokarst lakes that are derived either from the thawing of palsas (frozen peat mounds) or lithalsas (mineral permafrost mounds), which differ in their soil organic carbon content. To address the potential effect of permafrost degradation on these freshwater systems under climate warming, comparative sites were selected in the northern discontinuous permafrost zone and in the southern sporadic permafrost zone where permafrost is more rapidly degrading. Winter profiling of five lakes located on eroding permafrost peatlands was undertaken, and automated water temperature, conductivity and oxygen loggers were used to evaluate how the annual cycle of stratification and mixing may affect the release of greenhouse gases to the atmosphere. The studied lakes were thermally stratified for most of the year, with strong physico-chemical gradients down the water column, and most had anoxic bottom waters. The northernmost lithalsa lakes varied in their surface-water CO₂ content, from below to above saturation, but the southern lakes in this gradient had much higher surface concentrations that were well above air-equilibrium. Surface-water CH₄ concentrations were at least an order of magnitude above air-equilibrium at all lithalsa sites, and the diffusive fluxes of both gases increased from north to south. The rate of CH₄ oxidation in the surface waters from a northern lithalsa lake was only 10% of the emission rate, but at the southern end it was around 60% of the efflux to the atmosphere, indicating that methanotrophy may play a substantive role in reducing net emissions. The surface waters of palsa lakes at both northern and southern sites were supersaturated in CH₄ and CO₂, and to a greater extent in the southern lakes, where CH₄ concentrations were up to 5 orders of magnitude above air equilibrium. Concentrations of CH₄ and CO₂ increased by orders of magnitude with depth in the southern lakes, however vertical gradients were less marked or absent in the North. Strong CH₄ and CO₂ emissions were associated with gas ebullition, but these were greatly exceeded by diffusive fluxes, in contrast to thermokarst lakes studied elsewhere. Radiocarbon dating of ebullition gas samples showed that the CH₄ had ¹⁴C-ages from 760 to 2005 years before present, while the CO₂ was consistently younger. All of the studied lakes contained large stocks of CH₄ in winter under their seasonal ice covers. The sub-ice concentrations were up to 5 orders of magnitude above airequilibrium, and the emission rates at ice break-up would be 1-2 orders of magnitude higher than during mid-summer. The estimated ratio of diffusive CO₂ to CH₄ emission was twice as high in summer than in spring, suggesting the predominance of hydrogenotrophic methane production in winter, and increased aerobic bacterial activity in summer. The annual records from the automated instruments moored in situ suggest that lake morphometry (fetch and depth) may play a key role in controlling the timing and extent of CH₄ release from the water column to the atmosphere. Overall, these observations show that lithalsa lakes can begin emitting CH₄ and CO₂ soon after they form, with effluxes of both gases that persist and increase as the lakes continue to warm and the permafrost continues to erode. Moreover, the results indicate that peatland thermokarst lakes may be an increasingly important source of greenhouse gases as the southern permafrost limit continues to shift northwards. The results also underscore the need to consider the large seasonal fluctuations in methane emissions from peatland thermokarst lakes in estimates of annual carbon fluxes.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/29872 |
Date | 30 May 2018 |
Creators | Matveev, Alex |
Contributors | Laurion, Isabelle, Vincent, Warwick F. |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xvi, 111 pages), application/pdf |
Coverage | Arctique, Québec (Province) |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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