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Modes de gestion et de représentation du territoire dans l’art autochtone actuel au Canada : souveraineté territoriale, souveraineté rhétorique et souveraineté mémorielle

Les modes de gestion et de représentation des territoires ancestraux autochtones sont encore aujourd’hui largement enclavés dans des structures rhétoriques colonialistes. Les notions de propriété privée et de frontière étatique, les mythes de la terra nullius et de la découverte, la dominance de l’écriture et la dévaluation de l’oralité, sont autant de préceptes sur lesquels s’appuient à ce jour les outils textuels législatifs et géopolitiques canadiens. Ainsi, les épistémologies autochtones se trouvent marginalisées et délégitimées au sein des lois, des cartes nationales et de certains traités, qui s’imposent comme des cadres naturalisés de création, de transmission et de négation des connaissances spatiales. Lors de processus de revendications territoriales, certains acteurs et actrices politiques se consacrent à une autochtonisation des vocabulaires et méthodologies discursives des arènes juridique et législative, parvenant à y tailler des espaces de résurgence pour les voix autochtones. Néanmoins, un tel exercice de traduction culturelle s’avère souvent hasardeux et unidirectionnel, pouvant mener à une instrumentalisation ou à une dénaturation des savoirs autochtones.
Cette thèse porte sur les stratégies développées par des artistes et auteur.es autochtones qui démantèlent, autochtonisent et outrepassent les outils textuels étatiques. Elle vise à démontrer que leur articulation de récits intimes, intergénérationnels et mythologiques comme matrices théorisantes permet une réactivation des réseaux relationnels holistes qui se trouvent à la base même des lois, des pratiques de gestion territoriale et, ultimement, des modes de formation identitaire autochtones évacués des enceintes coloniales. Nous proposons ainsi que les notions de souveraineté territoriale, mémorielle et rhétorique y sont imbriquées dans une triangulation dynamique qui prend racine dans des réalités locales, tout en trouvant écho dans des réseaux transcommunautaires élargis. Dans les œuvres de Nadia Myre, Lawrence Paul Yuxweluptun et Alan Michelson, notamment, de même que dans les écrits théoriques ou fictionnels de Gerald Vizenor et Taiaiake Alfred, les textes coercitifs comme la Loi sur les Indiens sont soit démantelés par le biais de grammaires visuelles endogènes et de structures narratives ancestrales réactualisées, soit extraits de l’enceinte législative et projetés en des espaces de réflexions dialogiques, hétérogènes et non coloniaux. De plus, les artistes Sonny Assu, Olivia Whetung et Christi Belcourt, de même que les autrices Leanne Betasamosake Simpson et Mishuana Goeman, entre autres, initient selon nous, par leurs discours de respatialisation décoloniale, un changement paradigmatique plutôt qu’un simple renversement des relations d’autorité déséquilibrées établies et portées par les cartes nationales et cadastrales. Les récits en résurgence qui articulent leurs représentations contre-cartographiques sont récoltés et transmis par le biais de pratiques matérielles, performatives et affectives témoignant d’une survivance collective des épistémologies autochtones au sein de leurs espaces de formation identitaire, malgré les restructurations de ces territoires par des infrastructures et des discours cartographiques coloniaux. Nous souhaitons donc démontrer, par ce travail d’analyse intertextuelle, que les philosophies holistes, expérientielles et intergénérationnelles ancestrales, retravaillées au moyen des arts, des langues et des récits, fournissent des méthodologies d’effritement de vastes structures rhétoriques hégémoniques, de même que des modèles de création d’espaces transnationaux et décoloniaux d’où émergent de nouveaux possibles. / Territorial management policies and dominant ways of depicting Indigenous lands are still today extensively entrenched in colonial structures and ideologies. The concepts of private property and state borders, the doctrines of discovery and terra nullius, the devaluation of oral traditions and the domination of writing systems, are only but a few of the precepts that underpin contemporary legislative and geopolitical frameworks. Thus, Indigenous epistemologies are often marginalized and delegitimized within legislative texts, national cartography, and certain treaties, which act as all-encompassing frames of knowledge production, dissemination, and negation. During land claim negotiations, First Nations representatives devote themselves to indigenizing the vocabularies and methodologies that shape legal spheres, effectively carving out spaces of resurgence for Indigenous voices. However, such endeavors of cultural translation can prove hazardous and unidirectional, sometimes leading to Indigenous knowledges being manipulated or distorted.
This thesis focuses on the strategies developed by Indigenous artists and writers who dismantle, indigenize, and bypass those state-sanctioned texts through their productions. We wish to demonstrate that these creators articulate personal, collective, and mythological stories as theoretical frameworks. In doing so, they reactivate the kinship networks that also shape ancestral laws, land management practices and modes of identity formation, which are often dismissed within colonial discourses. We argue that territorial, rhetorical, and memorial sovereignties are therefore entwined in a dynamic triangulation that simultaneously stems from a local context, and resonates on a transnational level. In Nadia Myre, Lawrence Paul Yuxweluptun, and Alan Michelson’s artworks, as well as in Gerald Vizenor and Taiaiake Alfred’s theoretical and fictional writings, coercive texts such as the Indian Act are either dismantled through the revitalization of endogenous visual grammars and ancestral narrative structures, or extracted from the legislative sphere and relocated in spaces of dialogical, heterogenous, and non colonial reflection. Moreover, we argue that artists such as Sonny Assu, Olivia Whetung, and Christi Belourt, as well as authors like Leanne Betasamosake Simpson and Mishuana Goeman, initiate a paradigmatic change rather than a simple reversal of the skewed authority dynamics conveyed by national cartography and cadastral maps. The stories they use to structure their counter-mapping discourses are harvested and transmitted through material, relational, and performance practices that attest to the survivance of Indigenous epistemologies, despite the restructuring of their traditional spaces of identity formation by colonial infrastructures and mapping tools. Throughout our inter-textual analyses, we wish to demonstrate that holistic, experiential, and ancestral philosophies, when revisited through artworks and stories, provide both decolonial methodologies that may erode hegemonic rhetorical structures, and tools to generate transnational spaces of resurgence.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/33386
Date04 1900
CreatorsMarcoux, Gabrielle
ContributorsVigneault, Louise
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageFrench
Typethesis, thèse
Formatapplication/pdf

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