Au XVIIIe siècle, les Bohémiens sont déjà présents dans le royaume de France et ses différentes provinces depuis plus de trois cents ans. Dans les deux derniers siècles de l’Ancien Régime, leur mode de vie est progressivement criminalisé, ce qui aboutit à leur rejet dans les franges marginales des vagabonds, voleurs, etc. Par conséquent, dans l’historiographie de ces groupes en Europe occidentale à l’époque moderne, la législation pénale et les archives judiciaires occupent une place prépondérante. Toutefois, il convient de dépasser une lecture univoque de ces documents. L’étude de la réglementation visant les Bohémiens en Lorraine et les considérations de la doctrine fournissent un large cadre d’analyse, mais les nombreuses pièces des procès permettent d’accéder à une réalité anthropologique plus subtile dans la mesure où les magistrats doivent prouver la qualité de Bohémien, et, à cette fin, cherchent à caractériser les accusés. C’est au moyen de techniques d’enquêtes, d’interrogatoires, et d’informations judiciaires qu’ils s’efforcent de mener à bien cette entreprise. La collecte archivistique a principalement mobilisé les fonds de bailliages et de maréchaussées, et s’est notamment fondée sur le corpus largement inédit du bailliage d’Allemagne. La masse conséquente des archives judiciaires criminelles relative au vagabondage a nécessité un véritable travail d’enquête visant tout d’abord à repérer les Bohémiens. Les pièces de procédure se révèlent donc une source d’informations importante, et, au travers des interrogatoires individuels, une identité collective se dessine. Le « métier de Bohémien » apparaît comme notion centrale dans la caractérisation de ces groupes. Le caractère transnational de la circulation des Bohémiens lorrains, dont on trouve des traces sur tout le territoire du royaume de France, en Belgique, au Luxembourg, dans les provinces allemandes, en Suisse et en Italie, laisse néanmoins transparaître un enracinement dans la région du Palatinat et de la Lorraine allemande. Pour autant, les juges se cantonnent à l’attribution d’une identité virtuelle, qui oblitère une identité réelle marquée par l’insertion des Bohémiens dans le tissu social. La doctrine juridique et les sciences humaines en devenir, s’emparant de la question à la fin du XVIIIe siècle, jouent un rôle important dans ce processus. / In the eighteenth century, the "Bohémiens" are already in the kingdom of France and its provinces since over three hundred years. In the last two centuries of the Ancien Regime, their lifestyle is progressively criminalized, resulting in their rejection in marginal fringes of vagabonds, thieves, etc. Therefore, in the historiography of these groups in Western Europe in the modern era, criminal law and judicial archives dominate. However, it must be moved beyond an unambiguous reading of these documents. The study of the regulation of the "Bohémiens" in Lorraine (in fact Gypsies belonging to the Manouche or Sinti group) and considerations of doctrine provide a broad framework, but the many parts of the trial provide access to a more subtle anthropological reality as judges must prove the gypsy quality, and to this end, seek to characterize the accused. It is through investigative techniques, interrogations, and legal information they seek to carry out this business. The archival collection consisted primarily of garnering data from bailiwicks and maréchaussées, and is particularly based on the largely unpublished body of the bailiwick of Germany ("bailliage d’Allemagne"). The consequent mass of criminal court records relating to vagrancy required a real investigative work, first of all to identify the Gypsies. The pleadings therefore reveal an important source of information, and, through individual interviews, collective identity is emerging. The art of Gypsy ("métier de Bohémien") appears as a central concept in the characterization of these groups. Transnational nature of the movement of Lorraine’s "Bohémiens", whose traces are found throughout the territory of the kingdom of France, Belgium, Luxembourg, in the German provinces, Switzerland and Italy, lets nonetheless see strong roots in the Palatinate region and the German Lorraine. Still, judges are confined to the allocation of a virtual identity, which obliterates a real identity marked by the integration of Gypsies into the social fabric. The legal doctrine and human sciences in the making, seizing the question at the end of the eighteenth century, play an important role in this process.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015DIJOD004 |
Date | 30 November 2015 |
Creators | Admant, Jules |
Contributors | Dijon, Garnot, Benoît, Bodineau, Pierre |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0027 seconds