Les cortices sensoriels sont des régions cérébrales essentielles pour la perception. En particulier, le cortex visuel traite l’information visuelle en provenance de la rétine qui transite par le thalamus. Les neurones sont les unités fonctionnelles qui transforment l'information sensorielle en signaux électriques, la transfèrent vers le cortex et l'intègrent. Les neurones du cortex visuel sont spécialisés et analysent différents aspects des stimuli visuels. La force des connections entre les neurones peut être modulée par la persistance de l'activité pré-synaptique et induit une augmentation ou une diminution du signal post-synaptique à long terme. Ces modifications de la connectivité synaptique peuvent induire la réorganisation de la carte corticale, c’est à dire la représentation de ce stimulus et la puissance de son traitement cortical. Cette réorganisation est connue sous le nom de plasticité corticale. Elle est particulièrement active durant la période de développement, mais elle s’observe aussi chez l’adulte, par exemple durant l’apprentissage. Le neurotransmetteur acétylcholine (ACh) est impliqué dans de nombreuses fonctions cognitives telles que l’apprentissage ou l’attention et il est important pour la plasticité corticale. En particulier, les récepteurs nicotiniques et muscariniques du sous-type M1 et M2 sont les récepteurs cholinergiques impliqués dans l’induction de la plasticité corticale.
L’objectif principal de la présente thèse est de déterminer les mécanismes de plasticité corticale induits par la stimulation du système cholinergique au niveau du télencéphale basal et de définir les effets sur l’amélioration de la perception sensorielle.
Afin d’induire la plasticité corticale, j’ai jumelé des stimulations visuelles à des injections intracorticales d’agoniste cholinergique (carbachol) ou à une stimulation du télencéphale basal (neurones cholinergiques qui innervent le cortex visuel primaire). J'ai analysé les potentiels évoqués visuels (PEVs) dans le cortex visuel primaire des rats pendant 4 à 8 heures après le couplage. Afin de préciser l’action de l’ACh sur l’activité des PEVs dans V1, j’ai injecté individuellement l’antagoniste des récepteurs muscariniques, nicotiniques, α7 ou NMDA avant l’infusion de carbachol. La stimulation du système cholinergique jumelée avec une stimulation visuelle augmente l’amplitude des PEVs durant plus de 8h. Le blocage des récepteurs muscarinique, nicotinique et NMDA abolit complètement cette amélioration, tandis que l’inhibition des récepteurs α7 a induit une augmentation instantanée des PEVs. Ces résultats suggèrent que l'ACh facilite à long terme la réponse aux stimuli visuels et que cette facilitation implique les récepteurs nicotiniques, muscariniques et une interaction avec les récepteur NMDA dans le cortex visuel. Ces mécanismes sont semblables à la potentiation à long-terme, évènement physiologique lié à l’apprentissage.
L’étape suivante était d’évaluer si l’effet de l’amplification cholinergique de l’entrée de l’information visuelle résultait non seulement en une modification de l’activité corticale mais aussi de la perception visuelle. J’ai donc mesuré l’amélioration de l’acuité visuelle de rats adultes éveillés exposés durant 10 minutes par jour pendant deux semaines à un stimulus visuel de type «réseau sinusoïdal» couplé à une stimulation électrique du télencéphale basal. L’acuité visuelle a été mesurée avant et après le couplage des stimulations visuelle et cholinergique à l’aide d’une tâche de discrimination visuelle. L’acuité visuelle du rat pour le stimulus d’entrainement a été augmentée après la période d’entrainement. L’augmentation de l’acuité visuelle n’a pas été observée lorsque la stimulation visuelle seule ou celle du télencéphale basal seul, ni lorsque les fibres cholinergiques ont été lésées avant la stimulation visuelle. Une augmentation à long terme de la réactivité corticale du cortex visuel primaire des neurones pyramidaux et des interneurones GABAergiques a été montrée par l’immunoréactivité au c-Fos. Ainsi, lorsque couplé à un entrainement visuel, le système cholinergique améliore les performances visuelles pour l’orientation et ce probablement par l’optimisation du processus d’attention et de plasticité corticale dans l’aire V1.
Afin d’étudier les mécanismes pharmacologiques impliqués dans l’amélioration de la perception visuelle, j’ai comparé les PEVs avant et après le couplage de la stimulation visuelle/cholinergique en présence d’agonistes/antagonistes sélectifs. Les injections intracorticales des différents agents pharmacologiques pendant le couplage ont montré que les récepteurs nicotiniques et M1 muscariniques amplifient la réponse corticale tandis que les récepteurs M2 muscariniques inhibent les neurones GABAergiques induisant un effet excitateur. L’infusion d’antagoniste du GABA corrobore l’hypothèse que le système inhibiteur est essentiel pour induire la plasticité corticale. Ces résultats démontrent que l’entrainement visuel jumelé avec la stimulation cholinergique améliore la plasticité corticale et qu’elle est contrôlée par les récepteurs nicotinique et muscariniques M1 et M2.
Mes résultats suggèrent que le système cholinergique est un système neuromodulateur qui peut améliorer la perception sensorielle lors d’un apprentissage perceptuel. Les mécanismes d’amélioration perceptuelle induits par l’acétylcholine sont liés aux processus d’attention, de potentialisation à long-terme et de modulation de la balance d’influx excitateur/inhibiteur. En particulier, le couplage de l’activité cholinergique avec une stimulation visuelle augmente le ratio de signal / bruit et ainsi la détection de cibles. L’augmentation de la concentration cholinergique corticale potentialise l’afférence thalamocorticale, ce qui facilite le traitement d’un nouveau stimulus et diminue la signalisation cortico-corticale minimisant ainsi la modulation latérale. Ceci est contrôlé par différents sous-types de récepteurs cholinergiques situés sur les neurones GABAergiques ou glutamatergiques des différentes couches corticales.
La présente thèse montre qu’une stimulation électrique dans le télencéphale basal a un effet similaire à l’infusion d’agoniste cholinergique et qu’un couplage de stimulations visuelle et cholinergique induit la plasticité corticale. Ce jumelage répété de stimulations visuelle/cholinergique augmente la capacité de discrimination visuelle et améliore la perception. Cette amélioration est corrélée à une amplification de l’activité neuronale démontrée par immunocytochimie du c-Fos. L’immunocytochimie montre aussi une différence entre l’activité des neurones glutamatergiques et GABAergiques dans les différentes couches corticales. L’injection pharmacologique pendant la stimulation visuelle/cholinergique suggère que les récepteurs nicotiniques, muscariniques M1 peuvent amplifier la réponse excitatrice tandis que les récepteurs M2 contrôlent l’activation GABAergique. Ainsi, le système cholinergique activé au cours du processus visuel induit des mécanismes de plasticité corticale et peut ainsi améliorer la capacité perceptive. De meilleures connaissances sur ces actions ouvrent la possibilité d’accélérer la restauration des fonctions visuelles lors d’un déficit ou d’amplifier la fonction cognitive. / Sensory cortex is an essential area where sensory perception occurs. Especially visual cortex processes visual information transmitted from the retina through the thalamus. By different neuronal activation the information is segregated and sent to diverse visual area for interpretation. Neurons are the basic unit that transform sensory information into electrophysiological signal, transfer to the cortex and integrate it. Connection between neurons can be modulated depending on the persistent presynaptic activity inducing either a long-term increase or decrease of the post-synaptic activity. Modification in synaptic strength can affect large area and induce reorganization of cortical map (i.e. cortical plasticity) which changes the representation of the visual stimulus and its weight in visual processing. Cortical plasticity can occur during juvenile while forming developmental connection or in adult while acquiring novel information (i.e. learning). The neurotransmitter ACh is involved in many cognitive functions, such as learning or attention and it was demonstrated that lesioning or blocking cholinergic system diminishes cortical plasticity. It was shown that nicotinic, M1 subtype and M2 subtype muscarinic receptors are the major cholinergic receptors abundant in the cortex and implicated during cortical plasticity induction.
In a first part, I analyzed visual evoked potentials (VEPs) in V1 of rats during a 4-8h period after coupling visual stimulation to an intracortical injection of ACh agonist carbachol or stimulation of basal forebrain. To clarify the action of ACh on VEP activity in V1, we individually injected muscarinic, nicotinic, α7, and NMDA receptor antagonists just before carbachol infusion. Stimulation of the cholinergic system paired with visual stimulation significantly increased VEP amplitude for long-term. Pre-inhibition of muscarinic, nicotinic and NMDA receptor completely abolished this long-term enhancement, while α7 inhibition induced an instant increase of VEP amplitude. This suggests a role of ACh in facilitating visual stimuli responsiveness which involves nicotinic and muscarinic receptors with an interaction of NMDA transmission in the visual cortex. These mechanisms were similar to long-term potentiation, a neurobiological mechanism of learning.
In a second step, I evaluate whether cholinergic modulation of visual neurons results in cortical activity and visual perception changes. Awake adult rats were exposed repetitively for two weeks to an orientation-specific grating with coupling visual stimulation to an electrical stimulation of the basal forebrain. The visual acuity, as measured using a visual water maze before and after coupling visual/cholinergic stimulation was increased. The increase in visual acuity was not observed when visual or basal forebrain stimulation was performed separately nor when cholinergic fibers were selectively lesioned prior to the visual stimulation. There was a long-lasting increase in cortical reactivity of the primary visual cortex shown by c-Fos immunoreactivity of both pyramidal and GABAergic interneuron. These findings demonstrate that when coupled with visual training, the cholinergic system improves visual performance for the trained orientation probably through enhancement of attentional processes and cortical plasticity in V1 related to the ratio of excitatory/inhibitory inputs.
Finally, I also investigated the different pharmacological mechanisms involved in the visual enhancement. Pre- and post-pairing visual/cholinergic stimulation VEP were compared with selective administered agonist/antagonist during the pairing. Awaken adult rats were exposed during 10 minutes per day for 1 week to an orientation specific grating with an electrical stimulation of the basal forebrain. Intracortical injection of different pharmacological agents during pairing demonstrated that nicotinic and M1 muscarinic receptors are used to amplify cortical response while M2 muscarinic receptor suppresses GABAergic neurons to disinhibit excitatory neurons. Infusion of GABAergic antagonist supported that inhibitory system is crucial to induce cortical plasticity. These findings demonstrate that visual training coupled with the cholinergic stimulation enhances the cortical plasticity mediated by nicotinic, M1 and M2 muscarinic receptors, which the latter induces a disinhibition by suppressing GABAergic neuron.
The cholinergic system is a potent neuromodulatory system. Boosting this system during perceptual learning robustly enhances the sensory perception. Especially, pairing a cholinergic activation with a visual stimulation increases the signal-to-noise ratio, cue detection ability in the primary visual cortex. This cholinergic enhancement increases the strength of thalamocortical afferent to facilitate the treatment of a novel stimulus while decreasing the cortico-cortical signaling to minimize recurrent or top-down modulation. This is mediated by different cholinergic receptor subtypes located in both glutamatergic and GABAergic neurons of the different cortical layers. The mechanisms of cholinergic enhancement are closely linked to attentional processes, long-term potentiation and modulation of the excitatory/inhibitory balance.
The present thesis shows that electrical stimulation of the basal forebrain has similar effect with cholinergic agonist release and pairing visual/cholinergic stimulation induces cortical plasticity. Repetitive pairing of visual/cholinergic increases visual discrimination capacity and enhances perceptual ability. This enhancement is followed by an augmentation of neuronal activity demonstrated by c-Fos immunohistochemistry. Immunoreactivity also shows difference in glutamatergic and GABAergic neurons activities between layers. Pharmacological injection during visual/cholinergic pairing suggests that nicotinic and M1 muscarinic receptor can amplify excitatory response while M2 receptor controls GABAergic activation. Altogether cholinergic system activated during visual process induces cortical plasticity and can enhance perceptual ability. Further understanding of this training has the potential to accelerate visual recovery or boost cognitive function.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/11827 |
Date | 06 1900 |
Creators | Kang, Jun-Il |
Contributors | Vaucher, Elvire |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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