Ce travail de recherche historique retrace l’évolution de l’école française au Vietnam de 1945 à 1975, en s’appuyant à la fois sur les archives et sur les témoignages d’anciens élèves et professeurs. Dans l’Indochine coloniale, sous couvert de la « mission civilisatrice », les Français instaurent un système éducatif destiné à produire des subalternes, leur crainte étant de créer des « déclassés » menaçants pour l’ordre colonial. Pourtant, en dépit des résistances officielles, les élites vietnamiennes font entrer leurs enfants dans les lycées français réservés en principe aux Européens, s’appropriant en partie ces établissements.Après la Seconde Guerre mondiale, le Vietnam s’engage dans la voie de l’indépendance, obligeant les Français à repenser leur doctrine scolaire, qui, après avoir cru un moment que la France resterait « l’éducatrice de l’Indochine », se résolvent à un rôle d’accompagnement via la création d’une mission culturelle. Il n’est plus question de limiter l’accès des Vietnamiens aux lycées français mais au contraire de leur ouvrir les portes pour leur proposer un enseignement de haut niveau. La défaite française de Ði?n Biên Ph? en 1954, qui voit la France se désengager du Vietnam, accélère la mutation de l’ancien système éducatif colonial. En passant sous la tutelle des Affaires étrangères, l’enseignement français au Vietnam devient un instrument de la diplomatie culturelle. Les Français espèrent qu’une présence culturelle assurée notamment par leurs prestigieux lycées leur garantira une influence déterminante. Au Nord, dans la République Démocratique du Vietnam pro-soviétique, le Lycée Albert-Sarraut devient la seule école occidentale à fonctionner dans un État du bloc communiste, et permet aux Français de conserver en pleine Guerre froide un lien privilégié avec un pays considéré en Occident comme un ennemi. Cette expérience unique s’achève en 1965 faute d’entente entre Français et Nord-Vietnamiens sur la nature du lycée. Au Sud, dans la République du Vietnam nationaliste et pro-américaine, la situation reste plus longtemps favorable aux Français. Les élites vietnamiennes se pressent aux portes des lycées français, gages d’un enseignement de qualité et d’un meilleur avenir pour leurs enfants dans un pays en guerre. Pour les Français, cette attirance pour leurs écoles et pour la culture française leur permet de contrer l’influence grandissante des États-Unis, qui investissent lourdement dans la réforme de l’État sud-vietnamien et notamment dans celle du système éducatif. Cependant, les gouvernements sud-vietnamiens, pour des raisons politiques, décrètent à la fin des années 1960 la nationalisation progressive de ces écoles. Après la réunification en avril 1975, tous les établissements français sont rendus au Vietnam. Telle qu’il est raconté par l’histoire « officielle » des archives, le parcours du système d’enseignement français au Vietnam se termine donc par un échec. Au Nord comme au Sud, les satisfactions qu’en retirent les dirigeants français sont minimales. Les élites vietnamiennes ne se sont pas ralliées aux positions françaises. Culturellement, la francophonie au Vietnam régresse dès les années 1950.En revanche, pour la centaine d’anciens élèves que nous avons interrogés sur cette période de leur vie, le système d’enseignement français est décrit comme un véritable succès, en dépit de parcours familiaux et scolaires particulièrement tourmentés. Leur perception de l’école française est unanimement positive. Ils ont étudié au sein de ces établissements dans une ambiance pacifique, studieuse et égalitaire.... / This historical research traces the evolution of the French schools in Vietnam from 1945 to 1975, drawing from archives and interviews with former students and teachers. In colonial Indochina, under the guise of the "civilizing mission", the French established an educational system designed to produce only subordinates, as they feared that a better education would create individuals likely to threaten the colonial order. Yet, in spite of the resistance of colonial authorities, Vietnamese elites always managed to send their children to the local French schools that were, in principle, open only to Europeans.After World War II, Vietnam embarked on the path of independence, forcing the French to rethink their educational policy in a country that was no longer a colony. After believing for a while that France would remain "the educator of Indochina", the French accepted to play a supporting role in Vietnamese education through the creation of a cultural mission. There was no longer question of limiting access to French schools: rather, those schools opened their doors wide to Vietnamese students to offer them a high-quality education. The French defeat of Ði?n Bien Phu in 1954, which resulted in France’s political withdrawal from Vietnam, accelerated the transformation of the former colonial education system. Passing under the tutelage of Foreign Affairs, the French schools in Vietnam became an instrument of cultural diplomacy. The French hoped that their continuing cultural presence, and particularly their prestigious lycées, would grant them a decisive influence in Vietnamese affairs. In the North, in the pro-Soviet Democratic Republic of Vietnam, the Lycée Albert-Sarraut became the only western school to operate in a communist nation, allowing the French to maintain a special relationship with a country that the West considered as an enemy. This unique experience was terminated in 1965 due to lack of agreement between the French and the North Vietnamese on the nature of the school. In the South, in the nationalist, pro-American Republic of Vietnam, the situation remained favorable to the French. Vietnamese elites rushed the gates of French schools, which promise them a quality education and a better future for their children in a war-torn country. For the French, the attractiveness of their schools and of French culture allowed them to counter the growing influence of the United States, who were then pushing ahead with reform, especially in the Vietnamese educational system. Nevertheless, the South Vietnamese government, for political reasons, decreed in the late 1960s the gradual nationalization of the French school system. After the Reunification of April 1975, all French schools were returned to the Vietnamese state. As told by the "official" history described in the archives, the story of the French educational system in Vietnam ends in failure. In both North and South Vietnam, French efforts in cultural diplomacy in Vietnam came to naught. Not only the Vietnamese elites did not concur with the French political positions, but the prominence of French language and culture actually decreased in Vietnam from the 1950s onwards.However, the hundred or so alumni we have interviewed about this period of their lives have described the French school system as a success....
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013PA05H009 |
Date | 20 September 2013 |
Creators | Nguyễn, Thụy Phương |
Contributors | Paris 5, Rogers, Rebecca |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text, Collection |
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