Ce travail interroge la façon dont un imaginaire magistro-discipulaire, conçu comme riposte à l’esprit décadent et retour à l’autorité du littérateur investit un roman français des années 1890-1900. Il explore cette période à travers Le Disciple de Paul Bourget, L’Ennemi des lois de Maurice Barrès, Les Nourritures terrestres de Gide. Il repère le fonctionnement et les implicites d’une dialectique maître/disciple à travers les manifestations, les mécanismes et les intentions qu’elle véhicule, tant auprès d’un public avoué (la jeunesse) qu’à destination d’un lectorat plus confidentiel (des romanciers pairs et rivaux). Il montre comment le gain symbolique puisé aux représentations du maître à penser participe d’une stratégie qui, sous couvert de socialisation et de pédagogie, sert la cause d’un romancier post-décadent qui, en quête d’une légitimité et à la recherche d’une écriture renouvelée du roman, entreprend l’exercice magistral comme l’impatronisation de l’écrivain en mentor, la moralisation du champ de la fiction en leçon de vie et l’identification du lecteur en disciple, récepteur et réceptacle d’un enseignement auctorial. De manière opérationnelle, il analyse alors l’articulation de structure d’un roman-magistère qui donne voix à un récit et un discours parallèles de maîtrise, et qu’un régime énonciatif distributif (ici diégétique, là extradiégétique) installe dans le dédoublement consonant (Bourget), satirique (Barrès) ou contradictoire (Gide) d’un romanesque didactique qui se réalise par les filtres d’une mise en scène fictive et d’une mise en discours effective, dont le rapport (redondant, distancié ou paradoxal) varie d’un texte à l’autre. La magistralité, ainsi présente dans le paratexte et la narration du roman, se développe sur les deux lignes d’un mécanisme qui réfléchit les deux modalités d’un descriptif et d’un discursif didactiques. Produit d’un dispositif textuel commun mais variable, elle relève de l’identité de trois auteurs proches, apparentés, mais de générations différentes et de notoriété non synchrone, et dont l’expression personnelle magistrale reste pour partie tributaire de celles des deux autres. Elle constitue de ce fait la trajectoire d’un corpus qui illustre en trois étapes ̶ le roman catéchétique, le roman parodique, le roman aporétique ̶ le déplacement de la garantie de la responsabilité à celle de l’originalité, au sein ou aux marges d’un roman de socialisation revu et corrigé à l’aune de chaque écrivain-mentor. Spéculaire par son organisation diffractée, mobile au gré de l’évolution contextuelle et de ses créateurs, le roman-magistère en effet épouse et répudie les attentes, les engouements et les croyances de la période post-décadente à travers la reviviscence sérieuse (Le Disciple), jouée (L’Ennemi des lois) ou réfutée (Les Nourritures terrestres) d’un lien de maître à disciple transposé dans les termes d’une relation entre le romancier et son lecteur. C’est que le paradigme magistral institué par le roman est, fondamentalement, ambigu : de nature double (il prétend se cantonner à l’univers de la fiction et relève simultanément d’un mimétisme social), il se veut de surcroît utile et moral (altruiste et éthique) quand bien même il se pense partisan et critique (polémique et idéologique). A cette ambivalence structurelle et tactique, il existe une coordonnée épicène dont cette thèse montre qu’elle peut fournir les clefs d’un dépassement : les trois magistères étudiés ont en effet pour dénominateur commun la question du livre-manuel, celle de sa rédaction (fonction dévolue à l’écrivain-pédagogue) et celle de sa réception (statut inféré du lecteur-disciple). Aussi, le contrat magistral raconté en diégèse et scellé en ses marges paratextuelles vaut-il toujours comme un pacte de lecture, où cristallisent le bon et le mauvais maître, le bon et le mauvais disciple. Cette mise en cause fictionnelle et pragmatique de l’écrit magistral ̶ anxieuse (Bourget), ludique (Barrès), oblique (Gide) ̶ est le fil rouge de cette étude qui s’efforce de rendre raison d’une dialectique de maîtrise complexe et polymorphe, dont l’intelligibilité passe par les enjeux symboliques qu’elle assigne au livre et à sa lecture / This piece of writing questions the way a master-disciple imagination-thought out as a riposte to the decadent spirit and advocating a return to the authority of the man of letters – holds an important place in the French novel of the years 1890-1900. It goes through this period with books such as Le Disciple by Paul Bourget, L’Ennemi des Lois by Maurice Barrès and Les Nourritures terrestres by Gide. It focuses on the functioning and the implicit of dialectics master/disciple through the manifestations, the mechanisms and the intentions that the latter conveys, both to an avowed audience (the youth) and to a more confidential readership (peer and rival novelists). It shows how the symbolic advantages drew on the representations of the master participates in a strategy that, under the guise of socialization and education, espouses a post-decadent novelist. The latter, in search of legitimacy and of a new novel writing, undertakes the master class writing exercise as the enthronement of the writer into a mentor, the raising of moral standards in the fictional work into a life lesson and the identification of the reader into a disciple, receiver and receptacle of an authorial teaching. In an operational way, this piece of writing analyses the structure of a “novel-magister/master” that fosters a narrative and a discourse that come from a master source. What’s more, an enunciative and distributive object (here narrative, there extra narrative) sets that structure in the consonant (Bourget), satirical (Barrès) or conflicting (Gide) dividing of an educational fiction that is achieved through the two filters of a fictitious “mise en scène” and of a pragmatical one ; however, the relationship (redundant, distanced, or paradoxical) changes from one text to another. The “master function” ̶ present in the surrounding (of a text) and the narrative of the novel ̶ develops into the two facets of a mechanism that reflects the two modalities of an educational discursive – the former, that results from a common but variable textual device, is a matter for the identity of three authors, close and related but belonging to different generations and having a non-simultaneous fame and whose personal expression concerning the “master figure” remains, to a certain extent, dependent on the identity of the two others. This “master function” thus constitutes the trajectory of a corpus that illustrates in three stages ̶ the catechetics novel, the parodic novel, the “aporia” novel ̶ the shifting of the guarantee of the responsibility to the one of the originality within or in the margins of a “socialization novel” given a new treatment by each writer-mentor. Specular by its split organization, mobile according to the contextual evolution end to its instigators, “the novel-magister/master” indeed espouses and renounces the expectations, the infatuations, and the beliefs of the post-decadent period through the honest (Le Disciple), feigned (L’Ennemi des Lois) or denied (Les Nourritures terrestres) revival of a link between master and disciple used as an epitome of a relationship between the novelist and his reader. The “master” paradigm instituted by the novel is fundamentally ambivalent merely double (it pretends to stick to the fictitious universe but it simultaneously deals with a social mimetism), it furthermore wants to be useful and moralistic (altruistic and ethical) even if it thinks itself as partisan and critical (polemic and ideological). Beyond this structural and tactical ambivalence, there is a central principle of which this paper shows that it can provide the keys to set new targets : the three forms of mastership under study Indeed have as a common point the issue of the manual, the one of its reception (implicit status of the reader/disciple). Thus, the mastership contract told in the narrative and sealed in its paratextual margins is still worth a reading pact where the good and bad master, the good and bad disciple crystallize. This fictional and pragmatic questioning of the “mastership” writing – anxious (Bourget), recreational (Barrès), oblique (Gide) – is the common theme of this paper that tries to highlight a dialectics of complex and polymorphous mastery, whose intelligibility goes through the symbolic stakes assigned t o the book and its reading
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2011METZ002L |
Date | 19 March 2011 |
Creators | Guidon, Frédéric |
Contributors | Metz, Wittmann, Jean-Michel |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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