Cette thèse est une contribution aux études contemporaines sur les rapports entre savoirs et empires. Elleexamine les modalités de l’engagement des militaires dans la production de savoirs portant sur l’Empireottoman, au regard du projet impérialiste français. Cette étude se veut une histoire sociale et intellectuelle dessavoirs militaires français dans cette situation spécifique. Elle a pour objet les écrits des officiers de la IIIeRépublique portant sur l’Empire ottoman et la Turquie, du congrès de Berlin (1878) au déclenchement de laSeconde Guerre mondiale (1939). La production de ces écrits est appréhendée dans la période de passage del’Empire ottoman à la République de Turquie ; d’un Empire à un État-nation. L’analyse des carrières desofficiers permet de situer les terrains ottomans et post-ottomans dans un espace plus élargi, tenant compte descirculations entre la France métropolitaine et ses colonies. Elle permet aussi de situer ces savoirs vis-à-vis d’unterrain qui apparaît comme un lieu à la fois d’acquisition et de mise à l’épreuve. Ainsi, nous définissons deuxtypes de circulations : transcoloniales et transottomanes. Les officiers et les savoirs circulent au sein de cesespaces multiples et connectés. La construction et les usages de savoirs sont examinés d’abord depuis le centred’un Empire en situation de paix : à Istanbul durant le règne d’Abdülhamid II et pendant la période jeuneturque.Nous nous focalisons sur les formes d’interaction (collaborations et résistances) entre les officiersfrançais et leurs interlocuteurs privilégiés : les élites militaires jeunes-turques qui jouent un rôle central dansles évolutions politiques du pays, de la révolution de 1908 à la fondation de la République de Turquie (1923).Le choix de l’armée française en tant qu’objet d’étude fait apparaître des formes territorialisées de la présencefrançaise et des types de savoirs qui lui sont liés, notamment dans les provinces : dans le cadre des missionsmilitaires (Macédoine ottomane, 1904-1914), des guerres et des occupations (Dardanelles, 1915, Istanbul,1918-1923, Cilicie, 1919-1921). Dans ces configurations, la production des savoirs est mise au service del’action (conquête, administration, pacification). Nous nous sommes aussi interrogés sur la redéfinition du rôledes officiers et de leurs savoirs sous la République de Mustafa Kemal Atatürk (1923-1939). La diversité dessupports de production des savoirs (production interne à l’armée, publications) et des discours (cohérences,discontinuités) des officiers français en situation impériale contredit ainsi l’idée d’une « Grande Muette », dontles agents seraient réduits à des rôles d’exécutants. / This dissertation is a contribution to the contemporary study of the relationship between knowledge and empire.It examines the modalities of the involvement of French officers in the production of knowledge on theOttoman Empire in the framework of French imperialism. In this regard, this study aspires to present a socialand intellectual history of French military knowledge. Its case study deals with the writings of officers of theThird Republic on the Ottoman Empire and Turkey, from the Congress of Berlin (1878) until the outbreak ofthe Second World War (1939). The production of these writings is considered within the framework of thetransition from the Ottoman Empire to the Republic of Turkey, i.e. from an empire to a nation state. Throughan analysis of the officers’ careers, the study situates the Ottoman and post-Ottoman spaces within a largerfield that takes into account the circulation between metropolitan France and its colonies. It also allows forsituating these forms of knowledge vis-a-vis the very field that functions as a space for both acquisition of andexperimentation with it. Thus, two kinds of circulations are defined: the trans-colonial and the trans-Ottoman.Both the officers and their forms of knowledge circulate within and between these multiple and connectedspaces. The construction and use of these forms of knowledge are examined first for an imperial center in timesof peace, i.e. Istanbul during the reign of Abdülhamid II, and second for the Young Turk period. The studyfocuses on the forms of interactions (collaboration and resistance) between the French officers and theirprivileged interlocutors, the Young-Turk military elites who play a central role in the political developmentsof the country from the revolution of 1908 to the foundation of the Republic of Turkey (1923). The choice ofthe French army as an object of study reveals the regionally specific forms of both the French presence and ofthe forms of knowledge intricately tied to it, particularly in the provinces during military missions (OttomanMacedonia, 1904-1914), wars and occupations (Dardanelles, 1915, Istanbul, 1918-1923, Cilicia, 1919-1921).In these contexts, the production of knowledge serves the course of action (conquest, administration,pacification). This study also questions the redefinition of the role of the officers and their knowledge duringthe Republic of Mustafa Kemal Atatürk (1923-1939). The diversity of the media of knowledge production(knowledge production internal to the army, publications) and of the discourses of French officers(consistencies, discontinuities) who are part of the imperial project contradicts the idea of a Grande Muette, a“Great Mute [army]” whose agents are conceptually reduced to the role of mere recipients of orders.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016MON30069 |
Date | 13 December 2016 |
Creators | Lamrhari, Loubna |
Contributors | Montpellier 3, Rousseau, Frédéric |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.004 seconds