Autour de l’année 1585 paraissent en France des recueils dialogués cultivant l’hybridité formelle et le mélange des tons : les Contes et discours d’Eutrapel de Noël du Fail, les Matinées et les Apresdisnées de Cholières ainsi que les Serées du libraire-imprimeur poitevin Guillaume Bouchet. Exploitant une des potentialités du Décaméron de Boccace, ils mettent l’accent sur la pratique des « devis », c’est-à-dire sur les conversations nouées par des compagnies conteuses. Ces « contes et discours bigarrez » font alterner les bribes de nouvelles, les anecdotes plaisantes et les railleries avec les matières les plus graves, fiches historiques, apophtegmes édifiants et développements juridiques. En un curieux mélange, l’art de « rencontrer » (de dire des bons mots) s’y mêle à l’érudition la plus ostentatoire. Au carrefour de l’histoire des formes littéraires et de la sociabilité, les notions de « facétie » et de « devis » permettent d’interroger la singularité de ces textes, en termes à la fois poétiques et sociaux. Le genre de la facétie humaniste y est de mieux en mieux assimilé, tandis que le dialogue philosophique cède la place à de souples conversations, qui redéfinissent les rapports des plaisanteries aux savoirs. En décrivant les réactions des interlocuteurs, ces textes mènent aussi une réflexion sur la sociabilité et les normes de la civilité. Alors que le royaume est en proie aux guerres civiles, ces conversations facétieuses esquissent des modèles de coexistence originaux, valorisant la liberté de parole, les conflits ludiques et les ententes paradoxales. À la veille du Grand siècle se décide un tournant important de l’histoire de la conversation, entre urbanité et rusticité, politesse et gauloiserie. / Dialogued works, hybrid in form and presenting a variety of tone, make their appearance around the year 1585, in the Contes et discours d’Eutrapel by Noël du Fail, Cholières’ Matinées and Apresdisnées, and Serées, by Poitou-native printer and bookseller, Guillaume Bouchet. Inspired by a potentiality offered by Boccaccio’s Decameron, the authors place the accent on the practice known as “devis”, or conversations that are started up in a storytelling mode. These “contes et discours bigarrez” alternate snatches of novellas, pleasant anecdotes and teasing mockery with more serious material, including historical notes, edifying apophthegms and legal developments. In a curious mélange, the art of “rencontrer” (being witty) is offset by showy erudition. At the crossroads of the history of literary forms and sociability, the notions of “facétie” and “devis” enlighten the singularity of these texts, in both poetic and social terms. The genre of humanistic witticism is increasingly integrated, while philosophical dialogue gives way to agile conversation, which redefines the relation between joking and learning. In describing the reactions of the persons addressed, these texts also invite research into the sociability and the civility codes of the day. At a time when the kingdom is rife with civil wars, these facetious or witty conversations are original models for coexistence, where freedom of speech, playful clashes and paradoxical agreements play leading roles. Part urbane, part countrified, between courteous and bawdy, an important turning point in the history of conversation is reached here, on the eve of the Grand Siècle.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015PA040091 |
Date | 26 September 2015 |
Creators | Kiès, Nicolas |
Contributors | Paris 4, Lestringant, Frank |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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