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L'autre par ses traces : les personnes endeuillées vis-à-vis des archives numériques de la personne décédée

La place toujours plus importante prise par les technologies numériques a bien moins amené une dématérialisation de la vie sociale qu’une matérialisation d’une autre nature. Ce qui était autrefois éphémère ou uniquement perceptible par quelques personnes devient aujourd’hui « objectif », s’archivant sur des supports à partir desquels on peut, à tout moment, retrouver intact l’enregistrement d’un instant passé. Par notre utilisation quotidienne des technologies numériques, nous produisons une infinité de données numériques qui sont susceptibles de constituer autant de traces de soi. En liant cette possibilité d’explorer ces traces devenues « objectives » à ce que plusieurs ont qualifié d’intimisation des rites de mort, je me suis questionné sur l’utilisation par les proches d’une personne décédée des données numériques et de leurs supports (cellulaire, ordinateur). Pour ce faire, j’ai mené 16 entrevues avec des personnes qui ont eu à interagir avec les appareils numériques d’un proche défunt. Si pour certains ces données sont ignorées ou vues comme sans intérêt, la plupart trouvent dans celles-ci une possibilité de continuer, voire de modifier, la relation entretenue avec le défunt. D’autres se montrent particulièrement prudents, tentant d’éviter de tomber sur des informations qui réactiveraient un souvenir qui les attristerait ou qui les mènerait à découvrir une réalité insoupçonnée. En évitant de consulter ce qui ne correspond pas à l’image du défunt tel qu’il apparaissait dans la relation qu’on entretenait avec lui et en cultivant à l’inverse le souvenir de ce qui y correspond, l’on tente à la fois de laisser à l’autre ce qui relève de son intimité, tout en utilisant les traces numériques pour donner, au-delà de la mort, une certaine consistance à une version personnalisée et positive du défunt. / The increasing importance of digital technologies in our lives has lead to a new kind of materialisation of social life rather than to its dematerialisation. What was once ephemeral or perceived by few only has now the possibility to become at any moment “objective” through devices, involved in displaying and archiving evidence of fleeting instants. Our daily use of digital technologies produces a myriad of digital data disposed to become traces of the Self. Thinking this possibility of exploring these traces now conceived as “objective” along with what has been qualified as the “intimisation” of death rituals, I was concerned about the use of the deceased’s digital footprint by their relative or friend. In order to do so, I have conducted 16 interviews with people who had to interact with a close deceased’s digital data and devices. If some interviewees ignored or saw no interest in this footprint, most of them found the possibility to extend, perhaps even modify and shape again the relationship with the deceased. Others were peculiarly cautious, trying to avoid finding information that could reactivate memories that might sadden them or lead them to an unexpected reality. People refrain the browsing of what might appear as incoherent with the relationship one has had with the deceased; therefore they cultivate the image of the deceased that is in line with their memories. They balance between trying to leave to the deceased what might be part of its intimacy and using these data and devices to give, beyond death, shape and consistency to a personal and positive image of the deceased.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/33140
Date12 January 2019
CreatorsBlouin, Thomas
ContributorsPastinelli, Madeleine
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typemémoire de maîtrise, COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise
Format1 ressource en ligne (iii, 136 pages), application/pdf
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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