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Une perspective intersectionnelle sur l'intervention en violence conjugale auprès des femmes immigrantes : les pratiques des intervenantes en maison d'hébergement du Québec

Cette thèse s’intéresse aux pratiques d’intervention en maison d’hébergement auprès des femmes immigrantes victimes de violence conjugale (FIVVC). L’objectif général de la thèseest d’explorer, à partir de la perspective intersectionnelle (PI), les manières dont lesintervenantes des maisons d’hébergement du Québec, tout en considérant les expériences vécues par les femmes immigrantes en situation de violence conjugale, analysent cette situation et interviennent auprès de ces femmes. Pour la collecte de données, cinq groupes focalisés et une vignette clinique ont été utilisés pour explorer les points de vue de 33 intervenantes de maisons d’hébergement de quatre régions du Québec (Montréal, Gatineau, Québec et Sherbrooke). Une analyse de contenu thématique a permis de dégager deux discours chez les intervenantes sur les expériences des FIVVC : un discours d’homogénéité et un discours d’hétérogénéité. Le premier discours, moins présent que le deuxième, tend à homogénéiser les expériences des FIVVC. Cette tendance s’explique par une vision essentialiste du vécu des femmes, construite à partir de l’axe du genre. L’intervention féministe en violence conjugale —entrée sur la victimisation des femmes et la domination masculine —, largement utilisée dans les maisons d’hébergement, expliquerait cette vision homogénéisante des femmes de la part des intervenantes rencontrées. Des aspects positifs et contraignants de ce type de discours sont aussi soulignés dans cette recherche. Le second discours met en avant une représentation diversifiée et hétérogène des FIVVC. Cette hétérogénéité se base sur la présence d’oppressions structurelles (lois et politiques sociales, racisme, discrimination, non reconnaissance des diplômes) dans les expériences des femmes dans leurs pays d’origine et dans le pays d’accueil. Notre recherche a pu dégager du discours des intervenantes une perception des FIVVC, comme plus vulnérables à la violence conjugale; cette vulnérabilité découlerait d’une multiplicité d’expériences d’oppression ainsi que d’une représentation contraignante de la famille, des croyances religieuses et des communautés d’appartenance des femmes immigrantes. Des enjeux de ce type de discours sont abordés dans cette thèse. Bien que le deuxième discours témoigne de la complexité de l’analyse des intervenantes sur les réalités des FIVVC en général, il se présente de façon désarticulée. Concernant les points de vue des intervenantes sur leurs pratiques, l’analyse des résultats a permis de dégager trois thèmes principaux autour desquels s’articulent les discours des intervenantes : 1) les caractéristiques de l’intervention en contexte interculturel, 2) les facteurs modulant les pratiques en contexte interculturel et 3) les défis de l’autonomisation des femmes. Nous avons relevé de la part des intervenantes une reconnaissance des besoins différents chez les FIVVC en lien avec leurs appartenances culturelles et leurs positions sociales multiples. Des stratégies — surtout de collectivisation — permettent, selon les intervenantes, d’intégrer les aspects culturels et religieux liés à ces appartenances, afin de favoriser l’inclusion, le respect, la justice et la solidarité entre femmes. Divers facteurs modulent les pratiques en contextes interculturels, notamment la langue parlée, la position sociale, le statut et l’expérience d’immigration. Les intervenantes se montrent préoccupées par l’autonomisation des FIVVC. Bien que le « maternage » ressorte comme une pratique courante quand il s’agit d’intervenir auprès des FIVVC, les intervenantes sont critiques à l’égard de cette façon de faire. La défense des droits est aussi une pratique couramment utilisée dans le but de favoriser l’autonomisation des FIVVC. Concernant l’application de la perspective intersectionnelle dans l’intervention auprès des FIVVC en maison d’hébergement, nous concluons que son utilisation favorise les pratiques d’inclusion, car elle considère plusieurs systèmes d’oppression qui se croisent dans la vie des FIVVC. Cette perspective offre des opportunités de développement des pratiques quiintègrent les aspects micro et macro — notamment les aspects identitaires des femmes et les aspects structurels —, ainsi que le développement de pratiques réflexives. L’utilisation de la grille d’analyse de Patricia Hill Collins a permis d’apporter un éclairage sur la manière d’appliquer la perspective intersectionnelle dans l’analyse des expériences et des pratiques des intervenantes auprès des FIVVC en maison d’hébergement. Nous abordons aussi certaines limites de l’application de cette perspective, notamment en ce qui concerne la place que le genre devrait occuper dans l’analyse et dans l’intervention en violence conjugale. Des pistes d’intervention et de recherches futures découlant de nos résultats sont finalement proposées. / This thesis constitutes an analysis of intervention practices used with immigrant women victims of domestic violence (IWVDV) in shelters. The purpose of the research was to adopt an intersectional approach to explore how shelter workers in the Province of Quebec assessand choose to intervene in situations affecting IWVDV. Data collection was carried out using five focus groups and one clinical vignette to explore the different viewpoints of 33 shelterworkers in women’s shelters in four regions in the Province of Quebec (Montreal, Gatineau, Quebec City and Sherbrooke) regarding their experiences with IWVDV and their choices of intervention practices used with these women. A thematic content analysis enabled us to identify two discourses in the shelter workers regarding their experiences with IWVDV: one discourse centered on homogeneity and the other, on heterogeneity. Less present than the second, the first discourse tended to homogenize shelter workers’ views of the IWVDV’s experiences. This tendency can be explained by an essentialism gender-based view of women’s experiences. Feminist intervention in domestic violence—which is centered on the victimization of women and the domination of men and which is widely used in women’s shelters—is one explanation for the homogeneous vision among the shelter workers we met with. Our research also highlights both the positive and limiting aspects of this type of discourse. The second discourse puts more emphasis on the diversity and heterogeneity of the IWVDV. This heterogeneity can be seen as a consequence of structural oppression (laws, social policies, racism, discrimination, non-recognition of credentials), both in the countries of origin and in the host country. Our research helped us to identify in the shelter workers’ discourse a perception that the IWVDVwere more vulnerable to domestic violence. This vulnerability, according to the shelter workers, would seem to be the result of multiple forms of oppression stemming from the families, religious beliefs and cultural communities. The present thesis thus addresses issues arising from this type of discourse. Although the second discourse illustrates the complexity of the analysis carried out by the shelter workers regarding the IWVDV’s situation, this discourse remains somewhat disorganized. In terms of the shelter workers’ viewpoints about their interventions, our analysis enabled us to identify three main themes on which their discourse primarily focused: 1) the characteristics of an intervention in an intercultural context, 2) the factors affecting practices in an intercultural context, and 3) the challenges in addressing women’s empowerment. We discovered that the shelter workers recognized the different needs of the IWVDV regarding their different cultural belongings and their multiple social roles. According to the shelter workers, different strategies, particularly collective approaches, made it possible to integrate the cultural and religious dimensions of these belongings, and thereby encourage inclusion, respect, justice, and solidarity among women. A variety of factors influenced the practices adopted in intercultural contexts, in particular the language spoken, the social position, the immigrants’ status, and their immigration experience. The shelter workers were particularly concerned by the issue of empowerment in IWVDV. While the issue of “mothering” was recognized as a widespread practice when shelter workers intervened with women in this group, these same workers tended to be critical of this approach. The defense of immigrant women’s rights was also an approach widely used by the shelter workers to further the BIW’s empowerment. Regarding the adoption of an IP in interventions with IWVDV in shelters, we are able to conclude that this approach encourages inclusive practices because it takes into account a range of systems of oppression which interact in IWVDV’s lives. This perspective opens up opportunities for developing practices that draw on both micro and macro aspects—in particular, women’s identity and structural aspects—as well as reflexive practices. Use of Patricia Hill Collins’s evaluation grid shed new light on how the IP can be used in analyzing the shelter workers’ experiences and practices when working with IWVDV in women’sshelters. The present thesis also takes into consideration some of the limitations of this perspective, particularly as regards the role that gender should play in domestic violence analysis and intervention. Further intervention avenues and research topics are also proposed.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/38105
Date14 February 2020
CreatorsCastro, Sastal
ContributorsLessard, Geneviève
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xvi, 133 pages), application/pdf
CoverageCanada, Québec (Province)
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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