Nous considérons quelques écrivains et critiques littéraires chez qui la lecture de la philosophie d'Henri Bergson, du vivant de celui-ci, a fait naître une réflexion intense et rigoureuse quant à sa signification et à son avenir. Charles Péguy, Marcel Proust, Jacques Rivière, Albert Thibaudet et Jean Paulhan – l'antibergsonien Julien Benda leur servant de contrepoint – éprouvent la nécessité de contester la quiétude de Bergson ou la manière qu'il a de refermer son problème. Ils restent néanmoins fidèles à ce problème, apparaissant dès lors surtout soucieux de recommencer le bergsonisme, de repartir de sa table rase. Bergson leur semble trahir inconsciemment ses propres principes : soit qu'il échoue à faire attention aux découpages propres du réel et qu'il cède à de faux problèmes, soit qu'il cède plutôt à de fausses solutions et laisse ses lecteurs dans l'incertitude, initiant malgré lui une « crise de la durée ». Ils ont le sentiment de pouvoir être bergsoniens mieux que Bergson, indissociablement avec et contre lui. Il leur semble surtout que l'accomplissement du bergsonisme comme philosophie ne puisse se faire que dans une œuvre de littérature : soit qu'ils trouvent dans Bergson une théorie inattendue de l'urgence d'écrire, soient qu'ils voient dans la littérature, notamment romanesque, la réalisation vraie de l'intention bergsonienne, ou le moyen d'atteindre une philosophie enfin durable. L'heure n'est plus à mettre la vérité du morceau de sucre dans sa dissolution, mais bien à laisser l'eau du temps gonfler les arêtes de la fleur de papier japonais – et refaire d'elle l'occasion de retrouvailles, de soi avec soi et de soi avec tous les autres. / I consider a few literary writers and critics whose reading of Henri Bergson's philosophy was careful and passionate enough to make them reflect on its true meaning and possible future. Each in their own way, Charles Péguy, Marcel Proust, Jacques Rivière, Albert Thibaudet and Jean Paulhan – Julien Benda working here as a counterpoint – needed to criticize Bergson's tranquillity and rejected part of the solutions he offered. They nevertheless stayed true to his fundamental problem, thus offering more of a new beginning to bergsonism than a condemnation. They felt that Bergson unconsciously betrayed his own principles: either because he failed to pay attention to the true divisions of reality and was led to the formulation of fake problems, or because he accepted fake solutions on the contrary, and therefore left his readers in distress. In the latter case, they argued, the philosophy of duration did nothing but increase the destructive effect of time. They felt that they could be better bergsonians than Bergson. More importantly, they came to the idea that bergsonism as a philosophy could only be accomplished within the pages of a literary work. Some discovered in Bergson an unexpectedly positive theory of language. Some saw in the writing of novels the true realization of Bergson's intention. Others understood literature as the only way to escape the anguish created by philosophy and to slow down the pace of history. The truth of sugar lies not in its dissolving, unlike Bergson suggested, and one should rather let the water of time swell the edges of Proust's flower of japanese paper. In it lies the possibility of finding oneself again, as well as regaining a community.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018SORUL063 |
Date | 21 June 2018 |
Creators | Girardi, Clément |
Contributors | Sorbonne université, Alexandre, Didier |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | English |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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