La notoriété dont jouit l’apport de Gadamer à la tradition de l’herméneutique philosophique tend à éclipser la finesse et la complexité de ses réflexions dans le domaine de la philosophie pratique. Or, Gadamer souligne lui-même que, dès le début de sa carrière, sa principale préoccupation a été celle de comprendre à partir des Grecs ce que sont la praxis et la philosophie pratique qui l’étudie. C’est cette préoccupation qui l’a conduit à développer par la suite ses réflexions sur l’herméneutique – discipline qu’il comprend comme une philosophie pratique. Dans ses écrits éthico-politiques, Gadamer porte une attention particulière à la philosophie grecque, pour laquelle son intérêt est si puissant que, dès ses premiers écrits, il aspirait à en revitaliser certains éléments liés à l’exercice de la dialectique et représentés par le mode de vie dialogique de Socrate. La philía est l’un de ces concepts grecs que Gadamer vise à ranimer dans les esprits contemporains puisque, selon lui, la philía révèle des vérités sur l’existence humaine que les conceptions subjectivistes dominantes dans la modernité ne réussissent pas à expliquer. Contrairement à l’idée selon laquelle l’être humain serait fondamentalement un être individuel et seulement de manière secondaire un être social, l’appropriation gadamérienne de la philía met en évidence la nature sociale de l’être humain, c’est-à-dire son appartenance essentielle à la sphère sociale – dont les dimensions les plus fondamentales sont celles de la solidarité et l’amitié, selon Gadamer.
Ce mémoire vise à montrer comment, en associant la notion grecque de philía aux phénomènes de l’amitié et de la solidarité, Gadamer comprend ces dernières comme reposant essentiellement sur le dialogue et la coexistence entre les êtres humains (par lesquels il leur est possible d’identifier le bien commun). Selon Gadamer, autant l’amitié que la solidarité consistent en l’orientation de l’agir de l’individu vers le bien des communautés auxquelles il appartient en vertu d’une reconnaissance du lien d’interdépendance qui l’unit à celles-ci. Dans la sphère de l’amitié, l’essence sociale des êtres humains se manifeste dans le partage de la tâche d’auto- connaissance qui est la leur : le dialogue et la coexistence des amis leur permettent de mieux se connaître qu’ils ne le feraient individuellement. Dans la sphère de la solidarité, l’essence sociale des êtres humains se manifeste dans le partage des tâches – comme la communication et la division du travail – qui rendent possible l’existence même de l’humanité. / The reputation of Gadamer’s contributions to the tradition of philosophical hermeneutics tends to eclipse the finesse and complexity of his reflections on practical philosophy. Gadamer himself states that, since the beginning of his career, his main concern has been understanding praxis and the practical philosophy that studies it. Gadamer’s ethical-political writings are heavily focused on Greek philosophy, his lifelong interest in which is evidenced in his attempts to revitalise certain elements related to the exercise of dialectics as represented by the dialogical life led by Socrates. The Greek notion of philía is one such concept that Gadamer aimed to revive in the minds of his contemporaries; he understood philia as revealing certain truths about human existence that the subjectivist conceptions dominating modern thought fail to grasp and explain. Unlike the idea that humans are fundamentally individual beings and only secondarily social, Gadamer’s appropriation of philia accentuates the social nature of human beings – that is, their essential belonging to the social sphere – whose most fundamental dimensions are those of solidarity and friendship.
This thesis aims to highlight the ways in which Gadamer’s association of the Greek notion philia to the phenomena of friendship and solidarity leads him to characterise these phenomena as fundamentally relying on the dialogue and coexistence between human beings (through which they are capable of identifying the common good). Gadamer maintains that both friendship and solidarity entail individuals orienting their actions toward the well-being of the communities to which they belong in accordance with their recognition of the interdependence that unites them. In Gadamer’s conception of philia as friendship, the social nature of human beings manifests in the way they share the task of self-knowledge (a task obligatory to every human being): the dialogue and coexistence between friends is what allows humans to understand themselves better than they would individually. In Gadamer’s conception of philia as solidarity, the social essence of human beings manifests in the shared tasks that make the very existence of humanity possible – such as the task of communication and the division of labour.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/27501 |
Date | 04 1900 |
Creators | Alcaine Avilés, Ana Sofía |
Contributors | Grondin, Jean |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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