Au moment où la majorité des êtres humains habitent la ville, le phénomène d'urbanisation planétaire s'accompagne d'une métamorphose des espaces tant géographiques que sociaux. Tout en concentrant les centres de décision de la nouvelle économie de l'information, la ville globale attire paradoxalement certains secteurs paupérisés de la population dans des quartiers du centre, le tout s'inscrivant dans un climat de fragmentation sociale et de ségrégation urbaine des habitats. Ayant pour principale modalité d'action l'occupation d'immeubles abandonnés, les sans-toit représentent une certaine traduction des tensions sociales liées à l'habitat urbain. Au lieu d'étudier ce mouvement en tant qu'acteur protestataire, l'aborder à partir des récits de ses participants permet de cerner comment on vit l'habiter dans une ville globale. Pour ce faire, les sans-toit sont abordés à partir de la problématique des imaginaires sociaux. Au-delà de l'exigence de s'abriter des intempéries, la nécessité anthropologique d'habiter réfère à l'exigence de se situer au sein du territoire social pour assurer son existence politique. Face aux ensembles de significations que l'énonciateur mobilise pour témoigner de son habitation et de son vécu au sein de la ville, ce dernier s'approprie, filtre et retraduit certains imaginaires politiques de manière à se positionner dans l'espace social. Alors que certains positionnements peuvent accentuer la hiérarchisation des places attribuées par l'ordre social, l'existence politique, elle, relève du fait que d'autres positionnements permettent de brouiller ce même ordonnancement. Plutôt que d'advenir par une remise en question' radicale de l'ordre social, le politique apparaît de façon plus complexe, à partir d'une négociation entre divers principes de rangement. C'est face à l'inadéquation des imaginaires politiques disponibles pour témoigner de leur vécu qu'un positionnement social intermédiaire émerge à partir d'une négociation entre imaginaires politiques contradictoires. Les sans-toit en rendent compte alors qu'ils se situent sur la frontière même de l'habiter, c'est-à-dire entre un retour à la rue et l'acquisition d'un logement, mais aussi entre une défense de l'ordre social institué et la remise en question radicale de ce dernier. Un tel positionnement correspond à celui de l'« entre-deux »: tiraillé entre deux principes de rangement, nous en témoignons comme souffrance sans toutefois proposer de manière d'y remédier. Nous parvenons néanmoins à dégager de cette souffrance une expression politique.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Mouvement des sans-toit, habiter, urbain, mouvements sociaux, politique, ville-globale, imaginaires sociaux, Sao Paulo, Brésil.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.3407 |
Date | 06 1900 |
Creators | Décary-Secours, Benoit |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/3407/ |
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