Introduction : Les maladies chroniques non transmissibles (MCNT) tuent chaque année près de 41 millions de personnes au monde, ce qui représente 71% du taux de mortalité mondiale. Le taux d’accroissement de ces maladies est plus élevé en Afrique Sub-Saharienne (ASS) comparativement au reste des pays du monde. Le Cameroun n’est pas en reste avec 35% du taux de mortalité attribuable aux MCNT dont l’hypertension artérielle (HTA) et le diabète de type 2 (DT2) qui sont en tête de liste, avec une prévalence de 32,1% et de 5,8% respectivement. L'HTA et le DT2 sont des maladies chroniques, coûteuses pour les patients et leurs familles qui supportent généralement seuls les coûts de traitement au Cameroun, compte tenu de l'insuffisance ou l’absence d'un système d'assurance maladie. De plus, ce qui est scientifiquement bien défini n’est pas toujours socialement/culturellement acceptable ou ne donne pas lieu à des changements de comportements attendus. Il en résulte une prépondérance de la non-observance des plans thérapeutiques par les patients. Il est donc urgent de mettre en œuvre des interventions à faible coût/efficacité axées sur les patients, qui leur permettent de mieux contrôler et de gérer leur maladie. Les interventions basées sur l’autonomisation des patients et de leurs familles, en plus d’améliorer la qualité des soins de santé, seraient utiles pour assurer l’observance des patients. Elles favoriseraient un meilleur contrôle de leurs paramètres biochimiques et physiques ainsi qu’une amélioration de leur mode de vie, notamment quand il s’agit des MCNT comme l’HTA et le DT2. L’objectif de la présente recherche est d’explorer les obstacles et facilitateurs de l’autonomisation des patients atteints de DT2 ou HTA au niveau individuel, organisationnel et systémique selon le point de vue et l’expérience de différents acteurs du système de soins camerounais.
Méthodologie : Pour réaliser cette recherche, nous avons utilisé différentes méthodes de collecte et d’analyse des données. Nous avons d’abord réalisé́ une revue systématique avec méta-analyse pour identifier les interventions basées sur l’autonomisation des patients et leur efficacité dans le contrôle du DT2 en ASS. Nous avons utilisé les données issues de la revue systématique et d’autres écrits scientifiques pour développer un cadre conceptuel intégré multiniveau, adapté à notre contexte d’étude, le Cameroun.
Nous avons ensuite eu recours à une étude qualitative multiniveau. Cette étude réalisée sur le terrain était une étude de cas unique à trois niveaux d’analyse imbriquée (macro, méso, micro). Pour explorer les barrières et les facilitateurs à l’autonomisation des patients, des entrevues semi-structurées ont été réalisées avec les patients (n = 23 participants) et leurs familles (n = 17 participants), les professionnels de la santé (six infirmiers/infirmières, deux médecins généralistes, et quatre médecins spécialistes) et les décideurs politiques (deux décideurs institutionnels et six décideurs centraux). Un groupe de discussion a été réalisé avec les patients préalablement interviewés (six participants). Des observations non participantes des consultations (n = 29) dans les bureaux des médecins spécialistes et des dispensations des services et soins de santé (n = 7) dans les salles d’hospitalisation ont été faites. Puis, des documents en rapport avec la prise en charge des patients diabétiques et hypertendus (n = 9) ont été analysés. Nous avons analysé ces données qualitatives à l'aide d'analyses thématiques et lexicométriques.
Résultats: La revue systématique avec méta-analyse nous a permis de mettre en exergue l’efficacité des interventions basées sur l’autonomisation des patients en Afrique subsaharienne dans le contrôle du DT2 via l’amélioration de la glycémie et de la pression artérielle. Cette étude soutient les conclusions selon lesquelles les interventions à long terme et les interventions liées aux habitudes de vie seraient les plus efficaces dans l'amélioration du contrôle de la glycémie et de la pression artérielle. Cette efficacité était surtout liée à la fréquence des rencontres, au soutien à l’éducation des patients et à la participation active d’une équipe multidisciplinaire.
L’étude multiniveau réalisée à l’hôpital de district de santé de Byiem-Assi (HDSB) au Cameroun a révélé que les facteurs exerçant une influence sur l'autonomisation des patients dans le contrôle de la maladie, identifiés par les différents participants à l’étude étaient similaires dans le même groupe de participants, et variaient beaucoup d’un groupe de participants à l’autre (ex : patients versus professionnels de la santé). Les participants identifiaient majoritairement les facteurs aux niveaux individuels et organisationnels, comparés à ceux du niveau central ou national, très peu ou pas connus des patients et leurs familles. Parallèlement, les décideurs politiques semblaient méconnaitre plusieurs facteurs au niveau individuel qui influencent l’autonomisation des patients. Les facteurs présents au niveau central, bien que peu nombreux et moins connus par les patients et leurs familles ainsi que certains professionnels de la santé, étaient généralement à l’origine des facteurs d’ordre individuel et organisationnel.
Les facteurs identifiés par les patients étaient principalement liés à l'autogestion de la maladie. Il s’agissait des facteurs directement liés à la gestion de la maladie, identifiés au niveau individuel, en rapport avec les habitudes de vie des patients et sur lesquels ils pouvaient exercer un certain contrôle. Les facteurs au niveau organisationnel / hospitalier étaient plus ciblés par les membres de la famille, à l’exemple de long temps d’attente, indirectement liés à la gestion de la maladie par les patients et sur lesquels ils n’avaient aucun contrôle. L’implication des patients et leurs familles dans le processus de prise de décision et les supports à l’autogestion de la maladie aidaient ces derniers à mieux s’approprier leur rôle dans le contrôle de la maladie et à être responsables de leurs actions, et ultimement à développer un fort sentiment de cohérence. Cette étude met en exergue le rôle important que jouent les membres de la famille dans le développement de l’autonomisation des patients pour un meilleur contrôle de l’HTA et du DT2.
Les facteurs identifiés par les professionnels de la santé étaient principalement liés à la prestation des services et soins de santé au niveau organisationnel et à l'autogestion de la maladie au niveau individuel. Les décideurs politiques étaient principalement axés sur les politiques / programmes élaborés au niveau central du ministère de la Santé et sur la prestation de services et soins de santé au niveau organisationnel. L’implication des professionnels de la santé dans le processus de prise de décision pour la prestation des services et soins de santé contribuait à promouvoir leur sentiment d'appropriation et de responsabilité sur ce qu'ils faisaient pour aider leurs patients à développer leurs capacités d'autogestion pour mieux contrôler leur maladie.
Conclusion : A notre connaissance, cette étude est une première au Cameroun et dans l’ensemble des pays de l’ASS. Elle intègre les différents niveaux du système de soins avec la participation de différents acteurs pour l’exploration des facteurs qui contribuent ou pas à l’autonomisation des patients. Bien que les interventions axées sur la modification des facteurs au niveau individuel soient essentielles, il est nécessaire de développer aussi des interventions ciblant les obstacles organisationnels et politiques au développement de l’autonomisation des patients. Les interventions ciblant simultanément ces facteurs à plusieurs niveaux peuvent être plus efficaces que les interventions à un seul niveau.
Le cadre conceptuel intégré que nous avons développé est une véritable contribution pour l’avancement de la science et pour le développement et la mise en œuvre des interventions futures de lutte contre les MCNT telles que l’HTA et le DT2. Dans l'ensemble, les résultats de cette thèse seront importants pour les cliniciens, les chercheurs, les patients et les décideurs politiques directement ou indirectement impliqués dans la prévention et le contrôle de l’HTA et du DT2 au Cameroun ainsi que dans des contextes similaires aux pays à revenu faible ou intermédiaire. / Background: Chronic noncommunicable diseases (CNCDs) kill nearly 41 million people worldwide each year, accounting for 71% of the global mortality rate. The rate of growth of these diseases is higher in Sub-Saharan Africa (SSA) compared to the rest of the world. In Cameroon, 35% of the mortality rate is attributable to CNCDs; hypertension (HTN) and type 2 diabetes (T2D) on the top of the list with the prevalence of 32.1% and 5.8%, respectively. HTN and T2D are long-term management diseases, financially draining for patients and their families generally bearing treatment costs in Cameroon, given the inadequate or non-existence of a health insurance system. Furthermore, what is scientifically known is not always socially or culturally acceptable or results in expected behavioural changes. This has resulted in a preponderance of patients’ being non-adherent to therapeutic plans. Thus, there is an urgent need to implement cost-effective patient-based interventions that empower patients to control and manage their own disease. Interventions based on patient empowerment have shown that, in addition to improving the quality of health care are necessary for patient adherence, allowing them to better control their biochemical and physical parameters as well as their lifestyle, especially when it comes to CNCDs such as HTN and T2D that patients are likely to deal with for the rest of their lives. The objective of this research is to explore the potential barriers and facilitators to patient empowerment at the individual, organizational, and systemic levels from the perspective and experience of different actors in the Cameroonian health care system.
Method: For this thesis, we used different methods of data collection and analysis. We first conducted́ a systematic review and meta-analysis to identify patient empowerment-based interventions and their effectiveness in controlling T2D in sub-Saharan Africa. We did the literature review to develop an integrated multi-level conceptual framework adapted to our study context in Cameroon. The qualitative study that followed was a single case study with entailing three levels of embedded analysis within the primary healthcare district hospital (PHCDH) in Cameroon (macro, meso, micro). To explore barriers and facilitators to the development of patient empowerment, semi-structured interviews were conducted with patients (n = 23 participants) and their families (n = 17 participants), health professionals (six nurses, two general practitioners, four specialists) and policy makers (two institutional decision makers, six central decision makers). A focus group was conducted with patients (six participants), non-participant observations of consultations (n = 29) and health care delivery (n = 7), and document reviews related to the management of diabetic and hypertensive patients (n = 9). We analyzed these qualitative data using thematic and lexicometric analysis.
Results: The systematic review and meta-analysis supports the findings that interventions based on patient empowerment may improve glycemia (HbA1c) and blood pressure of patients with T2D in SSA. The long-term and lifestyle interventions appeared to be the most effective interventions for glycemic control. Effectiveness that was mainly related to the frequency of meetings, the support for patient education and the active participation of a multidisciplinary team.
The multilevel study conducted at the PHCDH in Cameroon revealed that factors influencing the development of patient empowerment in disease control identified by the different participants were similar within the same group and different between groups. There was a preponderance of factors identified at the individual and organizational levels, compared to factors identified at the central level. While patients and families knew very little about the central level factors, at the same time, policy makers seemed to be unaware of several factors at the individual level that influence the development of patient empowerment. The factors present at the central level were generally trigger those identified at the individual and organizational levels.
Factors identified by patients were mainly associated with disease self-management. Present at the individual healthcare system level, they were related to patients' lifestyles, over which they could exercise some control. Factors at the organizational/hospital level were more targeted by family members, such as long waiting times, which were indirectly related to the patients' management of the disease and over which they had no control. Involving patients and their families in the decision-making process and providing them with supports for self-management of the disease helped them to have a sense of ownership and responsibility over what they are doing which leads to a sense of empowerment. This study further emphasizes the important role that family members called "caregivers" play in the development of patient empowerment in the disease-control process.
Factors identified by health professionals were mainly related to the delivery of health care and services at the organizational level and to self-management of the disease at the individual level. Policy makers were mainly focused on policies/programs developed at the central level of the ministry of health and on the delivery of health care and services at the organizational level. Involving health care professionals in the decision-making process for the delivery of health care services tended to increase their sense of ownership and responsibility over what they were doing to help their patients develop self-management skills to better control their disease.
Conclusion: To our knowledge, no prior study to this exists in Cameroon and in SSA countries that integrates the different levels of the health care system with different participants to explore the factors that contribute or not to the development of patient empowerment. While interventions focused on changing patient-level factors are essential, there is a need for more interventions addressing organizational and political barriers to the development of patient empowerment. Interventions simultaneously targeting these multilevel factors may be more effective than single-level interventions.
The integrated conceptual framework we have developed is a real contribution to the advancement of science and to the development and implementation of future interventions for CNCDs such as HTN and T2D. Overall, the results of this thesis will be important for clinicians, researchers, patients, and policy makers directly or indirectly involved in the prevention and control of HTN and T2D in Cameroon as well as in similar settings in low- and middle-income countries.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/28437 |
Date | 05 1900 |
Creators | Mogueo, Amélie |
Contributors | Kuate Defo, Barthelemy |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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