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Expériences et représentations de «l'intervention en situation interculturelle» chez des psychologues du Québec travaillant au privé

À l’intersection des mouvements actuels au Québec d’augmentation constante de la diversité culturelle et de la professionnalisation des pratiques de soins psychologiques apparaît la nécessité de mieux comprendre la pratique des psychologues en situations interculturelles. Les recherches empiriques explorant l’interculturel dans le quotidien des professionnels sont relativement éparses et récentes, d’autant plus en psychologie. Un relevé de la littérature montre les difficultés pour considérer sérieusement la culture en intervention et les éléments qui facilitent cette démarche. Pour approfondir la question, la présente thèse propose d’abord un cadre théorique praxéologique-interculturel qui tient compte de la sensibilité interculturelle, des orientations d’acculturation, du rapport aux connaissances et du rapport aux normes du côté du psychologue. Ce cadre a servi de guide pour répondre à l’objectif général qui est de décrire comment sont représentées et vécues les expériences d’intervention en situation interculturelle chez des psychologues du Québec travaillant au privé. Pour mener cette exploration, 21 psychologues ont été rencontrés à Québec et Montréal. Tous ont en commun d’avoir vécu au moins une expérience d’intervention interculturelle durant leur carrière. Il s’agit de femmes et d’hommes, d’âge, de niveau d’expérience et de pays de naissance variés. Le recrutement a visé le secteur de pratique privé qui apparaît particulièrement représentatif de la profession de la psychologie. Les personnes rencontrées ont d’abord réalisé une tâche d’association libre et celle-ci a été analysée à l’aide de méthodes descriptives. Elles ont par la suite été interrogées dans le cadre d’une entrevue semi-dirigée sur leurs expériences antérieures d’interventions en situation interculturelle pour mettre en lumière leurs représentations de l’Autre culturellement différent, de la consultation interculturelle et de leur propre rôle. Une analyse thématique a été réalisée sur ces entrevues. Les résultats globaux ont été mis en perspective avec le cadre théorique. Des comparaisons ont été effectuées entre les participants nés à l’extérieur et ceux nés au Canada et entre les participants rapportant plus fréquemment des expériences d’intervention en situation interculturelle et ceux en rapportant plus occasionnellement. Au niveau représentationnel, les résultats mettent en évidence que les psychologues interrogés n’ont généralement pas le sentiment de sortir de leur rôle en situation interculturelle, même s’ils nomment plusieurs spécificités qui touchent toutes les facettes de leur travail. La consultation est souvent perçue comme n’étant pas différente et certaines situations génèrent de la déstabilisation à des degrés variables. L’Autre culturellement différent est majoritairement représenté comme un immigrant en processus d’adaptation culturelle. Cette représentation émerge de celle du patient comme une personne en difficulté qui teinte l’ensemble des conceptualisations portées sur l’Autre et légitime les interventions du psychologue. Des positions individuelles ressortent au niveau de la pratique. Tous expriment un intérêt pour l’interculturel et une majorité démontre un niveau de sensibilité interculturel leur permettant d’adapter certains aspects de leur pratique. Les discours acculturatifs témoignent en majorité d’un désir d’intégration pour l’Autre culturellement différent et, chez certains, d’une perspective individualiste. Les connaissances spécifiques aux situations interculturelles sont généralement perçues positivement, mais leur utilisation est par moments limitée dans l’intervention. Le rapport aux normes professionnelles détermine des pratiques variant entre une normalisation plus forte d’un côté et une prise en compte des rapports « internormatifs » propres à la consultation interculturelle de l’autre. Le croisement de ces observations permet de répartir les participants dans une typologie du rapport à l’Autre culturellement différent, où près de la moitié montre un discours sur leurs pratiques faisant apparaître des difficultés à la décentration culturelle. En conclusion, une attitude d’ouverture, de bonnes intentions ou même une exposition fréquente aux contacts interculturels ne suffisent pas aux psychologues pour leur permettre de se décentrer pleinement d’une perspective uniquement psychologique. Une compréhension socialement partagée du rôle du psychologue centré sur l’intériorité d’un individu en difficulté peut limiter le développement de perspectives plus larges. Les apports des résultats à la formation interculturelle ainsi que les limites sont discutés. / In the province of Quebec, there is a need to better understand psychologists’ cross-cultural practice, considering that cultural diversity is constantly increasing and that professionalization of psychological cares continues to evolve. Furthermore, empirical research exploring intercultural encounters in the daily practice of health professionals is relatively scarce and recent, especially regarding psychologists. An in-depth review of the literature revealed the difficulties of truly considering culture in cross-cultural intervention and, on the contrary, uncovered the facilitating factors of such encounters. This thesis delves deeper in this literature and contributes to knowledge in the field of cross-cultural encounters in psychology by suggesting a praxeological-intercultural theoretical framework that takes into account psychologists’ intercultural sensitivity, acculturation orientations, relation to knowledge and relation to norms of their profession. This framework was then used to explore the way in which psychologists, working in a private practice in Quebec, represent and experience cross-cultural interventions. To carry out this exploratory study, 21 psychologists were interviewed in Quebec City and Montreal City. All participants had experienced at least one cross-cultural intervention during their career. The sample consisted of both women and men, of varying ages, levels of experience and countries of birth. Private practice was targeted, as it appears to be representative of the profession. First, the informants performed a free association task that was analyzed with descriptive methods. Then, they were interviewed about previous experiences of cross-cultural interventions, to highlight their representations of the culturally different Other, of the cross-cultural psychological consultation and of their own role. A thematic analysis was performed on these interviews. Results were interpreted through the theoretical framework described above. Comparisons were made between foreign-born participants and those born in Canada and between participants reporting more cross-cultural intervention experiences and those reporting less of these encounters. Concerning participants’ representations, findings show that the informants generally do not feel that they step out of their psychologist’s role, even if they discuss several particularities that affect all aspects of their work in cross-cultural contexts. Consultations are often perceived as similar, although some situations generate varying degrees of destabilization. The culturally different Other is predominantly represented as an immigrant in the process of cultural adaptation. This representation arises from a more general representation of the patient as a person experiencing difficulties. The later colors all the conceptualizations carried about the Other and legitimizes the interventions of the psychologist. Individual nuances and positions emerged when analysing practices. All participants expressed an interest for cross-cultural differences and a majority demonstrated a degree of cross-cultural sensitivity sufficient enough to favour some cross-cultural adaptations of psychotherapy. Discourses on acculturative issues mostly reflect a desire for integration of the culturally different Other and less often demonstrate individualistic perspectives. Specific knowledge about cross-cultural issues are generally perceived positively, but their usefulness is sometimes limited in the context of real interventions. Analysis of professional norms shows practices varying between a stronger standardization on the one hand and a consideration of the "inter-normative" aspects of the cross-cultural consultation relationship on the other. Participants were distributed into a typology of the relationship to the culturally different Other after crossing observations from these different theoretical perspectives. Nearly half of them showed a discourse on their practices revealing difficulties with the cultural decentration processes. In conclusion, an attitude of openness, good intentions or even frequent exposure to intercultural contacts is not enough for psychologists to allow them to fully decentre from a purely psychological perspective. A socially shared understanding of the psychologist's role centered on the inner self of an individual living with difficulties may limit the development of broader perspectives. Contributions of the results for cross-cultural training as well as the limits of the current research are discussed.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/29969
Date05 June 2018
CreatorsMichaud Labonté, Thomas
ContributorsLeanza, Yvan
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xii, 273 pages), application/pdf
CoverageQuébec (Province)
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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