Si le numérique transforme le secteur de l’énergie, l’ampleur et les formes prises par cette évolution restent à étudier. La conception du compteur communicant Linky a été accompagnée dès 2005 de nombreuses tentatives de redéfinition des conduites individuelles, prônant l’avènement d’un « consommateur intelligent » (smart consumer), qui repose à la fois sur une logique d’ouverture des marchés de l’énergie et sur un principe d’économie et de transition énergétique. Or, l’installation de cette nouvelle technologie, déjà installée dans de nombreux autres pays depuis le début des années 2000, fait débat, et ce, depuis son lancement expérimental en 2010.Contre une rationalité sans lieu et sans histoire du compteur Linky, cette thèse en sociologie de l’innovation propose d’analyser les formes de politisation et les modalités d’appropriation que suscitent la conception, la réception et le fonctionnement de cette nouvelle technologie. Cette étude met en évidence que les qualifications du compteur Linky dépassent les espaces de conception : le sens et les appropriations se construisent au sein des mondes sociaux parties prenantes du compteur Linky. À chacune des étapes d’innovation dans les mondes sociaux étudiés du compteur Linky, de nouvelles controverses apparaissent, s’articulant autour de débats en apparence très éloignés les uns des autres. Le compteur Linky, en tant qu’infrastructure de numérisation du monde de l’énergie, agit ainsi comme un révélateur de nouvelles interrogations, à l’aune de débats contemporains sur la consommation, la santé, et le numérique, tels que négociés par plusieurs « entrepreneurs de cause », qu’ils soient professionnels ou non (défenseurs de la protection des données personnelles, collectifs électrohypersensibles, promoteurs de la transition énergétique, militants de l’ouverture des données personnelles, personnels de terrain). Omniprésente, les figures de l’usager et du citoyen n’ont de cesse d’être invoquées au sein de ces régimes de dénonciations : usager acteur de ses consommations, précaires énergétiques, victimes sanitaires, personnes dont la vie privée est atteinte, etc.Braquer le projecteur sur la nouveauté du compteur Linky ou les controverses médiatiques qu’il suscite masque en partie l’ensemble des régulations à l’œuvre opérées par les mondes sociaux du compteur Linky : la thèse montre que les dynamiques de controverses sont liées à des spécificités locales (histoire sociopolitique des territoires ; réseaux associatifs et politiques ; caractéristiques des parcs de compteurs analogiques). L’étude de la relation de service des professionnels de terrain/clients montre également le poids des régulations de proximité : après une intense phase de résolution de litiges, les professionnels vont resserrer le sens et les usages de l’infrastructure dans le cadre d’une relation de service pacifiée autour de la figure d’un client honnête tenu à distance de son infrastructure de comptage. Le compteur Linky — cequ’il devrait être, ce qu’il devient finalement — donne à voir une pluralité de modèles de société (société sobre en économies d’énergie, société « connectée », etc.). C’est à l’analyse de ce processus, de cette « mise en société », présidant la transformation et l’adaptation du compteur Linky, que cette thèse est consacrée.Cette recherche, en partenariat avec le Groupe de Recherche Énergie, Technologie et Société (EDF Lab), s’appuie sur près de 135 entretiens et des observations ethnographiques (en Île-de-France, dans le sud-ouest, en Indre-et-Loire et dans la métropole lyonnaise), menés avec l’ensemble des parties prenantes, de la conception et de la diffusion, sur l’étude de deux terrains contrastés d’expérimentation du compteur Linky, ainsi que d’analyses de contenus médiatiques et d’archives historiques des entreprises de l’énergie. / While digital technologies are transforming the energy sector, the scale and forms taken by this evolution remains to be studied. Through smart grids, digitization has been established as an indisputable rational imperative, even becoming the roadmap of the French public authorities with the communicating counter called "Linky". Following a social consultation initiated in 2005, the design of this tool was accompanied by numerous attempts to redefine individual behaviour, advocating the advent of a "smart consumer", which is based both on a logic of opening of the energy markets and on a principle of economy and energy transition. However, the implementation of this new technology (almost a third of the residential park already replaced in September 2018), already installed in many other countries since the early 2000s, is regularly debated in the public space and since its experimental launch in 2010.Advocating against a placeless and a-historical approach of the Linky counter, this thesis in sociology of innovation analyses the forms of politicization and the modes of appropriation that arise in the processes of conception, reception and operation of this new technology. The conditions of development and uses of the meter go beyond technological issues. At each of the stages of innovation in the social worlds studied by the Linky Meter, new controversies emerge, revolving around debates seemingly far apart from each other. The Linky meter, as a digitization infrastructure of the world of energy, triggers questions. Ubiquitous, the figure of the citizen is constantly invoked within these regimes of denunciations: users monitoring their consumptions, precarious access to energy, health casualties, people whose privacy is breached, etc. The actors oppose the Linky counter on the basis of the defence of the general interest (to the detriment of particular interests) and of the protection of citizens, often setting the focus on vulnerable ones (consumers, workers, health victims). This study shows how contestation, both in the company and in the public space, interferes with the development of the communicating meter and sometimes manages to block the emergence of certain technical features or modify their course. The development and politicization of the Linky meter is not only mediated by actors from the worlds of energy and their concerns, but is also updated in the light of contemporary debates. Questions of consumption, health, and digital are endorsed by claims makers, both professional and volunteers (defenders of personal data protection, electro hypersensitive collectives, promoters of the energy transition, activists advocating against the opening of personal data, field staff). The Linky Meter - what it should be, what it ultimately becomes, reveals a plurality of social models (low-energy society, connected society, etc.). The thesis explores the ways in which Linky meter is being embedded in society and thereby transformed and adapted.This research, in partnership with the Research Group Energy Technology and Society (EDF Lab), is based on nearly 135 interviews and ethnographic observations in Île-de-France, in the southwest, in Indre-et-Loire, and in the Lyon metropolis), conducted with all stakeholders, design and dissemination, as well as the study of two contrasting test sites of the Linky meter.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018PESC0003 |
Date | 30 November 2018 |
Creators | Danieli, Aude |
Contributors | Paris Est, Coutard, Olivier |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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