Cette thèse porte sur le rôle des organismes communautaires entre 1994 et 2002 dans l’élaboration de politiques pour lutter contre la pauvreté au Québec et en Irlande et ce, dans un contexte de gouvernance. Au cours de années 1980 et 1990, des gouvernements, dont ceux du Québec et de l’Irlande, ont fait appel à des organismes communautaires pour que ceux-ci participent à la gestion des services sociaux ainsi qu’à la formulation des politiques sociales. Cette participation s’est inscrite dans le cadre de nouveaux arrangements politiques, soit des nouvelles formes de gouvernance alors que les gouvernements éprouvaient des difficultés à remédier à l’accroissement des inégalités sociales. Cependant, il demeure difficile de discerner en quoi l’établissement de ces nouvelles formes de gouvernance a façonné le rôle des organismes communautaires dans l’élaboration des politiques pour lutter contre la pauvreté. De plus, les partenariats sociaux en Irlande relèvent d’un processus davantage institué que la concertation au Québec, ce qui a entraîné des différences au plan des mobilisations sociales. L’objectif de cette thèse est donc celui de mieux cerner le lien entre les nouvelles formes de gouvernance et la mobilisation sociale des organismes communautaires dans l’élaboration de politiques pour lutter contre la pauvreté.
L’hypothèse mise en avant est que l’efficacité de l’action collective dépend de la manière dont les organismes communautaires s’y prennent pour pallier l’incertitude qui caractérise les modes de gouvernance. Sur le plan théorique, cette thèse mise sur les interactions entre acteurs et, plus particulièrement, sur la formation de réseaux de politiques publiques. Cela implique plus précisément de cerner comment les acteurs coordonnent des activités entre eux et se rallient autour d’un même thème, comme celui de la lutte contre la pauvreté. Lorsque la coordination des activités est forte et que le ralliement autour d’un même thème est important, on parle de coalition de cause. La nécessité de former une coalition se produit dans le contexte d’un champ institutionnel incertain, comme c’est le cas pour les mécanismes de concertation au Québec. Mais le caractère incertain du champ institutionnel entraîne aussi des divergences à l’intérieur de la coalition instaurée à cette occasion, ayant pour effet d’affaiblir la mobilisation sociale. Ainsi, l’interprétation que font les organismes communautaires des nouvelles formes de gouvernance façonne la manière dont ces organismes vont définir la lutte contre la pauvreté et élaborer leurs stratégies.
Sur le plan méthodologique, le choix des cas de l’Irlande et du Québec repose dans les différences qui existent en termes de gouvernance et ce, alors qu’ils partagent de fortes similarités. Tant l’Irlande que le Québec sont caractérisés par des économies de marché ouvertes, des régimes d’État-providence de type libéral ainsi que l’emprise, par le passé, de l’Église catholique dans les services sociaux. Cependant, ces deux cas diffèrent en ce qui concerne le rôle de l’État, le système électoral, le statut juridico-politique, le caractère de leur économie et la place occupée par le milieu communautaire par rapport à l’État. Ces différences permettent de rendre compte du moins en ce qui concerne le Québec et l’Irlande, de la manière dont l’action collective découle de la relation entre les stratégies des acteurs et le contexte dans lequel ils se situent.
Cette thèse montre comment, dans un processus davantage institué, comme c’est le cas des partenariats sociaux en Irlande, la mobilisation sociale s’avère plus efficace que lorsqu’elle se situe dans le cadre d’un processus moins institué, comme ce qu’on peut observer avec la concertation au Québec. Bien que, dans les deux cas, l’influence du milieu communautaire en matière des politiques sociales demeure mitigée, la mobilisation sociale des organismes communautaires irlandais s’est avérée plus efficace que celle de leurs homologues québécois eu égard de la formulation de politiques pour lutter contre la pauvreté. Au Québec, bien que les organismes communautaires sont parvenus à former une coalition, soit le Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté, leur mobilisation s’est trouvée affaiblie en raison de la prédominance de divergences entre acteurs communautaires. De telles divergences étaient aggravées en raison du caractère incertain du champ institutionnel lié à la concertation. En Irlande, bien que les organismes communautaires ont dû faire face à des contraintes qui rendaient difficiles la formation d’une coalition, ceux-ci ont pu néanmoins se mobiliser autrement, notamment en raison de liens formés avec des fonctionnaires dans le cadre des ententes partenariales. / This dissertation concentrates on the role community organisations played between 1994 and 2002 in the development of anti-poverty policies in Québec and in Ireland. The elaboration of these policies took place within a context characterized by new forms of governance, that is new political arrangements designed to include non-governmental actors in the policy process. Indeed, since the 1980s and 1990s, community organizations have been called upon by their governments to take part in the delivery of social services and, in particular, in the development of anti-poverty policies. This comes at a time when governments are having difficulty addressing social inequalities. But despite greater inclusion of community organizations into the policy process, the extent of their role in social policy development remains difficult to ascertain. This is made all the more difficult on account of institutional differences, like those that exist between social partnerships in Ireland and cooperation-based initiatives (« la concertation ») in Québec. The objective of this dissertation is therefore to understand how new forms of governance shaped community organizations’ efforts to mobilize around the fight against poverty.
The hypothesis put forth in this dissertation is that collective action is shaped by the way in which community organizations compose with the uncertainty which characterizes new modes of governance. The theoretical framework focuses on the way in which actors interact in the course of the development of anti-poverty policies. These interactions are characterized by the formation of policy networks. Their cohesion depends on the extent to which actors coordinate their activities and also rally around a similar theme, like that of fighting against poverty and social exclusion. When a policy network is highly cohesive, it resembles an advocacy coalition. This happens when actors’ mobilization efforts take place within a less institutionalized process. Because such a process is marked by uncertainty, it becomes necessary for actors such as community organizations to form a coalition. However, with that uncertainty differences emerge over strategy within such a coalition. As a result, the formation of a coalition does not, in and of itself, guarantee a strong mobilization. Put simply, community organizations’ efforts depend on the way in which they interpret the new forms of governance in which they participate.
From a methodological standpoint, the choice to study Québec and Ireland on a comparative basis lies in the fact that although the two cases share strong similarities, they differ sharply when it comes to governance. Both are small open economies, have liberal welfare states and have, in the past, been characterized by the Catholic Church’s predominance in social services. However, these cases differ in terms of the role of the state, their electoral systems, their judicial and political status, the nature of their economies and the role of the community sector in public policy. Such a comparison renders it possible to better understand in what way actors’ strategies are related to the wider context in which they find themselves.
This dissertation has found that while social mobilization may, in the context of an institutionalized process, seem weak, it is more effective in enabling community organizations to exert influence in the development of anti-poverty policies. This was the case in Ireland. Indeed, while the social partnership process constrained community organizations in forming a coalition, it also enabled them to form ties with key civil servants. This gave community organizations the opportunity to tailor their demands in an effective manner. Such a margin of manoeuver did not exist for community organizations in Québec. Moreover, the need to form a coalition resulted in community organizations diverging over strategy. Their divergences stemmed from the uncertain form « la concertation » took in the development of Bill 112, the anti-poverty bill. While community organizations did form a coalition, the Collective to Eliminate Poverty, disagreements over strategy took over, thus weakening mobilization efforts.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/4110 |
Date | 03 1900 |
Creators | Charlebois, Kathleen |
Contributors | Hamel, Pierre, White, Deena |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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