Le contexte actuel de la profession enseignante au Québec est caractérisé par l’évolution manifeste qu’a connue l’enseignement depuis les dernières décennies, évolution marquée par une complexification de la tâche, accentuée par divers phénomènes sociaux. En dépit de l’épuisement professionnel et de l’attrition de certains, plusieurs enseignantes et enseignants relèvent le défi de l’enseignement en milieux difficiles et réussissent à se développer professionnellement. Ce phénomène s’apparente au concept de résilience. Parmi les facteurs personnels de protection qui favorisent la résilience, les habiletés et compétences professionnelles ont déjà été mises en évidence chez le personnel scolaire résilient. De son côté, la littérature sur le développement des compétences professionnelles valorise l’importance de la réflexion sur la pratique comme vecteur privilégié de ce processus. Dans cette perspective, la question de recherche posée est à savoir si des relations peuvent être établies entre la résilience et la réflexion sur la pratique en enseignement.
Ainsi, suivant la conceptualisation de G.E. Richardson (2002), nous avons tenté d’explorer les relations entre la résilience et la réflexion du personnel enseignant, telle que conceptualisée par Korthagen (1985, 2004), à l’aide de stratégies mixtes de collecte et d’analyse des données. Nous avons d’abord opérationnalisé les deux concepts par des indices provenant de plusieurs instruments: questionnaire sur la qualité de vie au travail, journal d’autoévaluation du stress, entretien semi-dirigé. Vingt-et-une enseignantes et deux enseignants de sept écoles primaires parmi les plus défavorisées de Montréal ont participé à l’étude. Près de 7000 unités de sens ont été codées dans les entretiens. Des analyses quantitatives et qualitatives ont permis de décrire l’adversité (stress) vécue par les participants, leur qualité de vie au travail et leurs compétences professionnelles (adaptation positive), de même que leurs facteurs de risque et de protection, individuels et environnementaux. Cette démarche a permis de dégager quatre profils généraux de résilience parmi les 23 participants: très résilient (2), résilient (9), peu résilient (8) et non résilient (2). Parallèlement, le processus et les contenus de la réflexion des participants ont été analysés à partir des modèles théoriques choisis. On remarque que la plupart des participants se centrent davantage sur la description des situations problématiques, plutôt que sur la recherche de solutions, et sur les contenus environnementaux, plutôt que personnels. L’analyse verticale de quatre cas représentatifs des profils de résilience a permis des comparaisons approfondies au plan de la réflexion. Ce sont les enseignantes situées aux extrêmes du continuum de résilience (la plus résiliente et la moins résiliente de l’échantillon) qui ont montré les distinctions les plus nettes. Notamment, il semblerait qu’une faible résilience soit liée à une centration accrue sur les problèmes plutôt que sur les solutions, ainsi que sur les contenus réflexifs environnementaux plutôt que personnels, et inversement.
Enfin, malgré certaines limites méthodologiques et conceptuelles, cette étude révèle l’existence de liens empiriques entre la réflexion et la résilience d’enseignantes et d’enseignants œuvrant en milieux défavorisés. Elle ouvre également la voie à des pistes pour développer la résilience du personnel scolaire et propose des idées de recherches prospectives. / The actual teaching context in Québec is undoubtedly influenced by changes of the profession throughout the last decades. These changes are marked by the growing complexity of the task and the challenging working conditions, especially in poor inner-city schools. While some teachers suffer from burnout or literally quit the profession, others take it as a challenge and find ways to improve themselves professionally; this could be termed resilience. Some studies point out that the professional competences and abilities are an important personal protective factor enhancing teacher resilience. Besides, the professional development literature stresses that teacher reflection is fairly significant in this process. In that perspective, we can wonder if some links could be emphasized between teacher resilience and reflection.
Thus, according to G.E. Richardson’s (2002) conceptualization, we explored the relationship between teacher resilience and reflection on practice, as conceptualized by Korthagen (1985, 2004). To do so, we used a mixed method approach. Before data collection and analysis, we first had to operationalize these two concepts, by means of indicators form different instruments: a quality of work life questionnaire, a daily stress diary, a semi-structured interview. 23 teachers across seven Montréal underprivileged elementary schools participated to the whole study. Nearby 7000 segments were coded in the interviews. The quantitative and qualitative analysis of the data enabled us to describe the adversity (stress) faced by the participants, their quality of work life and their professional competences (positive adaptation), and their personal and environmental risk and protective factors. This procedure made it possible to identify four resilience profiles among the 23 teachers: 1) very resilient (2 teachers), 2) resilient (9 teachers), 3) less resilient (8 teachers), and 4) non resilient (2 teachers). Each teacher was then characterized according to his reflection, using the selected theoretical models. Most of the teachers seemed more concerned describing the problems than searching for solutions to solve them, and mostly centered on the environmental contents of reflection, instead the personal ones. Afterwards, the vertical analysis of four representative cases was compared to highlight the differences between the teachers, according to their reflection. These distinctions were stronger and clearer for the two teachers situated at the extremes of the resilience continuum (the most resilient and the less resilient teachers of the sample). Particularly, a low resilience seemed to be related to an increased emphasis on the problems instead of the solutions, and on the environmental instead of the personal reflective contents, and inversely.
At last, despite some empirical and methodological limits, this research reveals the evidence of empirical relationships between resilience and reflection of elementary teachers working in poor inner-city schools. The study also highlights some avenues for professional development and teacher resilience, and suggests ideas for future research.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/3946 |
Date | 09 1900 |
Creators | Leroux, Mylène |
Contributors | Théorêt, Manon |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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