La présente recherche explore les interactions entre les différentes actrices d’un quartier dans un contexte de transformation urbaine, afin de comprendre en quoi ces interactions contribuent à façonner des identités sociales. Il s’agit de comprendre les dynamiques sociales qui se tissent entre les formes de pouvoir incarnées par les instances officielles, les médias et les résidentes d’un quartier. En s’appuyant sur le quartier Hochelaga-Maisonneuve (HM) à Montréal en cours de gentrification depuis le début des années 2000, cette recherche se penche sur l’hypothèse d’une identité sociale située, et montre que cette identité est liée aux discours médiatiques et officiels.
Cette étude prend la forme d’une ethnographie rétrospective virtuelle qui plonge au cœur de la réalité socioéconomique du HM entre 2004 et 2023. L’étude transversale se concentre sur la période entre 2010 et 2012, au moment clé où discussions et actions visaient à transformer le quartier à travers la mise en place d’une opération marketing destinée à changer l’image du HM. L’étude longitudinale contextualise l’étude transversale et en vérifie les prolongements antérieurs et ultérieurs. Ces deux études conjointes ont été menées sur un grand corpus constitué d’un corpus médiatique composé d’articles tirés des journaux montréalais Le Devoir, La Presse, Le Journal de Montréal entre 2004 et 2023, du sous-corpus du corpus FRAN-HOMA 2012 (SC-FH), constitué de 38 entretiens sociolinguistiques réalisés en 2012 dans le HM, d’un corpus de locutrices du reportage YouTube « C’est quoi la gentrification à Hochelaga-Maisonneuve » réalisé en 2016 (R-YT) et composé de 15 locutrices du HM, d’un corpus communautaire, représenté par le site Web chlag.info en 2016 et 2017 et par les médias communautaires Le Fouineur libre (2004-2009) et La Serrure libre (2010-2012), et d’un corpus officiel contenant le plan stratégique de la Société de développement commercial (SDC) Promenade Hochelaga-Maisonneuve, composé de 85 pages de planification stratégique et marketing pour les deux artères commerciales du quartier.
À travers ces différentes instances discursives, je m’intéresse aux toponymes utilisés par les actrices du corpus pour désigner le HM, et plus spécifiquement aux toponymes non officiels HoMa, Hochelag et Chlag. L’étude des toponymes révèle une dynamique complexe entre l’identité imposée de haut en bas par les instances officielles et les appropriations locales par les résidentes du quartier. Les médias traditionnels, en adoptant des toponymes tels que HoMa, contribuent à narrativiser la revitalisation, tandis que les résidentes du quartier, en privilégiant des appellations historiques ou populaires comme Hochelag et Chlag, manifestent une résistance à cette redéfinition et une affirmation de leur identité locale.
Le cœur de cette recherche repose sur l’analyse de la façon dont les discours médiatiques et officiels sur la gentrification et la revitalisation interagissent avec les perceptions et les expériences vécues des résidentes. Cette interaction souligne l’existence d’une dualité au sein de l’identité sociale du quartier : d’une part, une vision modernisée et embourgeoisée promue par les médias et les promoteurs, et d’autre part, une identité plus ancrée et authentique ressentie par les résidentes. Cette dualité se traduit par des perceptions contrastées du processus de gentrification : certaines y voient une amélioration de la qualité de vie tandis que d’autres ressentent une perte d’authenticité et une menace à la cohésion sociale du quartier.
L’analyse longitudinale et transversale du corpus révèle les dynamiques de résistance face à la gentrification. Alors que la SDC et les promoteurs tentent de remodeler l’image du quartier, une partie des résidentes exprime un désaccord, percevant ces efforts comme une forme de marginalisation et une menace pour l’identité historique et culturelle du quartier. Cette opposition est particulièrement évidente dans les discours des médias communautaires et des résidentes engagées contre la gentrification, qui mettent en lumière les tensions entre le développement économique et la préservation de l’identité sociale.
Enfin, la recherche aborde la question de la mythogénèse dans la revitalisation du quartier. La création d’un mythe urbain autour du HM, soutenu par la SDC et relayé par les médias, vise à renforcer l’attachement des résidentes à leur quartier. Cependant, cette stratégie rencontre une résistance, car elle est perçue comme une tentative de réinvention artificielle de l’identité du quartier. Les résidentes cherchent à se réapproprier leur quartier en opposition à cette image idéalisée, mettant en relief une lutte pour le maintien de l’authenticité et de la réalité sociale du HM.
Cette thèse révèle ainsi la complexité des dynamiques sociales dans un quartier en cours de gentrification. Elle met en lumière l’importance des discours médiatiques et officiels dans la formation de l’identité sociale et montre comment les résidentes naviguent et réagissent à ces influences pour maintenir une connexion avec l’histoire et l’identité réelle de leur communauté. / This research explores the interactions amongst various stakeholders within a neighborhood undergoing urban transformation, aiming to understand how these interactions play a part in shaping social identities. It delves into the social dynamics that weave between forms of power embodied by official institutions, the media, and neighborhood residents. Focusing on the gentrifying Hochelaga-Maisonneuve (HM) area in Montreal since the early 2000s, this study explores the hypothesis of a situated social identity of the neighborhood and demonstrates how this identity is linked to media and official discourses.
The study adopts a virtual retrospective ethnography, immersing into the socio-economic reality of HM from 2004 to 2023. The cross-sectional analysis focuses on the period between 2010 and 2012, a critical time when discussions and actions aimed at transforming the neighborhood through a marketing operation intended to change HM’s image. The longitudinal study contextualizes and verifies the extensions of the cross-sectional study before and after this period. These joint studies were conducted on a large corpus comprising a media corpus of articles from Montreal newspapers Le Devoir, La Presse, Le Journal de Montréal between 2004 and 2023; the sub-corpus of the FRAN-HOMA 2012 (SC-FH), consisting of 38 sociolinguistic interviews conducted in 2012 in HM; a corpus of speakers from the 2016 YouTube report "What is Gentrification in Hochelaga-Maisonneuve?" (R-YT) composed of 15 HM speakers; a community corpus represented by the chlag.info website in 2016 and 2017, and community media Le Fouineur libre (2004-2009) and La Serrure libre (2010-2012); and an official corpus containing the strategic plan of the Société de développement commercial Promenade Hochelaga-Maisonneuve, consisting of 85 pages of strategic and marketing planning for the neighborhood’s commercial arteries.
Through these various discursive instances, the study focuses on the toponyms used by the actors in the corpus, specifically the unofficial toponyms HoMa, Hochelag, and Chlag. This analysis of toponyms reveals a complex dynamic between top-down imposed identity by official entities and local appropriations by neighborhood residents. Traditional media, by adopting toponyms such as HoMa, contribute to narrating the revitalization, while neighborhood residents, preferring historical or popular names like Hochelag and Chlag, demonstrate resistance to this redefinition and affirm their local identity.
The core of this research lies in analyzing how media and official discourses on gentrification and revitalization interact with residents’ perceptions and lived experiences. This interaction highlights a duality within the neighborhood’s social identity: on one hand, a modernized and gentrified vision promoted by the media and developers, and on the other, a more rooted and authentic identity felt by the residents. This duality is reflected in contrasting perceptions of the gentrification process, with some viewing it as an improvement in quality of life and others feeling a loss of authenticity and a threat to social cohesion.
The longitudinal and cross-sectional analysis of the corpus reveals dynamics of resistance to gentrification. While the SDC and developers attempt to reshape the neighborhood’s image, some residents express disagreement, perceiving these efforts as a form of marginalization and a threat to the historic and cultural identity of the area. This opposition is particularly evident in the discourses of community media and residents actively engaged against gentrification, highlighting tensions between economic development and preservation of social identity.
Finally, the research addresses the role of mythogenesis in the neighborhood’s revitalization. The creation of an urban myth around HM, supported by the SDC and relayed by the media, aims to strengthen residents’ attachment to their neighborhood. However, this strategy encounters resistance as it is perceived as an artificial reinvention of the neighborhood’s identity. Residents seek to reappropriate their neighborhood in opposition to this idealized image, highlighting a struggle to maintain authenticity and social reality.
This thesis thus reveals the complexity of social dynamics in a gentrifying neighborhood. It illuminates the importance of media and official discourses in forming social identity and shows how residents navigate and react to these influences to maintain a connection with the history and real identity of their community.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/33146 |
Date | 11 1900 |
Creators | Bourély, Claire |
Contributors | Tremblay, Mireille |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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