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Pour un travail écosocial centré sur le vivant : contributions à l'élargissement du concept de transition sociale-écologique et au co-développement des rapports incarnés, résonants et réciproques à la Nature-territoire

L'objectif général de cette thèse est de faire dialoguer le concept de transition sociale-écologique (TSE) et le champ disciplinaire du travail social afin d'éclairer des pistes ontologiques, épistémologiques, théoriques et pratiques pour le travail écosocial (Boetto, 2017). Plus spécifiquement, la visée est de mieux comprendre comment la TSE est imaginée et envisagée par des jeunes engagés dans le mouvement écologiste et d'investiguer les processus qui favorisent la connectivité à la Nature en intervention sociale.
Ainsi, deux terrains d'études complémentaires ont été constitués en endossant certains principes de la recherche-intervention. Dans un premier temps, des entretiens semi-dirigés (n = 10) et un groupe focus (n = 5) ont été menés avec des militant·es écologistes âgé·es de 18 à 25 ans afin d'examiner comment ils/elles définissent le concept de TSE. Les données empiriques recueillies sur ce premier terrain ont été transposées vers le second afin de développer, en amont, un programme d'Intervention par la Nature et l'Aventure (INA) à visée écosociale (Pieds sur Terre). Ainsi, dans un deuxième temps, le protocole d'intervention a été co-construit avec l'appui des perspectives des militant·es ainsi qu'avec des partenaires (n = 3) et écoleaders (n = 6) communautaires, impliqués dans la mise en œuvre du programme, désigné pour les jeunes et mené dans la Forêt Larose, à Prescott-Russell (Ontario, Canada). Deux travailleuse·rs sociales·ux ont contribué à sa mise en œuvre, incluant la présente auteure, via l'adoption de la posture d'intervenante-chercheure. Une fois démarré, le protocole a été ajusté tout au long de la recherche selon : 1) les besoins et intérêts des participant·es du programme (n = 5) et 2) ce qui émergeait dans le milieu naturel. La collecte de donnée a été réalisée par les moyens de la participation-observante, par des entretiens ponctuels et ciblés, et par l'entremise d'outils réflexifs, dont la méthode narrative de l'Arbre de la vie. L'objectif spécifique de ce terrain était de documenter, à la première et la troisième personne, les processus et les dynamiques, sociales et incarnées, qui nourrissent ou posent obstacle au développement de rapports alternatifs à la Nature et au bien-être et de formuler des pistes pour la recherche, la pédagogie et la pratique écosociale.
Reflétant l'étude de problématiques complexes (la TSE et le rapport à la Nature), un appareillage théorique hybride de type complémentariste a été conçu et comprend 1) le cadre théorique de la TSE (construit selon une méthode d'analyse inductive/déductive) ; 2) la sociologie charnelle (Wacquant, 2015) ; 3) la théorie de la résonance (Rosa, 2018) et 4) le cadre conceptuel du travail écosocial (Boetto, 2017). Le recours au courant écocritique en tant que méta-cadre a permis d'arrimer les diverses perspectives théoriques et de maintenir une vigilance épistémologique. L'hybridité s'est avérée féconde pour capter les facettes plurielles et interconnectées de l'expérience vécue et sensible, dont les dimensions corporelles, écospirituelles et discursives du rapport au vivant (Soi, l'Autre, la Nature) et pour appliquer une logique transversale à l'analyse des données. Une analyse thématique en continu a été employée pour analyser les résultats des deux terrains, présentés au sein de cette thèse sous forme de quatre articles. Les articles sont précédés d'une introduction, qui précise les raisons d'être de cette thèse et aborde les questions de positionnalité et d'engagement, laquelle est suivie par un chapitre « Problématique », qui vise à faire un état des lieux des notions de « crise socio-écologique » et de « transition sociale-écologique » et du travail écosocial. Les chapitres subséquents présentent le cadre théorique hybride et la méthodologique, respectivement.
En ce qui a trait aux articles, le premier explore les expériences de jeunes militant·es écologistes (terrain 1) pour répondre à des objectifs épistémiques (mener une recherche avec et pour les jeunes) et théoriques (enrichir la définition de la TSE). Ainsi, leurs propos ont éclairé des pistes conceptuelles pour approfondir l'axe socio-culturel de la TSE. Trois dimensions principales ont été repérées soit : 1) la justice climatique intersectionnelle; 2) les solidarités intergénérationnelles et 3) les connexions avec la Nature et la communauté. L'analyse a mené au concept guidé par les jeunes de « justice écologique relationnelle », qui invite à relativiser et atténuer les tensions entre l'écocentrisme et l'anthropocentrisme.
Le second article concrétise les liens entre le terrain 1 (les récits des jeunes militant·es) et le terrain 2 (le programme INA). Cet article descriptif et fondé sur l'autoréflexion critique se focalise sur les stratégies utilisées lors du processus de recherche pour tenter d'incarner une posture écocentrique. Offrant un aperçu global de l'étude, chacune des étapes du dispositif de la recherche-intervention sont présentées. Les cadres théoriques sociologiques (sociologie charnelle et théorie de la résonance), les objectifs du programme, ainsi que le protocole d'intervention sont discutés. Enfin, l'article présente les approches d'interventions principales (thérapie narrative, yoga thérapeutique et INA) et mobilisant des données empiriques pour des fins illustratives.
Le troisième article se penche vers le yoga, une pratique holistique et écospirituelle, intégrée au programme Pieds sur Terre (terrain 2). Les données empiriques, analysées sous l'angle de la théorie de la résonance et de la sociologie charnelle, montrent que le yoga, pratiqué en contexte de plein-air et doté de ses assises philosophiques, représente un outil d'intervention fertile pour activer des conditions qui ouvrent la voie aux expériences de résonance. Ainsi, trois principaux micro-processus, vecteurs de résonance, et médiatisés par l'expérience sensible, sensorielle et corporelle, ont été repérés : 1) la dispositionalité, 2) la temporalité et 3) l'indisponibilité relative. Ces processus créent un espace-temps favorable à la reconfiguration du rapport au vivant et à la création de récits individuels et collectifs alternatifs.
Le dernier article mobilise le cadre conceptuel du travail écosocial afin d'examiner l'apport encore inexploré de l'INA pour faciliter le développement d'une relation de réciprocité à la Nature. Trois leviers pour cultiver la réciprocité en INA sont identifiés et mis en lien avec le modèle conceptuel écosocial, dont 1) la mise en scène (être); 2) la réhistoricisation des récits (penser) et 3) l'action collective (faire). Les mécanismes d'intervention intrinsèques à ces leviers offrent des pistes prometteuses pour réorienter les objectifs fondamentaux de l'INA en vue de favoriser la connectivité, la solidarité et la réciprocité à la Nature-territoire.
La discussion souligne les contributions majeures de cette thèse pour la recherche, la pédagogie et l'intervention écosociale. Elle met également en évidence des enjeux qui méritent d'être investigués davantage et présente, en conclusion, des lignes directrices pour un travail écosocial transformateur, centré sur le vivant, et résolument écocentrique. Il est ainsi question de proposer que le travail social oriente davantage ses actions vers les besoins et les droits de la Nature et des autres-qu'humains qui peuplent nos milieux de vies partagés.

Identiferoai:union.ndltd.org:uottawa.ca/oai:ruor.uottawa.ca:10393/45181
Date24 July 2023
CreatorsLarocque, Emmanuelle
ContributorsMoreau, Nicolas
PublisherUniversité d'Ottawa / University of Ottawa
Source SetsUniversité d’Ottawa
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThesis
Formatapplication/pdf
RightsAttribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International, http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/

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