Depuis son origine, l'Union soviétique n'a cessé d'être en France l'objet d'un vif débat politique et intellectuel, un lieu de transposition des affrontements idéologiques hexagonaux. Alors que deux images contradictoires de l'URSS se sont formées au XXe siècle – celle de l'incarnation du socialisme et celle d'une dictature repoussante – la décennie qui débute en 1975 voit le triomphe en France de l'image noire du régime soviétique, dont le bilan est jugé complètement négatif, malgré une courte période d'interrogations suscitée par les réformes gorbatchéviennes. Cette évolution est le résultat d'un intense affrontement politique et idéologique hexagonal autour de la « réalité » du socialisme soviétique au moment où l'Union de la gauche propose un projet socialiste pour la France : l'Union soviétique se retrouve alors étroitement imbriquée dans les débats politiques, syndicaux, intellectuels français, constituant alors la ligne de démarcation principale entre communistes et non-communistes. La réintroduction du concept de totalitarisme, l'identification à la lutte de la dissidence est-européenne et la dénonciation de l'impérialisme soviétique pendant la période de « guerre fraîche » constituent les différentes facettes de cette lutte dont le résultat est le développement d'un fort antisoviétisme en France, allant jusqu'à une certaine remise en cause des relations bilatérales. L'amalgame entretenu entre les deux socialismes – de l'Est et de l'Ouest – contribue à la fois à la marginalisation du Parti communiste français qui peine à redéfinir ses relations avec les partis frères, de l'affirmation du « socialisme aux couleurs de la France » au bilan « globalement positif » des pays de l'Est, mais affecte aussi de manière plus générale l'idée de socialisme en France. Après des années de sympathie pour le communisme, les intellectuels français basculent massivement dans un anticommunisme virulent: la substitution du binôme capitalisme/socialisme au profit du couple démocratie/totalitarisme se traduit par l'abandon des traditions révolutionnaires de la gauche française. La vision libérale de l'histoire triomphe alors, entraînant une condamnation totale et définitive du régime soviétique qui précède, de loin, sa fin en 1991. / From its beginning, the Soviet Union has always been the subject of a fierce political and intellectual debate in France, a place on which ideological French confrontations were transfered. During the 20th century, two conflicting images of USSR were created – the embodiment of socialism and of a repulsive dictature – but after 1975 the dark image of the soviet system prevails. Its assessment is judged as completely negative, despite Gorbachev's era of reforms. This change is the result of an intense political and ideological French confrontation about what soviet socialism really is at the time when the Union of the Left is putting forward a socialist project for France : thus, the Soviet Union becomes closely interlocked in any debate in French political parties, unions and intellectual circles, acting as a dividing line between communists and others. The reintroduction of the concept of totalitarianism, the identification to the fight of Eastern Europe dissidents and the highlighting of soviet military imperialism during the second cold war are the different parts of this fight which results in the growth of a strong anti-sovietism in France and in a kind of adjournment of bilateral relations with the USSR. The amalgam between western and eastern socialism leads to the marginalization of the French Communist Party, which is not able to redefine its relations with the eastern sister parties, from the French way to socialism (“socialisme aux couleurs de la France”) to the globally positive assessment of Eastern socialist countries. It also affects the general idea and contents of socialism in France. After years of sympathy for communism, French intellectuals massively swing to an acerbic anticommunism: the opposition between capitalism and socialism is replaced by the one between democracy and totalitarianism, and, because of that, French Left revolutionary traditions are abandoned. At that point, the liberal vision of history prevails, and leads to the total and definitive condemnation of the soviet regime, preceding by far its end in 1991.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2012BOR30085 |
Date | 05 October 2012 |
Creators | Chauvin, Hervé |
Contributors | Bordeaux 3, Lachaise, Bernard |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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