Ce travail propose de replacer l’œuvre dramatique de Shakespeare au sein des débats suscités par les jeux dans la première modernité anglaise. Soucieux de catégoriser l’ensemble des pratiques ludiques – alors désignées par les termes interchangeables « sport », « game », et « play » – selon des critères éthiques et religieux, de nombreux moralistes, que nous qualifions de « ludophobes », fustigent les passe-temps « malhonnêtes » au premier rang desquels figurent le théâtre commercial et les jeux de hasard. Face à ces attaques, on voit se dessiner dans l’œuvre de Shakespeare une défense des jeux et d’un homo ludens plus humaniste, affirmant un franc instinct de jouer qui n’est pas pour autant idéalisé. Si ce positionnement est parfois explicite, à travers la satire de personnages ludophobes comme Malvolio dans Twelfth Night par exemple, il se dévoile le plus souvent de biais, à travers une poétique des jeux qui parcourt l’ensemble de ses pièces. Car les références aux jeux et les métaphores ludiques sont nombreuses chez Shakespeare. Elles s’inscrivent dans une esthétique baroque qui s’accompagne aussi d’une vision sceptique et machiavélienne du monde politique dans les pièces historiques. Ce scepticisme laisse toutefois place à une vision pragmatique plus optimiste lorsque le dramaturge met en scène le triomphe de joueurs audacieux qui savent ruser avec les règles et parviennent à dominer, voire à abolir le hasard. À la lumière de ces métaphores émerge alors une conception des jeux qui repose en très large partie sur l’idée de maîtrise que Shakespeare place au cœur d’un art dramatique qui valorise le rapport ludique au théâtre et l’art de l’acteur. / This research places Shakespeare’s plays within the wider historical context of the debates on sports and games of early modern England. Moralists of the time sought to categorise all ludic practices – indifferently referred to as “sport”, “game”, or “play” – along ethical and religious lines and denounced those that were thought to be “dishonest sports”. Chief amongst their concerns were the dangers represented by commercial theatres and games of chance. In light of these attacks, Shakespeare’s plays offer a defence of games and a humanist version of a homo ludens who is a cheerful player, although he is not idealized. Although this defence is at times explicit – as is the case with the satirical portrayal of the game-hating Malvolio in Twelfth Night – more often than not it is suggested through a poetics of games that pervades the plays. For references to and metaphors of games are recurrent in Shakespeare plays. They serve a baroque aesthetic which goes hand in hand with a sceptical and Machiavellian vision of politics in the histories. However, Shakespeare also offers elsewhere a much more optimistic and pragmatic world view when he stages the triumph of audacious players who know how to play with the rules and seem to conquer, or even abolish, chance itself. The ludic metaphors finally help us define Shakespeare’s own conception of games, one which relies on the idea of mastery; but it is also this idea of mastery that lies at the core of his own dramatic art, which celebrates a ludic relation to theatre and glorifies the art of acting.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2019SORUL082 |
Date | 04 October 2019 |
Creators | Fang, Louise |
Contributors | Sorbonne université, Cottegnies, Line |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | English |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text, Image |
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