La thèse étudie les enjeux politiques et artistiques de la scène de bataille dans la peinture monumentale au XVIe siècle en Italie, avant que la représentation de la guerre ne présente une distinction entre peinture d’histoire pour les faits anciens et peinture historique pour les faits contemporains, selon les catégories artistiques qui s’affirment au cours du XVIIe siècle. C’est pourquoi notre étude ne propose pas une histoire de la scène de bataille mais une enquête au sujet de compositions singulières, sur les problématiques politiques, idéologiques, esthétiques et culturelles qui les traversent. Si l’hétérogénéité artistique du corpus et la fragmentation politique de la péninsule ont favorisé des approches monographiques, l’apparition de contextes historiques et thématiques, où les scènes de bataille s’inscrivent dans des ambitions analogues a conduit à adopter une perspective comparée, où les œuvres sont considérées en dialogue – deux à deux, par cycle ou par typologie – autour d’enjeux politiques et formels communs. Après 1500, plusieurs commandes majeures passées par les principales puissances italiennes donnent une monumentalité nouvelle à la bataille dans l’iconographie politique. Dans le contexte d’urgence des guerres d’Italie, la peinture de l’histoire des faits passés est investie de l’espoir d’une efficace politique, à laquelle l’évolution mimétique et expressive dans laquelle est engagée la peinture italienne peut répondre. Les batailles inachevées de Léonard et Michel-Ange adoptent un traitement rhétorique de l’histoire, qui engage le spectateur dans une narration qui se déploie autour des émotions des personnages en action. Par le traitement des figures et l’intelligence de la composition d’ensemble, les batailles de Léonard de Vinci, Michel-Ange puis celles de Raphaël et Titien deviennent des exemples paradigmatiques, qui marquent les prémices de la scène de bataille comme forme politico-artistique, mettant la noblesse et l’ambition de l’art de peindre au service de l’expression du pouvoir. Les compositions ponctuelles du début du XVIe siècle laissent place dans la seconde moitié du siècle à une extension du thème militaire dans les décors palatiaux. L’orientation du programme iconographique détermine alors les problématiques politiques et iconographiques des peintures. Dans les cycles dynastiques, la corrélation entre la généalogie et l’histoire conduit à associer étroitement le récit de l’événement à l’action du personnage ; les dispositifs d’héroïsation individuelle coexistent alors avec les procédés d’historicisation de l’épisode. Dans les décors d’État, la multiplication des scènes de bataille affiche la puissance militaire comme fondement de la souveraineté de l’État moderne. À Florence et à Venise, la représentation de la guerre prend un caractère encyclopédique, venu de l’humanisme militaire, qui témoigne de la centralité de la maîtrise de ces savoirs pour le gouvernement de l’État. Un dernier temps, consacré aux représentations monumentales de la bataille de Lépante, à Venise et à Rome, envisage l’émergence de problématiques spécifiques à la représentation de la bataille contemporaine. L’actualité de l’événement impose une exigence de documentation poussée dans la représentation historique de son déroulement. Les peintres proposent alors des expérimentations dans le langage artistique employé pour figurer la bataille et introduisent parfois un dialogue avec les formes descriptives ou schématiques de représentation de la guerre, pour répondre à cette ambition documentaire. Les scènes de batailles du XVIe siècle italien s’inscrivent ainsi au croisement de l’évolution de la culture de la guerre de la Renaissance, marquée par le début de la « Révolution militaire », et de celle de la théorie artistique, où apparaît progressivement une rationalisation de la manière de raconter l’histoire. / This thesis focuses on the political and artistic dimensions of battle scenes in 16th-century Italian monumental painting, at a time when the depiction of war had yet to develop a distinction between two forms of the depiction of history, history painting treating past events and historical painting focused on contemporary events, according to artistic categories established during the 17th century. Thus this work does not offer a history of the battle scene itself, but an enquiry on specific compositions, trying to ascertain the political, ideological, aesthetic and cultural issues that inform them. Although the artistic heterogeneity of the corpus and the political fragmentation of the Italian peninsula have encouraged previous studies to follow a monographical approach, the apparition of historically and thematically similar contexts in which various battle scenes answer analogous ambitions has led us to adopt a comparative methodology, which attempts to develop a dialogue between pairs, series or types of works, linked by common political and formal objectives. Starting from 1500, a series of major orders placed by the main political powers in Italy embued battle scenes with a new monumental dimension within political iconography. In the urgency of the context of the Italian Wars, the depiction of past historical events was invested with the hope of real political efficacy, to which the mimetic and expressive evolution of Italian painting was now able to respond. The battle scenes left unfinished by Leonardo and Michelangelo adopted a rhetorical treatment of history which involved the viewer into a narrative centred around the emotions of the characters during the action. By virtue of their treatment of figures and their complex narrative articulation, Leonardo’s and Michelangelo’s battle scenes, and later Raphaël’s and Titian’s, acquired paradigmatic status, and paved the way for the establishment of the battle scene as a political-aesthetical form, making the nobility and ambition of artistic endeavour subservient to the expression of power. Sporadic compositions of the beginning of the 16th century were followed, during the second half of that century, by an extension of military themes in palace decoration. The political and iconographic objectives of paintings was therefore determined by the orientation of the iconographic programme of the whole room. In dynastic painting cycles, the correlation between genealogy and history led the artist to closely associate the depiction of the event to the actions of the character, so that devices of individual glorification coexisted with devices historicizing the episode. In state ornamentation, the multiplication of battle scenes showcased military might as the basis for the sovereignty of the modern State. In Florence and Venice, the depiction of war received from military humanism an encyclopaedic dimension which illustrated the central role played by the mastery of these forms of knowledge in the administration of the State. The last part of this study, which focuses on the monumental representations of the Battle of Lepanto in Venice and Rome, describes the emergence of problems that are specific to the depiction of contemporary battles. The immediacy of the event demanded from the historical depiction of the unfolding of the event an advanced documentary quality. The artists had to develop new experiments in the aesthetic idiom used to represent the battle, sometimes in dialogue with more descriptive or schematic depictions of warfare. 16th-century Italian battle scenes thus find themselves at a crossroad between the evolution of warfare during the Renaissance, characterised by the beginnings of the « Military Revolution », and the evolution of aesthetic theory, defined by an increasing rationalisation in the way history is depicted.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017PSLEP058 |
Date | 12 December 2017 |
Creators | Lafille, Pauline |
Contributors | Paris Sciences et Lettres, Hochmann, Michel |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0032 seconds