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Gestion des rôles de vie : contribution de la médiation équine

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a estimé qu'en 2016, 488 millions de personnes ont été exposées à de longues heures de travail (>55 heures/semaine), et que ce phénomène a causé près de 745000 décès par maladie cardiaque (Pega, et coll., 2021). Alors que l'accélération et la compression du temps, l'intensification et l'extensification du travail semblent croître à l'infini dans nos cultures occidentales (Rosa, 2013), des actions sont requises afin de prévenir leurs effets sur la santé et le bien-être de la population active. Dans cette optique, l'espace de médiation entre les rôles de vie peut être un lieu de facilitation, où les personnes développent une relative aisance à naviguer entre différents champs d'activités, et ce, de manière à réduire les conflits entre le travail et la vie personnelle. S'il est entendu que la mise en place de conditions visant à prévenir les complications de ces conflits est une responsabilité partagée entre les divers acteurs, comme l'État et les organisations, cette recherche doctorale se concentre sur la mise en place d'expérimentations individuelles visant à atteindre un meilleur équilibre de vie. Afin d'étudier cette problématique élargie et d'actualité, nous avons coconstruit une formation expérientielle assistée par médiation équine visant à contribuer à la gestion des rôles de vie. Les formations par médiation équine sont des programmes éducatifs, centrés sur la dynamique d'un groupe de travail, réuni pour réaliser des activités d'apprentissage expérientiel avec des chevaux, sans équitation (Meola, 2016). Bien que l'intégration de la médiation équine dans les interventions éducatives pour adultes soit récente, certains résultats d'études empiriques (Dyk et coll., 2012 ; Toutain et coll., 2016) suggèrent que la médiation équine est efficace pour le développement d'habiletés managériales et de leadership. De plus, certaines habiletés transférables pouvant être développées en médiation équine sont similaires à celles mobilisées dans la gestion des rôles de vie, notamment la communication verbale et non verbale, le pouvoir d'influence, savoir comment motiver autrui, etc. (Friedman et coll., 2015 ; Kreiner et coll., 2009). Puisque la contribution de la médiation équine à la gestion des rôles de vie n'a jamais été étudiée directement, cette étude propose d'observer et d'analyser un sujet auparavant inaccessible à l'investigation scientifique. Cette recherche a pour objectif principal de décrire l'utilisation des apprentissages d'une formation par médiation équine dans la gestion des rôles de vie de personnes en emploi éprouvant des conflits de rôles. Dans le cadre de cette étude exploratoire, les méthodologies employées sont celles des études de cas (Yin, 2008) et de la recherche-action collaborative (Bonny, 2015). Les données ont été recueillies par la création d'espaces communicatifs (Burns et coll., 2014), au moyen de groupes de discussion, d'entrevues individuelles (n=26), et d'ateliers de médiation équine (n=8). En somme, ces espaces communicatifs ont permis la mise en commun de points de vue et de perspectives alternatives, notamment entre les collaborateurs et collaboratrices en emploi (n=12), et les expert·e·s en formation pour adultes (n=6). Les premiers résultats présentent de nombreux récits de gestion des rôles de vie, nécessaires afin de mieux comprendre la genèse des enjeux rencontrés chez les collaborateurs et collaboratrices. L'analyse de contenu suit la méthodologie en trois étapes de Gioia et coll. (2013) pour extraire cinq grandes dimensions émergeant de l'articulation des enjeux de gestion de rôles de vie. Les données ont rappelé l'importance des axes d'articulation travail-quête identitaire et des frontières entre les domaines de vie (Clark, 2000 ; Nippert-Eng, 1996 ; Voydanoff, 2005). L'analyse a aussi soulevé l'importance du care, inscrit à l'intérieur d'une éthique de soi, où s'articulent le souci de soi et le souci de s'impliquer dans la société. À la lumière des réflexions post-formation, et après plusieurs mois de pandémie de COVID-19, l'analyse avance deux axes supplémentaires, soit l'articulation phénoménologique de la gestion des rôles de vie, et la liberté d'action dans un contexte de crise sanitaire. Ces résultats présentent non seulement une diversité dans la richesse des réflexions sur des narratifs élargis comme l'accélération sociale du temps (Rosa, 2013) et les aspects parfois absurdes du travail (Graeber, 2018), mais ils indiquent aussi le rôle de la réflexivité sur le pouvoir d'action. La seconde partie des résultats aborde l'étude ethnographique des ateliers de médiation équine, par observation participante, et par l'analyse des propos recueillis lors des groupes de discussion et des entrevues de suivi. L'analyse s'appuie sur le concept de liminalité de Turner (1969, 1988) afin de souligner les renversements potentiels de pouvoir et les reclassifications sur lesquels l'effet transformatif des ateliers peut s'appuyer. Les préoccupations sur le « devenir ensemble » (Haraway, 2008) représentent un développement pour les animaux de compagnie, en l'occurrence nos partenaires équins, qui obtiennent de nouvelles tâches et de nouveaux rôles. L'analyse présente un cadre conceptuel pour la médiation équine, un riche descriptif des rituels sous-jacents ainsi qu'une réflexion sur le rôle performatif de ces activités. L'analyse suggère également que les agencements multiespèces (Despret, 2014) sont un vecteur important de signification pour les ateliers centrés sur le développement personnel. Cette section permet aussi de soulever la pertinence de mobiliser les autoethnographies des collaborateurs et collaboratrices dans l'effort de coconstruction des connaissances. La troisième partie des résultats vise la construction de modèles narratifs servant à décrire certaines trajectoires alternatives (Khan et VanWynsberghe, 2008) et à illustrer la mobilisation des habiletés développées lors de la formation. Le traçage de trajectoires (George et Bennett, 2005) permet d'identifier des processus facilitant la contribution de la formation à la gestion des rôles de vie. À la suite de l'analyse comparative des cheminements individuels, les différents processus identifiés sont la défocalisation-refocalisation, l'équilibrage par arrangements, le recadrage, et l'unité par décompartementage. Les particularités associées à ces trajectoires contrastent avec les effets « thérapeutiques » habituellement reconnus aux activités de loisir (Caldwell, 2005). Finalement, l'évaluation globale de la formation atteste de sa contribution à la gestion des rôles de vie parfois à titre de « loisir et de socialisation », de « boîte à outils » d'habiletés relationnelles et de gestion, et enfin, de construction de réseaux de significations mis à profit dans le développement personnel.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/73425
Date13 December 2023
CreatorsPayette, Benoît
ContributorsChrétien, Lise
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xv, 240 pages), application/pdf
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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