Cette thèse espère contribuer au dépassement du récit dominant qui a longtemps marqué l’historiographie du mouvement des droits civiques. Différents mécanismes de production du consensus, tant externes au mouvement qu’internes, ont contribué à masquer les tensions qui le traversaient et à le délimiter étroitement autour du seul aspect racial. Ce récit unifiait artificiellement la minorité noire en minorant les clivages de classe, de genre, les tensions générationnelles ou spatiales qui préexistaient aux années 1960 et en limitant les objectifs de ces mobilisations à la revendication de l’égalité des droits raciaux. Par ailleurs le maccarthysme et le triomphe du consensus libéral ont marginalisé la gauche noire et relégué les femmes à l’arrière-plan. Marginalisés en tant que forces politiques, les courants radicaux et les femmes ont aussi été d’abord effacés du récit historique. Cette représentation restrictive du mouvement des droits civiques a pu s’intégrer au récit national américain, aux dépens des voix radicales discordantes et du Nationalisme Noir de la période postérieure à 1966. Cependant ces clivages préexistaient : ce travail s’inscrit dans la perspective d’une histoire longue du mouvement des droits civiques qui met l’accent sur les continuités qui, des années 1930 aux années 1970, lient les générations entre elles. Il s’agit alors de dépasser les limites chronologiques traditionnelles et les clivages spatiaux qui opposent un Nord et un Sud essentialisés pour se situer à l’échelle locale, à la hauteur des militants dans la multiplicité des mouvements locaux. Nos sources en majorité autobiographiques, mais aussi photographiques, permettent de rendre compte de l’écart entre les militants locaux et leurs leaders nationaux du New Deal au Black Power. Les autobiographies militantes constituent des contre-récits qui remettent en question le récit dominant et dévoilent les tensions politiques et les projets minoritaires : ceux de la gauche noire, mais aussi les clivages genrés, générationnels ou spatiaux. Les revendications économiques et féministes de même qu’une dimension internationale sont aussi mis en lumière. La photographie de presse participe à cet effacement des clivages, par l’iconisation de figures célèbres. Malgré le maccarthysme, les thèmes et les idées de la gauche noire perdurent pourtant par le biais de l’image. Cette thèse tente de redonner leurs voix aux leaders anonymes du mouvement, à ceux dont les idées ont été masquées ou déformées et qui témoignent de la complexité d’un combat où classe, genre et race sont liés mais aussi en concurrence. / In this dissertation I hope to contribute to the criticism of the dominant narrative that has long been at the center of the historiography of the black liberation movement. Different consensus-building mechanisms, both external and internal to the movement, masked its tensions and tended to delineate it exclusively around race. This narrative artificially unified the black mi-nority by mostly obliterating the movement’s class divisions as well as the gender, generation-al, and spatial tensions, that existed prior to the 1960s, and by limiting its objectives to the demand for legal rights. Furthermore, McCarthyism and the triumph of the liberal consensus marginalized the black left and relegated women to the background while politically radical currents and the demands of women were also erased from the historical narrative. This nar-row vision of the black liberation movement was integrated into the US national narrative at the expense of the discordant voices of radicalization and Black Nationalism of the post-1966 era. This work adopts the perspective of a long civil rights movement by focusing on the con-tinuities that linked various generations, from the 1930s to the 1970s, thus going beyond the traditional and the spatial divides, which oppose an essentialized regional divide between North and South in the dominant narrative to focus instead on the diversity of local movements The sources used focus on autobiographies and on photography, making it possible to account for the differences in point of view between local activists and their national leaders, from the years of the New Deal to the Black Power era. Militant autobiographies constitute counter-narratives that challenge the master narrative and reveal political tensions and minority projects, including those of the black left; they also point to gendered, generational and spatial divides as well as to economic and feminist demands, and they show the international dimen-sion of the black liberation movement. Mainstream photography participated in the erasure of the tensions in the movement through the iconization of famous figures. Still, in spite of McCarthyism, the themes and ideas of the black left are visible through their own images. With such sources, this doctoral dissertation attempts to give voice to the anonymous leaders of the movement, to those whose ideas have been masked or distorted and whose testimony testifies to the complexity of a struggle where class, gender and race both concur and compete.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018USPCA113 |
Date | 23 November 2018 |
Creators | Mahéo, Olivier |
Contributors | Sorbonne Paris Cité, Le Dantec-Lowry, Hélène |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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