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L'idée de la correspondance des arts dans la théorie et la pratique de l'art des jardins (1760 à 1808) / The idea of the correspondence of arts in the theory and the practice of the gardens (1760 - 1808)

Les classiques conçoivent le champ artistique pluriel comme un dense réseau de correspondances, en y décelant un potentiel d’une riche expérience de la culture du temps. En renonçant à chercher dans leurs textes les présages de la conception moderne de l’Art (le génie fulgurant, l’invention, la créativité, l’originalité), nous remettons l’accent sur un autre versant de l’esthétique classique, se focalisant sur la résistance de la matière à la forme, l’exécution, le faire et la durée. En concevant la mimésis comme une équivalence entre poiesis et aisthesis, les classiques affirment que l’expérience artistique doit son déroulement, ses inflexions et la qualité de sa richesse au(x) médium(s) engagé(s). Que ce soit potentiellement ou concrètement, la variété du champ des arts conditionne nécessairement toute expérience artistique. Stimulante ou dérangeante, l’intermédiation des registres allogènes dans la contemplation d’une œuvre ainsi que dans la définition d’un art devient un détour inévitable, un dispositif de cohérence, récalcitrant à toute systématisation. Cette vision des arts anime l’imaginaire depuis la Renaissance jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, en trouvant dans la littérature jardinière un terreau particulièrement fécond. Au XVIIIe siècle, la tradition classique fait l’objet d’une importante pression : la nouvelle disposition épistémologique et la lente autonomisation de l’expérience esthétique incitent à l’organisation de relations interdisciplinaires jugées trop chaotiques. La réponse se montre ambiguë entre les constats, les impératifs et l’expérience relatée. La théorie du jardin restreint alors le cercle de ses références aux arts « libéraux », en assignant à chaque alliance interdisciplinaire une fonction particulière. L’entreprise remporte un certain succès : elle parvient à s’ancrer dans l’opinion publique et suscite un débat esthétique inédit dans l’histoire des jardins. Toutefois, la conceptualisation de la correspondance des arts se heurte à une difficulté : l’homogénéisation et l’unification du champ pluriel des arts. La déclaration du jardin en tant que foyer de « tous les arts » a pour but de prévenir le risque de sa monopolisation par un seul intermédiaire. En tout, suspendus entre les tendances du sujet unificateur et le désir de conserver la multiplicité des arts, les Lumières génèrent une forme de gestion de la pluralité que nous appelons une « dissipation contenue ». Les détours interdisciplinaires sont les chemins de la connaissance propres à la culture opérant dans le champ multiple des arts. Le contexte du jardin radicalise cette sémiose détournée. Les différences entre les objets acquièrent ici la valeur de simples différentiels. Dans une composition artistique qui fait de son exposition facteurs imprévisibles et contingents sa raison d’être, la logique fondée sur l’identité et l’opposition est inopérante. Par la voie de contigüité ou de similitude, les valeurs des arts se déplacent des objets à d’autres : la demeure principale rayonne et transmet son ordre architectural aux parterres environnants, le tableau imprime sa copie in situ de qualités picturales, la fabrique abritant une figure se pare de traits sculpturaux, etc. A réunir dans un enclos jardinier « tous » les arts, ses amateurs lui permettant de perpétuer cette sémiose potentiellement à l’infini. Les jardins des classiques ne sont pas conçus pour apporter de nouvelles connaissances, mais pour sonder l’expérience accompagnant son acquisition. L’enchaînement des dérapages disciplinaires « contenu » transforme la lecture du jardin en un « art de la promenade » érudit : une disposition cognitive constituée de comportements intellectuels et corporels étudiés, paradoxalement, dans le but d’atteindre le délassement et le naturel. / The art of gardens in France (1760-1808): Correspondence of arts in theory and practice. Classical thinkers understand the plural artistic realm to be a dense network of correspondences, where the rich experience of the culture of time (of cultivating time) yields a high potential. Having renounced to search through their works for harbingers of modern art (brilliant genius, invention, creativity, originality), we concentrate more on another aspect of classical aesthetics which focuses on the resistance of matter to form – execution, the act of doing and duration. Considering mimesis as an equivalence between poiesis and aisthesis, classical thinkers maintain that artistic experience owes its unfolding, its inflections and its quality to the chosen medium or media. Be it potentially or concretely, the diversity of the art realm necessarily conditions every artistic experience. Whether it be stimulating of disturbing, the intermediation of allogenic registers – as regards both the contemplation of an art work and the definition of an art form – becomes a necessary detour, a coherence mechanism, recalcitrant to any systemization. This view of the arts inspired public and artist imagination from the Renaissance to the end of the XVIIIth century, finding in garden literature a particularly fertile ground. During the XVIIIth century, classicism begins to be questioned : a new epistemological tendency, coupled with the growing autonomy of the aesthetic experience, results in the ordering of seemingly chaotic interdisciplinary relations. Assessments, imperatives and portrayed experience make for an ambiguous response. As a result, garden theory reduces the scope of its references to the “liberal” arts, ascribing to each interdisciplinary alliance a particular function. This new approach enjoys considerable success, permeating public opinion and triggering an aesthetic debate never before seen in garden history. Nevertheless, conceptualizing a correspondence between the arts meets with difficulty: homogenizing and the unifying the plural domain of the arts. Presenting the garden as the source of “all of the arts” aims to prevent one single discipline from monopolizing it. All in all, torn between the subject as unifier and the desire to retain the multiplicity of the arts, the enlightenment philosophers invent a way to manage plurality that we call “contained dissipation.” Interdisciplinary detours are paths to knowledge specific to culture, operating in the multiple realm of the arts. In the context of the garden, this indirect semiosis is radicalized. Differences between objects thus acquire simple differential values. In an artistic composition whose existence is defined by its display vis-à-vis unpredictable and contingent factors, logic based on identity and opposition is inoperable. Through contiguity and resemblance, art values are displaced form one object to another: the principal residence radiates, transmitting its architectural order to the surrounding beds, the painting transfers pictorial qualities to its in situ copy, the factory harboring a figure takes on its sculptural traits, and so on. By uniting "all" of the arts in a garden enclosure, enthusiasts of the latter endow it with a material which makes it possible to perpetuate this semiosis infinitely. Classical gardens are not conceived to contibute new knowledge, but rather to enquire into the experience brought about by its acquisition. The succession of "contained" disciplinary blunders transforms the reading of the garden into an erudite “art of promenading” : at work is a cognitive mindset composed of prepared intellectual and bodily comportments whose paradoxical goal is to achieve relaxation and naturalness.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2012GRENL028
Date11 December 2012
CreatorsWoronow, Ilona
ContributorsGrenoble, Jakob, Michael
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

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